Magazine Le Mensuel

Nº 3084 du vendredi 1er décembre 2017

Point final

Un retour «positif»… !?

Mais qu’est-ce qui t’a poussé à revenir?»
Une question unanime qu’on n’a pas cessé de me poser depuis le premier jour de mon retour au pays après plus de trente-cinq ans d’absence.
Pour certains, rien ne peut justifier une pareille décision! Quitter le confort et la quiétude des bords de Seine pour venir plonger dans cette mer libanaise trouble et polluée par tous les maux! Faire le chemin inverse leur paraît plus logique!
Deux ans après, que puis-je retenir de ce séjour prolongé?
J’aurais pu leur donner raison en évoquant les aspects négatifs rencontrés au fil des jours, et ils sont nombreux! Mais ma démarche a été autre; celle d’essayer de relever sur une petite page blanche quelques signes positifs et encourageants:
● Oui, il y a encore dans ce pays des citoyens qui font confiance à d’autres concitoyens ne venant pas de leur circonscription, n’appartenant pas à leur confession et ne s’affiliant pas à leur parti!
● Oui, il subsiste encore des «hommes d’Etat» qui savent conjuguer les valeurs humaines de fidélité et de courage avec un attachement viscéral au respect de la notion de l’Etat et à la protection de ses institutions.
● Oui, il existe toujours des «responsables» qui savent assumer leurs hautes responsabilités tout en étant à l’écoute des doléances des faibles, comme ce marchand ambulant maltraité ou cette citoyenne qui a subi une injustice.
● Oui, il reste encore des fonctionnaires compétents et intègres pour qui le sens du devoir a encore une place dans leur travail quotidien.
● Oui, il demeure des travailleurs valeureux qui, pour gagner leur pain à la sueur de leur front sans souiller leur conscience, sont disposés à changer trois fois de minibus pour faire un trajet de plus de trois heures, de jour comme de nuit, dans la chaleur torride de l’été et le froid glacial de l’hiver pour rejoindre leur poste de travail.
● Oui, des femmes «battantes» partant tôt le matin, rentrant tard l’après-midi, jonglant avec les horaires afin de pouvoir se consacrer le soir aux tâches familiales, n’ont pas disparu du paysage social.
● Oui, des jeunes volontaires, bénévoles et dévoués, qui s’activent dans l’anonymat de la vie associative loin de l’exhibition et du show-off médiatique, consacrent temps, compétences et argent au service d’autrui.
● Oui, il n’est pas surprenant de voir des hommes qui assument pleinement leur devoir de manier les armes d’une main pour assurer une mission sécuritaire, et n’hésitent pas à saisir de l’autre main un pinceau ou un instrument de musique pour mettre des couleurs sur une toile sombre et de la joie dans une ambiance morose.  
● Oui, une nouvelle race de résistants acharnés dans leur défense et leur attachement au papier, s’obstine à faire face aux nouveaux envahisseurs technologiques, tel cet éditeur chevronné qui persévère dans la diffusion de livres multilingues dans un souci de préserver une certaine vision de la culture, la vraie, l’authentique.
● Oui, les derniers rescapés du Titanic de l’encre noire continuent de lutter avec détermination, la plume à la main, le ventre creux, les poches vides, afin d’éviter le naufrage total du bateau dénommé «Liberté».  
Je pourrais, à l’appui de chaque constatation avancée, raconter bon nombre de situations vécues, dessiner des visages rencontrés et citer des noms par dizaines…
Pour tous ces éléments et d’autres encore, j’ai voulu apporter ce modeste témoignage vécu au quotidien pendant ces derniers vingt-quatre mois au sein d’un ministère en confrontation directe avec la vie du citoyen et de son quotidien.
Il atteste une fois de plus, que ce pays qui a pu «survivre» dans le passé, malgré tout et en dépit de tous, montre chaque jour des signes d’espérance et de résurrection, et prouve bien, comme le disait Jean Prieur, que «Tant qu’il y a de l’espoir, il y a de la vie».

 

Béchara el-Bon
Journaliste, Conseiller en Communication

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