A dancing night with Yasmine Hamdan
Les corps se libèrent
Loin des événements culturels organisés en grande pompe, là où les rencontres se font plus spontanées, plus naturelles, la nuit, au plus près de la ville, une soirée dansante qui marque l’euphorie des retrouvailles.
C’est un peu un retour aux origines, à la source. Au cœur battant de Beyrouth. Yasmine Hamdan et la ville, sa ville, notre ville. Il y a eu l’après-midi d’entretiens, la journée d’interviews, il y a eu la projection spéciale d’Only lovers left alive au Métropolis, en attendant son aller-retour express à Amman avant la soirée du Music Hall Waterfront, avant la suite de sa tournée en sa prochaine escale à Londres. Et il y a eu cette impression que tout s’est un peu décidé au dernier moment, à l’improviste presque, au rythme des mécanismes actions/réactions qui régissent notre ville. Et c’est ainsi, peut-être, que fut montée la soirée «Ya Nass: a dancing night with Yasmine Hamdan», organisé par Be: Kult et Radio Beirut, le jeudi 27 mai, à Radio Beirut même. Un rendez-vous beaucoup plus décontracté, et c’est peu dire, plutôt une rencontre complice dans les recoins de Beyrouth.
Quelle chaleur! On s’est presque tous retrouvés ce soir-là. Ou du moins on est passé par là, quelque temps, le temps d’une chanson, le temps d’une danse. Le temps de respirer en même temps, tous ensemble, au même rythme. Une respiration commune chargée de langueur et de sensualité. Nombreux, très nombreux. L’endroit était bondé, les pistes de danse s’improvisaient en cercles, du plus petit en solo à d’autres plus larges. Derrière les platines, Yasmnine Hamdan et Nasri Sayegh se relayaient. Et juste à côté, un écran géant projetait sur le mur des images en noir et blanc d’anciens films arabes. C’est sous leur ombrelle, loin d’être nostalgique, tout au contraire tellement bien vivante, que la soirée s’est déroulée. Warda el-Jazai’ria, Soap Kills, Najat el-Saghira… bitanidinitanileh, Habibiya 3eni… Les morceaux s’enchaînaient, les mélodies arabes se côtoyaient, les univers s’embrasaient. Et nous embrasaient! Un retour aux origines, là où tout a commencé, pour que tout reprenne. Une nuit d’euphorie! Oui c’est ça. Exactement ça. Une nuit de belles retrouvailles, comme Beyrouth peut en cacher tellement bien, tellement fortement révélée pour ceux qui cherchent encore et toujours à se ressourcer au plus près de ses multiples nuances.
Sur les planches
Mother Tongue de Pierre Geagea
Quand le corps se fait signe
Présentée dernièrement au Théâtre Montaigne à l’Institut français de Beyrouth, Mother Tongue est une performance de danse en solo qui immerge le spectateur dans un monde particulier, celui de la langue des signes.
Le silence. Le souffle. Le corps. Pierre Geagea tisse une toile étroitement imbriquée d’images, d’oscillations et de mouvements entre le rythme sonore et le rythme corporel. C’est l’une des forces de Mother Tongue, son premier spectacle solo qu’il a créé lui-même.
Une création qui est sans doute née du silence qui l’entoure, du monde qu’il s’est façonné, danseur et chorégraphe malentendant, au fil de sa vie, de son parcours, de sa formation en ballet classique, ballet jazz et surtout en danse contemporaine. C’est là qu’il se sent le plus à l’aise. Et c’est là qu’il se révèle au monde. Mother Tongue peut sonner comme un spectacle intime, qui se déploie en trois grands tableaux, à travers lesquels le danseur-chorégraphe nous introduit dans son espace-temps, dans son univers de fluidité et de signes. Figures acrobatiques, projections vidéo narratives, expérimentations et la solitude d’une chaise qui s’anime soudain par la mouvance des correspondances. Malgré certaines longueurs, le spectateur perçoit, à son insu, dans les vibrations de son corps même, la relation étroite que Pierre Geagea entretient avec le monde des sons et des mouvements.
Et cette sensation immanente sur laquelle s’achève la performance, évoquant des images qui s’imbriquent, entre le célèbre Cri d’Edward Munch, les traits contorsionnés du mythique visage des Pink Floyd et leur Wall… Entre un tissu noir, un corps, un visage qui se drapent, qui secouent le silence par une tentative de crier, avant d’éclater, avant de s’exprimer, avant de se laisser bercer, au rythme de la lune, au rythme d’une image familière, au rythme d’une pénombre qui donne à voir. «Sortez-moi de moi!», ou «Sortez le monde de moi!». Et le monde le rejoint.
Fatmeh, reprise
Après le succès de la performance signée Ali Chahrour et interprétée par Rania Rafei et Umama Hamido, Fatmeh sera présentée à nouveau le 12 et 13 juin, au théâtre al-Madina. Quand la mélancolie devient plaisir né du corps…
Billets en vente à la Librairie Antoine.
Festival
Ondes gravitationnelles
Au Printemps de Beyrouth
La compagnie française Retouramont a inauguré le Festival du printemps de Beyrouth, qui se poursuit jusqu’au 7 juin, par la performance en plein air, aux souks de Beyrouth, Ondes gravitationnelles. Entre l’illusion et la perception.
Elles sont trois danseuses, maintenues par de solides fils, en plein air, l’air de Beyrouth à la place Ajami aux souks de la ville. Trois danseuses et autant d’ombres qui se glissent entre elles, entre elles et leurs corps, entre leurs corps et les interstices de la ville, emmêlant les sensations et les sens.
Véritable spectacle expérimental et esthétique, appuyé par une flexibilité corporelle aérienne, une musique aux sonorités prenantes diffusée entre des ondulations saccadées et mélodieuses, une manipulation de l’image, Ondes gravitationnelles établit une série de correspondances à l’infini qui s’infiltrent jusque dans les menus détails de la pierre et de l’homme. Conçue par Fabrice Guillot, dans l’intention de «créer une bulle de perception qui traîne le spectateur-observateur vers une rêverie gravitationnelle, visuelle, chorégraphique et sonore», la performance se base sur la relation qui se tisse entre le corps et le son, au cœur de la ville, indissociables de la ville. Une porte semble s’ouvrir quelque part, un peu plus loin, tout près. Une ombre s’y glisse, imperceptible. Le regard la perçoit en coin avant qu’elle ne lui échappe, pour s’infiltrer ailleurs. Les murs deviennent vivants et les gravitations s’intensifient.
Des mouvements s’enregistrent l’espace de quelques secondes avant d’être projetés en ombres noires sur les murs de la ville. Et les danseuses poursuivent le rythme enclenché faisant naître chez le spectateur cette impression d’un passé qui se réécrit au fil du présent dans une projection illusoire. Et pourtant, cette dualité est visible, à l’œil nu, démultipliée même, là où le regard se perd, brouillant les pistes du rationnel, de ce qui se donne comme vérité, comme vérité absolue presque. Illusion ou réalité? La ville s’interroge et entame un dialogue avec ses habitants.
Tout en musique
Aziza en concert
Chanteuse et lyriciste libanaise, son talent a été reconnu en 2010 quand Studio el-Fan lui a remis la médaille d’or pour la catégorie Tarab. Son nom, né à partir d’une chanson populaire de Mohammad Abdel-Wahhab, reflète la transformation de la chanteuse et la façon selon laquelle le personnage est créé. C’est cette évolution musicale que retrace l’album auquel ont collaboré Jana Saleh, productrice exécutive, et Raëd el-Khazen, directeur musical. Un mélange original de mélodies arabes et de sonorités différentes, porté par une voix puissante qui se joue des multiples oscillations de la musique.
Aziza lance son premier album lors d’un concert le samedi 7 juin au Sporting Club, à 21h, suivi d’un D.J. set de Ziad Nawfal.
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