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Nº 3039 du vendredi 5 février 2016

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Elie Ferzli, ancien vice-président du Parlement. «Le président ne peut être que Michel Aoun»

Sa vision claire de fin stratège et sa lecture approfondie des faits font de l’ancien vice-président de la Chambre Elie Ferzli, un interlocuteur incontournable pour une évaluation des derniers développements sur la scène locale. Magazine l’a rencontré à son domicile pour un tour d’horizon.
 

Le président Nabih Berry vient de déclarer que la présidentielle est, pour le moment, dans le congélateur. Quelle est votre lecture de la situation?
Il est certain qu’à ce jour, le dossier présidentiel n’est pas sorti du congélateur, malgré un repositionnement important des acteurs responsables de l’impasse politique. Il est grand temps que le Courant du futur, qui représente la principale composante sunnite du pays, avec ses prolongements régionaux, cesse de tourner le dos à la reconnaissance de la légalité du représentant le plus populaire de la société chrétienne. Cette vision s’applique sur toute la réalité politique. Si à la base, la représentation des chrétiens était correcte, il n’y aurait pas eu de problème. Il y a toujours eu une tentative de jouer sur les contradictions chrétiennes, pour marginaliser les chrétiens et faire d’eux des subordonnés, malgré la présence d’un maronite à la tête de l’Etat. Mais cela appartient désormais au passé. Une page est tournée. La partie qui paralyse la vie politique n’a toujours pas compris cela. L’appui de Samir Geagea au général Michel Aoun a renforcé cette hypothèse. Tourner le dos à cette réalité, ne pas en tenir compte, est très grave. Celui qui ne le voit pas ainsi ne veut pas résoudre le problème.

Comment voyez-vous l’appui de Saad Hariri à la candidature de Sleiman Frangié?
La candidature de Sleiman Frangié est très sérieuse. Celui qui pense différemment se trompe lourdement. Saad Hariri a ses raisons. Il ne peut plus rester à l’extérieur du pays et veut, à tout prix, revenir au Liban en tant que Premier ministre. Quelqu’un lui a proposé comme issue, de soutenir la candidature de Frangié, espérant que ceci représentera un attrait pour le 8 mars. Cette idée a été proposée aux chancelleries et à l’Arabie saoudite, qui ont donné leur accord, mais les tenants de l’idée n’ont pas réussi à aller plus loin. Cela s’est répercuté sur la relation entre Hariri et Samir Geagea, qui avait déjà entamé son dialogue avec le général Michel Aoun. Cette démarche, trop assurée, a constitué une insulte pour les chrétiens du 14 mars et provoqué de très vives réactions sur les réseaux sociaux, qui ont vite fait de dépasser la décision de Samir Geagea d’appuyer le général Aoun.
 

Vous estimez donc que l’accord de Maarab est une réaction à la candidature de Frangié…
C’est la continuité de la déclaration d’intentions entre le CPL et les FL. La candidature de Frangié a poussé les gens à surmonter leurs complexes et à accepter cet accord. De plus, la conscience chrétienne appuie la réconciliation. Pendant des années, tout le monde appelait à une entente Aoun-Geagea. Maintenant que c’est chose faite, on la rejette. Personne ne veut que les chrétiens s’entendent entre eux.

Comment expliquez-vous le dernier discours de sayyed Hassan Nasrallah?
Son discours n’a besoin d’aucune explication. Sayyed Hassan Nasrallah a reconfirmé son appui à la candidature de Michel Aoun. Le fils du 8 mars et l’un de ses piliers, Sleiman Frangié, est le candidat de Saad Hariri. Cela représente un plafond sous lequel le 8 mars s’estime gagnant. Son candidat est le général Michel Aoun et si celui-ci se désiste, ce sera Sleiman Frangié. Sayyed Nasrallah a clairement signifié qu’il n’assistera pas à la séance parlementaire (du 8 février) et assume pleinement son absence, car il est contre le manque de respect manifesté envers la personne qui représente les chrétiens. Frangié a déclaré que si le Hezbollah n’assistait pas à la séance, il ne le ferait pas non plus.

Sayyed Hassan Nasrallah a renoncé à l’idée du «compromis global» en contrepartie de l’élection du général Michel Aoun…
Sayyed Nasrallah tente ainsi d’arriver à un compromis global portant aussi sur une loi électorale. La loi actuelle incarne l’usurpation des droits des chrétiens. Certains ont avancé qu’il liait cela à l’élection présidentielle pour compliquer ce scrutin. La loi électorale est plus importante que l’élection d’un président de la République, car c’est elle qui renouvelle le pouvoir, assure une juste représentation des chrétiens et incarne le véritable partenariat. Ignorer cela est une persistance dans le vol et l’usurpation des droits constitutionnels des chrétiens. Sayyed Nasrallah a tout placé sous le plafond de Taëf et de la Constitution pour faire taire tous ceux qui prétendent que les chiites veulent mettre la main sur le pays et réclament une nouvelle conférence constituante.

 

 

 

 

 

 

«Saad Hariri veut, à tout prix,
revenir
au Liban en tant que
Premier ministre».

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi Sleiman Frangié maintient-il sa candidature?
Personne ne lui demande de la retirer! Je réclame qu’il se retire après qu’il eut réalisé une entente avec le partenaire sunnite. Si Sleiman Frangié se retire, que nous resterait-il pour nous garantir que ne serait pas proposée la candidature de quelqu’un d’autre, un retour à celle d’Henri Hélou par exemple? Sleiman Frangié doit œuvrer pour un compromis et amener le Courant du futur à adopter d’autres positions.

Qui, d’après vous, sera président, Aoun ou Frangié?
La question ne se pose pas. Le président ne peut être que Michel Aoun. C’est lui ou personne.

Comment interprétez-vous l’accord de Maarab?
Il faut reconnaître que la candidature de Sleiman Frangié a accéléré la conclusion de cet accord, mais l’idée faisait déjà son chemin depuis la «déclaration d’intentions». Une des raisons qui ont poussé Saad Hariri à adopter la candidature de Frangié est de faire avorter les résultats de l’accord interchrétien. C’est le sentiment que la progression des négociations entre Aoun et Geagea était imminente qui a convaincu Hariri d’appuyer la candidature de Frangié.

Qui, d’après vous, a gagné dans cet accord, Aoun ou Geagea?
Les deux parties ont gagné. Mais la dimension des gains de Geagea est plus grande vu la force et le poids du général Aoun et ce qu’il représente sur la scène chrétienne. La réconciliation de Geagea avec cette grande frange chrétienne est dans son intérêt.

Le général Aoun ne reconnaît-il pas dans cet accord l’importance et le poids de Samir Geagea?
Samir Geagea est le second candidat après Michel Aoun. Selon les statistiques et malgré le grand écart qui existe entre eux, Geagea se place en deuxième position après le général Aoun. Ce fait est reconnu par les chancelleries et les Etats étrangers. Si Aoun et Geagea se mettent d’accord, ils balaieront toutes les régions chrétiennes dans les municipales et les législatives. Mais sur le plan stratégique, Samir Geagea a perdu, car l’alternative à Aoun n’est plus Geagea mais Frangié.
 

Que se passera-t-il le 8 février?
Il est encore trop tôt pour le savoir. Si le Courant du futur, principale composante sunnite, ne se rend pas au Parlement, la séance n’aura pas lieu. Sayyed Nasrallah a résumé la situation ainsi: on attend la position du Courant du futur et on se présentera alors tous ensemble pour élire un président. Si le Hezbollah ne se rend pas à la séance, Sleiman Frangié a, d’ores et déjà, déclaré qu’il ne s’y rendra pas non plus.

On dit que c’est la bataille d’Alep qui ouvrira la voie à l’élection d’un président au Liban. Quel rapport entre les deux événements?
Cette bataille montre clairement le sens vers lequel s’oriente le terrain en Syrie et elle aura, certainement, des retombées sur la scène libanaise. Ce qui se passe sur le terrain en Syrie confirme que les candidats à la présidence appartiennent au 8 mars et à ses alliés.

Comment voyez-vous l’évolution des événements sur la scène régionale?
Tous ces scénarios sur des négociations à Genève, ou ailleurs, cachent une seule chose et n’ont qu’un seul but: celui de transformer la Syrie et l’Irak en un endroit destiné à détruire le terrorisme. Cette région est devenue un champ magnétique qui attire les terroristes du monde entier. Les régimes syrien et irakien devraient éradiquer ce phénomène, avec l’aide de la Russie et la bénédiction des Etats-Unis. Selon une étude publiée par le Tony Blair Institute, il y a dans le monde 65 000 terroristes. La guerre n’est pas encore finie. Il y a des informations sur de nouveaux «champs magnétiques» créés pour attirer le terrorisme vers eux et constituer de nouveaux champs de bataille. Je pense que la région du Golfe et le Maghreb arabe seront les nouveaux terrains du terrorisme.
 

Propos recueillis par Joëlle Seif

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