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Lameess Dhaif, opposante bahreïnie
«Je vis dans la hantise d’être déportée» 

 

Malgré le déploiement de la Force commune du Golfe à Bahreïn, les manifestations se poursuivent sur cette petite île. Magazine a rencontré la journaliste Lameess Dhaif, une des figures de proue de l’opposition, ayant trouvé refuge dans un des Pays du Golfe.

 

Votre engagement pour la cause bahreïnie vous a-t-il porté préjudice?
Les journaux des pays du Golfe pour lesquels je travaillais ont dû se séparer de moi en raison des pressions exercées par le gouvernement du Bahreïn: j'ai ainsi perdu quatre emplois en deux jours. Je parviens à survivre car j’ai la chance d’appartenir à une famille aisée. Mais mon activisme a très certainement eu des conséquences fâcheuses pour ma famille: mon frère, qui est chef d’entreprise, a ainsi perdu plusieurs contrats et la plupart des formalités administratives lui prennent beaucoup plus de temps. Pour les femmes militantes, la tâche est beaucoup plus difficile, car nous sommes victimes de campagnes diffamatoires, ce qui est particulièrement éprouvant lorsque l’on appartient à des sociétés conservatrices. De plus, les chabihas de  Bahreïn sont non seulement déployés dans la rue, mais également sur la toile où ils postent des commentaires virulents sur nos comptes Twitter et Facebook. Ma maison a été visée à plus de deux reprises par des cocktails  Molotov.

 

Dans quelle situation se trouve l'opposition aujourd’hui?
La commission d'enquête indépendante sur la répression de la contestation à Bahreïn a demandé au roi (Hamad Ben Issa Al Khalifa) de revenir sur sa décision de limoger les personnes de l’administration ayant participé aux manifestations. Cette décision n'a pas été appliquée même si dans certains cas, des individus ont pu réintégrer des postes subalternes. Il ne faut pas oublier les exactions commises: l’année passée, près de six personnes sont mortes sous la torture alors que 65 autres ont été tuées durant les manifestations, un chiffre assez élevé compte tenu de la taille de la population estimée à 570000 âmes. Nous faisons toujours l’objet de persécution. Ma sœur, Nada Dhaif, qui est médecin et qui a soigné les blessés pendant les manifestations, a été accusée de trahison et condamnée à 15 ans de prison. Près de 48 membres du personnel médical ont écopé des peines similaires. L’opposition est partagée vis-à-vis de la marche à suivre: la majorité veut la création d’une monarchie constitutionnelle, alors que la minorité estime que le roi doit abandonner le pouvoir, la répression ayant prouvé qu’il ne peut engager de réelles réformes.

 

Pensez-vous que les militants réfugiés à l’étranger puissent défendre la cause bahreïnie avec autant d’efficacité?
Certains d'entre nous ont choisi le chemin de l’exil afin de sensibiliser le monde à notre cause. Je me suis rendue cette année quatre fois aux Etats-Unis, où je me suis entretenue avec les membres du Congrès et les médias américains au sujet de la situation dans notre pays. Je sillonne sans relâche les pays arabes.

 

Faites-vous l’objet de pressions dans les pays du Golfe?
La situation des militants bahreïnis est assez délicate dans les pays du Golfe en raison des liens politiques qui lient ces derniers à Bahreïn. Je vis mon passage en transit dans les aéroports arabes comme un véritable calvaire, étant toujours dans la crainte d’être déportée.

 

Pensez-vous qu'il y ait une division à la tête du pouvoir dans votre pays vis-à-vis de l’opposition?
Oui très certainement, le roi a toujours fait preuve de plus de modération, mais c’est le Premier ministre (Khalifa ben Salman Al Khalifa) et son entourage qui, par une répression trop violente, ont contribué au chaos dans le pays.

 

Les mesures répressives pratiquées à l'encontre de la communauté chiite alimentent-elles le sentiment confessionnel à Bahreïn?
Il n’y a jamais eu de confessionnalisme au sein de la population. Mais depuis que le roi est arrivé au pouvoir, il a essayé de corriger le déséquilibre démographique résultant d’une majorité chiite en favorisant l’implantation de sunnites étrangers, une communauté à laquelle appartient la famille régnante. Bahreïn est un pays disposant de ressources limitées, le fait d’offrir la nationalité à des étrangers prive les habitants de nombreux privilèges et de leur droit aux richesses du pays! D’autant plus, les chiites n’ont pas le droit d’accéder à certains postes notamment au sein des ministères de la Défense et de l'Intérieur, à l’exception d’une vingtaine de familles alliées au roi, dont la mienne. Tout ce que l'opposition désire c’est parvenir à un système équitable où tous les nationaux seront égaux devant la loi.

 

Croyez-vous que l’Iran ait tenté d’exploiter votre combat?
Je crois en effet que l'Iran a tenté d’exploiter notre cause de la même manière que  l'Arabie saoudite, la Turquie ou les États-Unis. Tous ces pays tentent de tirer profit de l'instabilité qui prévaut dans la région. Propos recueillis par Mona Alami

 

 

Gaza
120 morts et blessés dans une flambée de violence

 

Après plusieurs mois d’un calme relatif, la tension est de nouveau montée dans la bande de Gaza vendredi. A l’origine, l’assassinat ciblé du chef des Comités de résistance populaire, Zouheir el-Qaïssi, tué par une roquette israélienne. Après plusieurs raids israéliens qui ont fait plus de 25 morts et 95 blessés, un cessez-le-feu a finalement été trouvé, mardi matin.

 

Un «architerroriste». C’est ainsi que le Premier ministre de l’Etat hébreu, Benyamin Netanyahu, a qualifié le chef des Comités de résistance populaire, Zouheir al-Qaïssi, tué par une roquette israélienne, alors qu’il circulait en voiture à Gaza. Selon Israël, al-Qaïssi était accusé de préparer un «attentat de grande ampleur», comme celui perpétré en août 2011 par un commando palestinien infiltré dans le sud du pays et qui avait tué huit Israéliens.
Comme on pouvait aisément s’y attendre, la liquidation de ce chef palestinien a ouvert la brèche à des représailles et à un nouveau cycle de violences. Dès vendredi après-midi, des roquettes tirées depuis la bande de Gaza ainsi que des obus de mortier ont commencé à s’abattre sur des villes du sud d’Israël. Beersheva, Ashdod et Ashkelon ont été visées, donnant lieu à une trentaine de raids aériens de l’aviation israélienne. Celle-ci ciblait les groupes de Palestiniens à l’origine des tirs de roquette, ou qui s’apprêtaient à en envoyer.
Le bilan est lourd dans la bande de Gaza. Entre vendredi et lundi soir, ce ne sont pas moins de vint-cinq Palestiniens, dont un adolescent, qui ont été tués par les raids israéliens, à proximité des villes de Khan Younès et dans le camp de réfugiés de Jabaliya. Sans oublier plus de 80 blessés palestiniens.
Pour autant, si les pertes humaines sont lourdes pour les Palestiniens, les principaux groupes armés de la bande de Gaza, tout comme les militaires israéliens, se sont abstenus de franchir les lignes rouges, qui auraient pu donner lieu à une escalade. La branche militaire du Hamas a pris soin de ne pas prendre une part active dans les combats. De son côté, l’armée israélienne n’a pas tenté d’éliminer d’autres chefs militaires ou politiques du Hamas.
Bref, la brusque tension du week-end sonnait plus comme un coup de semonce, un avertissement de la part du gouvernement israélien. Même Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires étrangères israélien, a admis, durant le week-end, qu’une invasion de Gaza n’était pas d’actualité. En tout cas, pas tant que le gouvernement Netanyahu n’aurait pas « donné l’objectif clair » de renverser le Hamas.
Mardi matin, un cessez-le-feu avait déjà été trouvé entre Israël et les mouvements palestiniens de la Bande de Gaza, avec l’intermédiaire de l’Egypte. Dans la nuit, un responsable du renseignement égyptien avait annoncé un cessez-le-feu «complet et réciproque». Une trêve confirmée au petit matin par le ministre israélien chargé de la défense passive, Matan Vilnaï, qui déclarait sur les ondes de la radio publique : «Il y a effectivement une entente, et nous suivons ce qui se passe sur le terrain. Apparemment, la tendance est à l’accalmie et le round d’affrontement que nous avons connu est derrière nous». Même son de cloche du côté du Jihad islamique, dont le porte-parole, Daoud Shebab, déclarait: «Nous acceptons un cessez-le-feu si Israël accepte de l’appliquer en mettant fin à ses agressions et à ses assassinats». Sur ce dernier point, Matan Vilnaï a toutefois averti que «tous ceux qui se livrent au terrorisme contre Israël doivent savoir qu’ils sont dans notre collimateur». Les Palestiniens ne sont donc pas à l’abri d’autres assassinats ciblés.
Au regard de ce qui s’est passé ces derniers jours, force est de constater que le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza s’est mis volontairement à l’écart de toute tentative d’escalade. Pour preuve, le mouvement a courbé le dos, en s’abstenant de lancer les brigades Ezzedine el-Qassam dans la bataille. De même, c’est le Hamas qui a pris contact avec l’Egypte pour parvenir à la conclusion d’une trêve le plus rapidement possible. Et pour cause. Selon Amir Oren, analyste du quotidien israélien Haaretz, «à chaque fois que le Hamas doit choisir entre la lutte armée et son maintien au pouvoir qui pourrait être remis en cause par Israël, il choisit la deuxième option».
Sur le terrain, cette attitude modérée agace le Jihad islamique et les Comités de résistance populaire. Ces deux mouvements sont plus que jamais engagés dans la lutte armée contre Israël. Le Hamas, lui, préfère sauver sa domination sur la Bande de Gaza, quitte à rester en retrait. Mais cette attitude n’est pas sans créer de remous. Selon Marc Henry, journaliste du quotidien Le Figaro, «les islamistes doivent sans cesse se justifier. «Nous n’accepterons jamais d’être les gardiens des frontières de l’ennemi», affirme ainsi Taher el-Nunu. Autrement dit, le Hamas ne veut pas apparaître comme une sorte de force auxiliaire d'Israël qui assurerait le calme dans la bande de Gaza en empêchant la ‘résistance’ de continuer son combat».
Le Hamas, aujourd’hui, oscille entre deux politiques. Publiquement, le mouvement affirme toujours vouloir détruire Israël. Sur la scène intérieure, en revanche, il se retrouve bousculé par des factions plus extrémistes, qui veulent agir. Selon Marc Henry, «Cette fois-ci encore, tous les signes montrent que le pragmatisme devrait l'emporter jusqu'à la prochaine épreuve de force. Toute la question est de savoir si le Hamas réussira à ramener rapidement ses rivaux à la raison sans avoir à les réprimer».
Côté israélien, on estime toutefois que la menace d’autres attentats n’est pas écartée. Le ministre de la Défense, Ehud Barak, a ainsi indiqué lors d’une visite du Dôme de fer déployé à Ashdod, que «la possibilité d’une attaque terroriste via la péninsule du Sinaï existe toujours. Toutes les villes situées à moins de 40 kilomètres de la bande de Gaza doivent rester en alerte et leurs habitants sont tenus de suivre à la lettre les instructions des autorités locales ainsi que du Commandement du Front intérieur. Nous ne permettrons à personne de nuire aux civils israéliens et nous réagirons contre tous ceux qui tentent de tirer des roquettes ou d’effectuer des attaques terroristes». Jenny Saleh

 

Le Dôme d’acier
L’escalade de ce week-end a vu l’arrivée d’un nouvel acteur israélien : le Dôme de fer. Ces batteries israéliennes d’interception de roquettes déployées près de la bande de Gaza ont ainsi réussi à détruire en plein vol, une trentaine d’engins, avec un pourcentage de succès de 90%. Une réussite technologique qui a satisfait le gouvernement israélien. Benyamin Netanyahu a ainsi ordonné le déploiement d’une autre batterie afin de rassurer la population israélienne. Mais ce bouclier a un coût. Le dôme de fer, qui ne garantit pas une sécurité totale et a un coût très élevé. Plus de 30000 euros sont nécessaires pour chaque roquette interceptée.

 

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