L'heure
n’est pas aux bilans mais aux perspectives d’avenir. 2018 est une année
charnière pour la stabilité politique du Liban et le sauvetage de son
économie. La réanimation des institutions, fin 2016, après deux ans et
demi de coma, avec l’élection d’un président de la République, la
désignation d’un Premier ministre et la formation d’un gouvernement,
reste incomplète. Elle ne sera menée à terme qu’avec le renouvellement
du Parlement, dont le mandat aurait dû s’achever en juin 2013, mais qui
s’est maintenu en vie en auto-prorogeant sa législature à trois
reprises. Les élections parlementaires de mai 2018 sont donc une étape
cruciale dans le processus de normalisation de la vie politique
nationale. Ces élections sont d’autant plus importantes que la prochaine
Chambre promet d’être un brin plus représentative que les précédentes,
grâce notamment au mode de scrutin proportionnel, appliqué au Liban pour
la première fois. Certes, la classe politique a trouvé le moyen de
transformer cette avancée de géant en modeste petit pas. Elle a, par
exemple, introduit le concept du vote préférentiel restrictif – dans les
grandes circonscriptions les électeurs sont ainsi contraints de
«préférer» un candidat uniquement originaire de leur caza, ce qui limite
leur choix. Malgré cela, la nouvelle loi électorale devrait permettre
de briser, partiellement sans doute, les monopoles et autres
exclusivités communautaires, exercées par les mêmes partis ou figures
depuis des décennies. De gros investisseurs privés ou institutionnels
attendent cette échéance capitale pour arrêter leurs plans et faire
connaître leurs intentions à moyen et long termes. Les
investisseurs observent aussi avec un intérêt marqué l’avancement du
processus d’exploitation, par le Liban, de ses ressources en
hydrocarbures. Il s’agit, là, de la seconde priorité nationale en 2018,
dont dépendra, peut-être, la stabilité de la livre libanaise, et, par
conséquent, la préservation de l’ordre social. Avec une dette et un
service de la dette qui atteindront des sommets inégalés cette année et
un ratio dette/PIB qui va encore augmenter, l’Etat aura besoin soit de
recettes supplémentaires soit d’un miracle. Certes, si les forages
commencent en 2019, le Liban devra attendre cinq ans avant de toucher
des dividendes. Mais le seul fait que le processus soit solidement mis
sur les rails est susceptible de déclencher un cercle vertueux qui
permettrait, par exemple, à l’Etat libanais d’emprunter sur les marchés
financiers internationaux à des taux préférentiels. Le Liban doit
relever ces deux défis dans un contexte régional pas très avantageux, il
est vrai, mais moins dangereux que les années précédentes, surtout en
Syrie, où la guerre semble toucher à sa fin. Quoi qu’il en soit, les
Libanais peuvent capitaliser sur les réalisations accomplies l’année
dernière. Car, quoi qu’en disent les plus sceptiques et les gens de
mauvaise foi, 2017 a été plutôt positive: une stabilité politique qui
s’est manifestée dans l’affaire Hariri, une stabilité sécuritaire qui
s’est concrétisée dans la victoire contre les takfiristes, et une
résilience économique qui a fait ses preuves également lors de la crise
de la démission du Premier ministre.
Paul Khalifeh