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Affaire Déclassée

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L’assassinat d’Aboul Henn

Une séquelle de 1958

 

Beaucoup de questions suscitées par certaines affaires sont toujours sans réponses. Les assassinats politiques, au fil des ans, ont plongé les Libanais dans l’amertume. Les criminels n'ont jamais été arrêtés. C’est le cas de l’affaire de l’assassinat du journaliste Fouad Haddad.

 

Le 19 septembre 1958, Fouad Haddad, fonctionnaire à l’Education nationale et chroniqueur dans Al-Amal, l’organe officieux des Kataëb, est enlevé à Beyrouth. Il était 13h00 lorsqu’il quitte son bureau à Hamra, hèle un taxi et se dirige vers son domicile. A partir de la rue Verdun, il disparaît et ne laisse aucune trace. Il n’arrivera jamais à destination. L’affaire suscite un grand émoi. La rue est encore secouée par les évènements des deux mois qui ont précédé l’élection du président Fouad Chéhab à la tête de l’Etat après la fin du mandat de Camille Chamoun.
Journaliste, Fouad Haddad rejoint le quotidien des Kataëb, Al-Amal,en 1950. Il y publie parfois trois articles le même jour. Il a bientôt une colonne spéciale sous le titre Nakadat (critiques).Il signe de son pseudonyme Aboul Henn. Il y a écrit pendant cinq ans, du 23 septembre 1953 à la date de sa mort, en septembre 1958. En plus de son travail de journaliste, il anime des conférences, qui ont été publiées dans Al-Amalet dans d’autres publications. Il était connu pour traiter des questions d’ordre national, et des sujets de la défense de la souveraineté, de l’indépendance et de la liberté. Il avait souligné dans l’une de ses chroniques: «Le Libanais ne peut pas vivre sans liberté, comme le poisson ne peut vivre sans eau». Son style ironique était très spécial.
Les réactions à son enlèvement ne se font pas attendre. Les enlèvements à caractère confessionnel se multiplient entre les zones Est et Ouest de Beyrouth. Le parti Kataëb appelle à une grève générale le lendemain, alors que le sort de Haddad reste inconnu. Les souks sont fermés, les barricades refont leur apparition, des fusillades éclatent de partout.
Deux jours plus tard, le corps mutilé de Haddad est retrouvé. Il a été martyrisé. On lui a coupé la langue. Fouad Haddad publiait des chroniques de critique politique dans le quotidien Al-Amalsous le pseudonyme d’Aboul Henn. Dans son dernier article, il s’attaquait ouvertement à ceux qui s’opposaient à l'élection de Charles Malek à la présidence de l’Assemblée de l’Onu, considérée comme une défaite pour Jamal Abdel Nasser, qui soutenait un candidat soudanais.
Le 20 septembre,
le journal Al-Amalcritique les autorités. Il estime que l’enlèvement et l’assassinat d’Aboul Henn sont la conséquence directe de la présence d’armes et d’hommes armés dans la capitale, laissés à eux-mêmes, des criminels qui ne craignent pas d’être poursuivis. Dans la colonne qui était consacrée à Haddad, un ami écrit: «Tout ce que fait Aboul Henn est de critiquer courageusement, et de dire une vérité qui leur fait mal».

 

Couvre-feu
L’affaire bouleverse la classe politique. Chéhab n’a pas encore entamé son mandat, et le chef du gouvernement Sami el-Solh quitte le Liban pour la Turquie, après avoir remis sa démission au président élu. Le couvre-feu est imposé à Beyrouth. Trois jours plus tard, Chéhab entame son mandat dans un climat très tendu, et les relations avec les régions dites chrétiennes ne sont pas au beau fixe.
La formation d’un cabinet, dirigé par un des chefs de l’insurrection de 1958, Rachid Karamé, n’arrange pas les choses. On savait Karamé grand partisan de Nasser. Il s’est vu confier, outre la présidence du Conseil, les portefeuilles de l’Intérieur et de la Défense. Le chef suprême du parti Kataëb, Pierre Gemayel, adresse une lettre ouverte à Chéhab, dans laquelle il estime que la crise s’était achevée sur la base de ni vainqueur ni vaincu. Il préconisait un gouvernementprésidé par une personnalité neutre et formé de représentants de ceux qui s’étaient affrontés. A.K.

 

Bio en bref
Fouad Haddad est né en 1915 au Barouk dans la région du Chouf. Sa mère, Habbouba, est connue pour être auteure de deux livres Jets d’idées, et Les larmes de l’aube. Pendant vingt ans, elle a diffusé un programme pour enfants à Radio-Liban. Fouad Haddad a fait ses études à l’école Saint-Joseph des Pères Jésuites à Beyrouth et il brillait par sa connaissance de la langue arabe.
Fonctionnaire du secteur public, il occupe plusieurs postes avant d’être choisi pour diriger le département des Beaux-arts au ministère de l’Education nationale. Son statut ne l’empêche pas d’exercer le journalisme. Il écrit des articles dans Al-Bachir, Al-Bayrak, Al-hikma, Al-Makchouf. Il signe parfois de son nom et d’autres fois sous un pseudonyme.

 

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