Magazine Le Mensuel

Nº 2953 du vendredi 13 juin 2014

Affaire Déclassée

Les Libanais réfugiés en Israël. Un avenir en suspens

L’affaire des Libanais réfugiés en Israël est revenue sur le devant de la scène, à l’occasion de la visite pastorale récente en Terre sainte du patriarche maronite, Béchara Raï. Le prélat a promis de soulever leur cas dès son retour au Liban, affirmant qu’il «s’emploiera de toutes ses forces pour assurer le retour du plus grand nombre d’entre eux au pays».
 

Lors du retrait de l’armée israélienne du Liban-Sud, en mai 2000, des milliers de Libanais se sont réfugiés en Israël. Ce sont surtout des ex-miliciens de l’Armée du Liban-Sud et des membres de leurs familles ayant, de près ou de loin, traité militairement ou commercialement avec l’ennemi israélien. Ils seraient au nombre de 3 000 personnes environ à avoir fui la bande frontalière. Pour le patriarche Raï, leur cas est un véritable drame social que l’Eglise maronite ne peut ignorer, refusant de considérer ces Libanais comme des «pestiférés» politiques, «des traîtres» dont il faut fuir le contact, juste bons pour la prison et l’oubli. Pour Mgr Raï, leur problème devrait être traité comme le furent certains dossiers de la guerre, par un processus de réconciliation et de réparation.
Outre les difficultés auxquelles ces personnes sont confrontées, un problème réel est né pour les enfants des familles ayant fui les villages chrétiens frontaliers comme Aïn Ebel, Debel et Rmeich. Les mariages contractés en Israël ne sont pas enregistrés au Liban et les enfants nés en exil ne sont plus enregistrés aux registres de l’état civil libanais. Pour préserver les droits de ces enfants, ces naissances étaient enregistrées dans les registres des paroisses de leurs parents.

 

Vague d’émigration
Cette affaire a été soulevée à plusieurs reprises. Les miliciens coupables de crimes de guerre ont choisi de rester définitivement en Israël ou d’émigrer vers le Canada, l’Australie, les Etats-Unis ou d’autres pays. Pour les autres, une tentative de règlement a vu le jour sous le mandat du président Emile Lahoud, permettant à des dizaines de familles de rentrer au Liban. Le père a été contraint de purger une peine de prison relativement réduite et tout est rentré dans l’ordre pour eux. Mais par la suite, cet arrangement avait été suspendu.
Ce dossier a été évoqué dans le document d’entente signé entre le Courant patriotique libre (CPL) et le Hezbollah, qui stipule que «partant de notre conviction que la présence de tout Libanais sur son territoire est mieux que de le voir sur la terre d’Israël, la solution du problème des Libanais présents en Israël exige un travail actif pour leur retour, tout en prenant en considération les circonstances politiques, sécuritaires et sociales. Nous leur adressons un appel pour un retour rapide au pays, guidés par l’appel de sayyed Hassan Nasrallah après le retrait israélien du Liban-Sud et inspirés par le discours du général Michel Aoun durant la première séance du Parlement».
En août 2011, le député Sami Gemayel a présenté un projet de loi d’amnistie générale pour tous les Libanais qui se sont réfugiés en Israël, selon lequel le pardon serait «accordé à tous ceux qui ont commis des crimes, inclus ceux définis par les articles 273-298 du Code pénal libanais, avant le 31 janvier 2000». Le projet de loi réclamait également le retrait de la notification de ces crimes dans le casier judiciaire. La plupart des clauses de ce texte n’ont pas été acceptées par le Parlement.
En novembre 2011, à la suite d’un projet présenté par des députés du Courant patriotique libre, le mécanisme permettant aux Libanais réfugiés en Israël de regagner le pays sans être inquiétés est, enfin, approuvé. L’opposition et la majorité au Parlement se sont mises d’accord sur le dossier. Il a été convenu que les dossiers des hommes seront étudiés au cas par cas, mais l’amnistie indirecte concerne principalement les femmes, les enfants et les vieillards. Les anciens membres de l’Armée du Liban-Sud restent soumis à la loi libanaise, comme des personnes ayant collaboré avec l’ennemi. Mais les décrets d’application qui devaient être établis conformément à la loi, dans une période d’un an, attendent toujours.

Arlette Kassas

L’Armée du Liban-Sud
L’Armée du Liban libre (ALL) a été fondée par Saad Haddad. A la mort de ce dernier en 1984, c’est le général Antoine Lahd qui prend la relève et la milice change de nom pour devenir l’Armée du Liban-Sud (ALS). A la suite du retrait israélien du Liban-Sud, les membres de l’ALS et leurs familles, ainsi que d’autres familles des régions frontalières sont obligés de se réfugier en Israël. Certains sont rentrés au Liban et ont été jugés. D’autres ont émigré vers d’autres pays. Des naissances ont été enregistrées. Plus de 70% de ces réfugiés sont chrétiens, les autres appartiennent aux communautés chiite et druze.

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