Magazine Le Mensuel

Nº 2848 du vendredi 8 juin 2012

Monde Arabe

Confidences Moyen-Orient

Défection chez les Chéhabi
Hazem Chéhabi, fils du général Hekmat Chéhabi, ancien chef d'état-major des armées syriennes sous le règne de Hafez el-Assad et actuel consul honorifique de son pays à Los Angeles, vient de jeter l’éponge. Cette annonce a surpris les analystes car les Chéhabi s’étaient abstenus de critiquer publiquement le régime du président Bachar el-Assad, contrairement à Abdel Halim Khaddam. Mais à la suite de la décision de la communauté internationale de renvoyer tous les diplomates syriens après le massacre de Houla, Hazem Chéhabi, qui vit aux Etats-Unis depuis plus de 20 ans, n’avait plus vraiment le choix. Il a démissionné de son poste, sans pour autant annoncer sa dissidence ou rejoindre les rangs de l'opposition.  

 

Vivianne Salamé, cette citoyenne jordanienne employée dans une banque émiratie à Amman, s’est révoltée contre la décision de ses employeurs de la mettre à la porte car elle avait refusé de porter le voile sur son lieu de travail. Embauchée par l’entreprise en mars 2010, elle a expliqué qu’en tant que chrétienne, elle n’avait pas de telles obligations, ajoutant: «On n’est pas en Iran. On vit dans un pays où les droits religieux sont protégés par la Constitution». Vivianne Salamé a engagé une action en justice contre ses anciens patrons pour licenciement abusif et arbitraire. Les supporters de la jeune femme espèrent que la justice jordanienne lui donnera raison et ne cèdera pas aux pressions gouvernementales, d'autant que les très conservatrices monarchies du Golfe sont les premiers investisseurs dans le royaume hachémite.   

 

Nasser Chaker député du parti salafiste égyptien al-Nour, vient de présenter une proposition assez surprenante: la légalisation de l’excision des jeunes filles. Alors que le pays est en pleine campagne pour le second tour de l'élection présidentielle, le député ultraconservateur a considéré que ce sujet était prioritaire, car ordonné par la Charia. Avant lui, un autre député du même parti avait proposé l’annulation des cours d’anglais dans les écoles! Le passage des députés salafistes au Parlement égyptien sera sans aucun doute une des pages les plus sombres de l’histoire du pays des Pharaons.     

 

Des «ânes» au Parlement
Khaled Toukan, chef du programme nucléaire jordanien, a provoqué un énorme scandale dans le royaume hachémite après la diffusion de l’enregistrement de l’une de ses conversations avec un assistant, durant laquelle il accuse ses détracteurs au Parlement d’être des «ânes». Le scientifique déclare: «Tous ceux qui s’opposent à notre programme nucléaire, qu’ils soient au Parlement ou dans la presse et les médias, ne sont que des ânes et des éboueurs». Les parlementaires ont riposté à ces propos injurieux en suspendant le programme nucléaire jordanien jusqu’à nouvel ordre. Toukan, quant à lui, clame son innocence et assure que l’enregistrement était un montage destiné à ternir son image. Ce n’est pourtant pas l’avis des experts qui ont assuré que l’enregistrement était authentique.   

 

 

 

 

En pointillé
Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, chef du Parti Justice et Développement au pouvoir depuis 2002, est connu pour ses dérapages verbaux. Mais cette fois-ci, il semble avoir dépassé les limites. Dernier épisode en date, la tempête suscitée par les accusations et les insultes qu’il a adressées aux journalistes, qu'il a traités de chiens. Selon lui, les médias turcs «étaient des chiens tenus en laisse par les militaires. Et maintenant, ils ont changé de maîtres, puisque leur allégeance est désormais aux Européens.» Entre-temps, l’homme fort d’Ankara a déclaré une guerre sainte contre l’avortement qu’il a qualifié de crime. Le Premier ministre a ainsi promis de rendre cette pratique illégale, ce qui a provoqué la colère des organisations féministes qui ne comprennent plus vraiment où le chef islamiste veut en arriver.

 

 

 

 

 

 

 

Ennahda chasse les juges
Le mouvement islamiste tunisien Ennahda, dirigé par l’ultraconservateur Rached Ghannouchi, mène une bataille contre la justice tunisienne. En effet, le ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, vient de limoger 82 magistrats, les accusant d’être impliqués dans des affaires de pot-de-vin. Ancien prisonnier politique sous le régime de Zine el-Abidine Ben Ali, le ministre est considéré comme un des compagnons de première heure de Ghannouchi, qui aurait lui-même ordonné ce remue-ménage. Face à cette procédure punitive, le corps judiciaire a annoncé qu’il ne se laisserait pas faire, et les juges devraient observer une grève dès le 1er août contre les politiques suivies par le parti au pouvoir. Les magistrats pointent du doigt le fait que la Constitution sépare clairement les pouvoirs et que, par conséquent, le gouvernement n’avait pas le droit de se mêler de leurs affaires internes.  

 

 

 

Don Quichotte Abdel Jalil
Le dernier ministre de la Justice de Mouammar Kadhafi et actuel chef du Conseil national transitoire libyen, Moustapha Abdel Jalil, semble passer son temps à pourchasser les fils Kadhafi à travers le continent africain. Alors que le pays de Omar al-Mokhtar est confronté à des défis économiques et sécuritaires majeurs, Abdel Jalil adresse des menaces aux voisins algériens, mauritaniens et nigérians de la Libye. Dans sa ligne de mire, Aïcha, Hannibal et al-Saedi Kadhafi, mais aussi Abdallah es-Sennoussi. Pas sûr cependant que ces menaces réussissent à débloquer la situation actuelle vu que l’armée algérienne n’a rien à craindre de son homologue libyenne, sous-entraînée, sous-équipée, mais surtout indisciplinée. Les autorités libyennes feraient mieux de s’engager dans un dialogue diplomatique afin de résoudre tous les malentendus, si elles veulent vraiment entretenir des relations normales avec leurs voisins. Encore faut-il qu'ils s'entendent entre eux.     

 

 

Dépenses de princes
Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, au pouvoir depuis le 27 juin 1995, semble avoir un appétit insatiable pour les biens immobiliers. Ainsi, il vient d’agrandir un des ses appartements à Londres, estimé à 316 millions de dollars. Situé dans le quartier ultra-chic de Park Lane, l’immeuble du XIXe siècle est en pleine rénovation pour satisfaire les goûts très particuliers de l’émir. Mais même avec 17 pavillons et 14 immenses salons, il n’est pas sûr que cheikh Hamad passe une seule nuit dans un si «modeste» hôtel particulier. L’important c’est de dépenser, ce qui est d’ailleurs la devise des Qataris qui sont en train de s'offrir tout ce qui leur tombe sous la main. Alors, après le Paris Saint-Germain, pourquoi pas Liverpool? 

 

La Mauritanie face à ses démons
Le gouvernement mauritanien qui résiste depuis de longues années à la campagne menée par les anti-esclavagistes, a de nouveau frappé. En effet, le tribunal de Nouakchott vient de condamner sept activistes noirs à la prison ferme, les accusant d’avoir mis en péril la sécurité de l’Etat. Leur vrai crime est pourtant leur lutte persistante contre l’esclavagisme toujours en vigueur dans le pays, bien que la loi l’interdise officiellement depuis 1981. Mais dans un pays de 3,5 millions d’habitants, il n’est pas facile de cacher l’existence de 600000 Maures qui ne bénéficient d’aucun droit et sont traités comme des objets. Parmi les condamnés figure un des personnages les plus emblématiques de la lutte anti-esclavagiste, Biram Ould Abeid, qui est aussi connu pour être l’un des opposants les plus farouches au régime du président mauritanien Mohammad Ould Abdel Aziz.      

 

Experte en fuite
La physicienne égyptienne Noha Hachad a fui son pays et demandé l’asile politique en Israël. L’histoire qui paraît digne d’un film hitchcockien a choqué l’opinion publique égyptienne car la jeune femme a annoncé, dès son arrivée en Israël, que «la terre de Palestine appartient au peuple juif. Ce n’est pas moi qui le dit, mais plutôt le Coran». Noha Hachad, qui a des racines juives, était placée pendant de longues années sous la surveillance rapprochée du tout-puissant service de renseignement égyptien. Ainsi, en 1999, elle fut empêchée de voyager à Jérusalem pour participer à une conférence scientifique, et fut emprisonnée pour ses propos plus de six fois sous le règne de Hosni Moubarak. Elle a finalement réussi à fuir suite à la révolution, brouillant les pistes en prenant un vol pour Amman avant de rejoindre son nouveau pays d’adoption en toute discrétion. La physicienne a enfoncé le clou en assurant à partir de son appartement à Tel-Aviv qu’elle ne reviendra plus jamais en Egypte.      

 

850 millions de dollars est le montant que les pays du Golfe ont promis d’investir non pas en Somalie ou en Mauritanie, mais plutôt en Ouganda. En effet, le président ougandais Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, vient de permettre aux compagnies du Golfe d’investir dans des projets pétroliers qui étaient jusqu’alors réservés aux compagnies anglaises et chinoises. Il faut dire que l’Ouganda constitue le dernier joyau d’Afrique après la découverte d’énormes gisements pétroliers, sans oublier les autres minéraux et l’importance stratégique du Lac Victoria. Mais de ces richesses inouïes, les quelques 36 millions d’Ougandais ne verront presque rien, car le successeur d’Idi Amin Dada est connu pour son implication personnelle dans des affaires très douteuses et sa fortune est évaluée, selon des organisations des droits de l’homme, à des milliards de dollars.   

 

7,5 milliards de litres de gaz naturel sont consommés tous les ans en Syrie. C’est ce que démontrent les chiffres officiels du ministère du Pétrole pour l’année 2011. Seul problème, la production locale de gaz, qui était suffisante pour le marché interne, est en déclin à cause de la révolte populaire et des attaques menées par l’opposition armée contre les oléoducs. Le gouvernement n’est plus capable de satisfaire le quart de la demande, et le gaz est devenu une matière rare. Pour rendre la situation encore pire, Damas a décidé de hausser le prix des hydrocarbures de 10% au moment même où les agriculteurs se préparaient à la récolte du blé. Or cette opération est effectuée par des tracteurs et les agriculteurs ne savent plus à qui se vouer pour sauver la saison. L’une des premières décisions du Premier ministre Adel Safar, en mai 2011, fut de baisser le prix du pétrole et du gaz pour apaiser la grogne sociale. C’est raté! 

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