Magazine Le Mensuel

Nº 2849 du vendredi 15 juin 2012

Cinéma en Salles

Ajmal Ayyam Hayati. Hommage au cinéma libanais des années 60-70

Métropolis lance une rétrospective dédiée aux productions du cinéma libanais des années 60 et 70. Ajmal Ayyam Hayati se poursuit jusqu’au 22 juin. Pour que revive la mémoire.

La 1ère édition des «Plus beaux jours de ma vie» a commencé le mercredi 13 juin, et se poursuit jusqu’au vendredi 22 du mois. Ajmal Ayyam Hayati : une rétrospective libanaise dédiée aux productions du cinéma libanais des années 60 et 70, organisée par l’association Métropolis, en partenariat avec l’office du Tourisme Libanais à Paris et la banque BCL.
Depuis sa création, il y a 6 ans, «Métropolis est dédiée à encourager un cinéma différent, au niveau local ou international», rappelle Hania Mroué, la directrice de Métropolis, lors de la conférence de presse pour le lancement de la rétrospective qui a eu lieu le 8 du mois. Aujourd’hui, au moment où Métropolis projette commercialement dans ses salles huit films et documentaires libanais, dans le cadre de «Carnets de notes – Un mois du Cinéma libanais» qui se poursuit toujours, «au moment où nous sommes en train d’encourager les productions des jeunes cinéastes et de renforcer la confiance du public en la production locale, nous avons constaté que la période d’or du cinéma libanais se situait dans les années 60. Cette expérience avait été menée par les jeunes de l’époque, qui ont notamment compté sur des coproductions libano-égyptiennes. Il est important pour nous de nous rappeler notre mémoire et d’inspirer de cette manière les jeunes d’aujourd’hui». Les spectateurs auront donc l’occasion de découvrir ces témoignages précieux du cinéma libanais et de la ville de Beyrouth depuis les années 60, des films qui occupent une place importante dans la mémoire collective des Libanais. «Nous espérons avoir trois éditions, chacune ayant un thème ou un sujet précis», poursuit Hania Mroué. Pour cette 1ère édition, le thème se base sur le titre d’un film d’Henri Barakat, de 1974 : Ajmal Ayyam Hayati, une coproduction libano-égyptienne, tournée au Liban et mettant à l’affiche Najla Fathi, Hussein Fehmi et Samir Shams.
Onze films, ainsi que deux courts-métrages documentaires, seront projetés. Le choix de ces films a été réalisé par la cinéaste Tania Hadjithomas et Antoine Khalifé, conseilleur auprès de ART. «Un choix qui, comme toute sélection, a été difficile», affirme Antoine Khalifé. Devant les problèmes que posent notamment les droits de ces films (ART possédant les droits de 180 films), devant leur diversité, devant la qualité de leur préservation… «Si le cinéma de cette période, disent-ils dans l’éditorial, était différent et particulier, c’est certes parce qu’il fut l’expression de ce que les Libanais voulaient véhiculer, protéger et choyer… image frivole et drôle tant chère aux cinéastes de l’époque… mouvement de légèreté qui caractérisait cette époque». Autant d’éléments qui renvoient donc au thème de cette 1e édition : «Les plus beaux jours de ma vie», projetant déjà d’avoir une thématique plus politique, plus engagée et des films non commerciaux pour la 2e édition.
Tout au long de la rétrospective, Métropolis invitera autant que possible, les personnes qui ont contribué au cinéma des années 60 et 70, ainsi que les critiques et les animateurs de ciné-clubs de l’époque et des cinéphiles pour présenter les films. Au-delà de cet hommage, Métropolis met à l’honneur deux personnalités marquantes: Sabah, celle qui, selon Hadjithomas et Khalifé, «a tant donné et apporté de beauté, de talent, d’humour et de grâce au cinéma de ces années-là», et Ihsan Sadek qui «est sans conteste le prince du cinéma libanais de cette période. A travers plus de 25 longs métrages, il a bien gardé son empreinte sur l’industrie cinématographique locale». Les deux stars sont à l’affiche du film d’ouverture Beyrouth zéro 11d’Antoine Rémi.
Ihsan Sadek s’est rappelé et a rappelé ses débuts qui coïncident avec les vrais débuts du cinéma libanais, dès l’année 1959 avec le film «3azab el-damir» et les productions qui ont suivi. De souvenir en souvenir, Ihsan Sadek mentionne l’accueil plutôt froid du public face aux premiers films, le cinéma en langue littéraire, puis avec un accent égyptien avant d’adapter l’accent libanais, les studios Baalbeck aujourd’hui destinés à la destruction et qui, à l’époque, n’avaient rien à envier à la Metro Goldwyn Mayer, mais plutôt le contraire, le Cinéma Métropole projetait les productions libanaises… Sabah, Ihsan Sadek, Taroub, Samira Taoufiq, Farid Shawqy, Rushdi Abaza, Mohammad Abdel Wahhab, Farid el-Atrach, Georgina Rizk, Nadia Jamal… Baligh Hamdé, Philémon Wehbé, Elias Rahbani… autant de noms, d’acteurs, de compositeurs, qui réveillent la mémoire et titillent le souvenir et le sourire… Et pour rendre cette rétrospective encore plus complète, une exposition d’affiches de films faisant partie de la collection privée de Abboudi Abou Jaoudé est montée pour l’événement et ouverte au public, dans l’espoir que la 2e édition comporte une plus large exposition d’affiches rares, de photos de tournage, d’anciennes photos…
En attendant, la 1e édition d’Ajmal Ayyam Hayati se poursuit jusqu’au vendredi 22 au cinéma Metropolis, à l’Empire Sofil.
www.metropoliscinema.net

 

Au programme
Après la projection de Beyrouth zéro 11d’Antoine Rémi (1967) et Interpole à Beyrouthde Constantin Costanov (1966), voici le reste de la programmation:

Vendredi 15:
19h: Le Liban à travers le cinémade Hady Zaccak*
Un amateurde Habib Chams (2011)*
20h30: Les Colossesde Hassib Chams (1963)

Samedi 16:
19h: Bienvenue à l’amourde Mohamed Salman (1970)
21h: La guitare de l’amourde Mohamed Salman (1974)

Dimanche 17:
20h: Une bédouine à Parisde Mohamed Salman (1966)

Lundi 18:
20h: Le gang des femmesde Farouq Ajrama (1964)

Mardi 19:
20h: Le miel amerde Rida Mouyassar (1964)

Mercredi 20 :
20h: Le jaguar noirde Mohamed Salman (1965)*

Jeudi 21 :
20h: La mélodie de ma vied’Henri Barakat (1975)

Vendredi 22 : (séance de clôture)
20h: Les plus beaux jours de ma vied’Henri Barakat (1974)
(Tous les films sont en langue arabe sans sous-titres à l’exception des trois films signalés*)

 


 

Cloclo
Naissance d’une icône

Cloclo: un biopic sur Claude François, réalisé par Florent Emilio Siri et mettant à l’affiche Jérémie Renier. Cloclo, un film révélation.

Claude François, alias Cloclo. Fans ou pas, qui ne connaît pas ses tubes mythiques, Magnolia Forever, Alexandrie Alexandra, Le téléphone pleure, Comme d’habitude… Fans ou pas, qui ne connaît pas ses fameuses danseuses, les Claudettes, l’histoire de sa fin tragique, de sa mort accidentelle, électrocuté dans sa salle de bain. Autant d’éléments qui ne font pas simplement partie de la mémoire de l’Hexagone, mais de la mémoire collective, de l’imaginaire collectif. Il était temps que l’un des chanteurs français les plus populaires dans le monde entier ait son biopic. Certes il ne faut pas oublier le très amusant Podium de Yann Moix avec Benoît Poelvoorde dans le rôle de Bernard Frédéric dont le métier est d’être Claude François à la place de Claude François, un sosie de la star. Il faudra toutefois attendre que Cyril Colbeau-Justin et Jean-Baptise Dupont (LGM Productions) se décident à produire un film sur Claude François, dont ils confient l’écriture du scénario à Julien Rappeneau (Bon Voyage, Pars vite et revient tard, 36 Quai des Orfèvres, Largo Winch 1 et 2) et la réalisation à Florent Emilio Siri (Nids de guêpe, Hostage avec Bruce Willis, L’Ennemi intime). Après la Môme et Serge Gainsbourg, et en attendant Yves Montand, voici donc Cloclo. Place à la scène, aux strass, au disco, aux couleurs clinquantes…  
C’est sur la scène que s’ouvre le film montrant un Cloclo en sueur, chantant face à un public éperdu… Un prologue judicieux, justifié qui donne le ton démesuré, extravagant du film et du personnage. Et le spectateur se retrouve transposé en Egypte
, à Ismaïlia où nait et grandit Claude François, avant que la famille ne soit obligée de partir, entièrement démunie, après la nationalisation du Canal de Suez. Claude François gardera de son enfance et de son adolescence le goût de la perfection et la hantise du succès, pour compenser le conflit qui l’a opposé à son père, ce dernier ne lui adressant plus la parole durant les dernières années de sa vie.

Un personnage complexe
D’emblée, le film nous fait entrer dans l’intimité, dans l’esprit même de Claude François. Battant, persévérant, acharné à réussir ; l’étoffe d’une star, de l’icône qu’il deviendra quelques années plus tard. Tout au long des 2h30 que dure le film, le spectateur se familiarise avec la vie de Cloclo, au rythme de ses tubes, qui résonnent comme une horloge marquant les coups de sa dernière heure. Entrée de plain-pied dans un univers pailleté où pourtant tout n’est pas aussi brillant qu’il paraît. De la galère des débuts aux doutes permanents qui l’assaillent, Claude François semble toujours habité par le désir de produire du rêve à ses fans, ses groupies. La présence des hordes d’adolescentes en délire quémandant un baiser, un regard, une nuit d’amour illustrent bien le mythe Cloclo. Et sa fascination absolue des femmes. Les femmes, il en sera entourée, à commencer par la chanteuse France Galle, interprétée par Joséphine Japy, avec qui il aura une longue histoire d’amour, avec Isabelle, sa deuxième femme, campée par Ana Girardot…
Le film introduit merveilleusement, l’une après l’autre, toutes les démarches artistiques entreprises par Claude François. Passionnantes, fascinantes, démesurées. A l’image de Cloclo et du soin qu’il met à peaufiner son image d’icône, de créateur de rêves, allant même jusqu’à cacher la naissance de son deuxième fils, pour garder intacte son image et ne pas être présenté en tant que père de famille.
Dans la peau de Claude François, l’acteur Jérémie Renier (Le Silence de Lorna, Le gamin au vélo, Potiche…) qui présente là une merveilleuse adaptation, autant au niveau de la ressemblance physique que du jeu. Un jeu tout en subtilité, en nuance, oscillant sans cesse entre colère et faiblesse. C’est que le casting est également un des points forts du film. Benoît Magimel, (Les enfants du siècle, La pianiste…) est méconnaissable dans le rôle de Paul Lederman, l’agent de Cloclo; Monica Scattini et Marc Barbé sont poignants dans leur interprétation des parents de Claude François.
Le film conduit le spectateur à un rythme haletant, servi par des séquences merveilleusement tournées, même s’il s’étale en longueur par moments. L’heure de la fin approche, le spectateur le sait. La mise en scène l’y prépare. Claude François doit enregistrer une émission en direct avec Michel Drucker. Il est en retard, son assistante le presse. Il réclame le temps de prendre un bain. Le spectateur reste en suspens, il connaît l’issue tragique. Mais il attend, impatient, tendu. Et d’un coup, il devient le témoin de cet instant de l’intime, de cet instant de l’Histoire.
L’atout majeur du film reste toutefois la manière dont il dépeint Cloclo. Contrairement à The iron lady par exemple où Margaret Thatcher n’apparaît que dans l’aspect positif de sa personnalité, la réalisatrice ayant décidé d’occulter de son biopic toute polémique politique, Cloclo lui ne fait pas dans le velours, dans l’éloge gratuit, autant au niveau du scénario que de la réalisation. Le film met en scène le mythe Cloclo, tout en le décortiquant, en le déconstruisant. Le chanteur apparaît dans tous les aspects de sa personnalité, dans tous ses beaux sentiments comme sous ses plus mauvais jours, colérique, jaloux, faible, agaçant, en proie du doute, fragile, obsédé par sa carrière, par le succès, par les femmes. Désagréable, voire antipathique. Cloclo dresse le portrait d’une star, de son époque, de ses états d’âme, de sa lutte et de tous les débordements qui s’en suivent, sans compassion, sans pathos, sans parti pris. Avec audace et même violence.
Cloclo n’est pas un simple biopic sur Claude François. C’est un film à part entière, profondément humain, qui plaira autant aux admirateurs de la star qu’à ses détracteurs et à tous les cinéphiles.

N.R.
 

Circuit Empire – Grand Cinemas.

En salles aussi
Madagascar III: Europe’s most wanted en 3D
Animation d’Eric Dornell, Tom McGrath, Conrad Vernon
Circuit Empire – Grand Cinemas
Et n’oubliez pas non plus, dans le cadre de Carnets de notes – Un mois du cinéma libanais, la sortie des films Ok, Enough, Goodbye de Rania Attié et Daniel Garcia et Yamo de Rami Nihawi.
www.metropoliscinema.net

 

 

 

 

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