Il a fait ses premiers pas en politique dans le parti Kataëb et a pris part à toutes les batailles de la guerre libanaise, en particulier celle de Chekka et celle des Souks de Beyrouth. Né a Jdeidet el-Metn, c’est au village de Kfifane qu’il a vécu jusqu’en 1978. Elu pour la première fois député en 2005 et réélu en 2009, Antoine Zahra est le député des Forces libanaises pour la région de Batroun.
C’est à l’école des religieuses de Kfifane, puis à l’école publique du village, en passant par les écoles de Mayfouk et Chekka, qu’Antoine Zahra fait ses études. En 1975, quand la guerre éclate, il est réserviste dans l’Armée libanaise. «A l’époque, l’ambiance était très politisée parmi les jeunes qui étaient influencés par les événements de 1968 en France. A la fin de mon service militaire, je me suis enrôlé dans les Kataëb et j’ai participé à tous les combats», se souvient Antoine Zahra. Il commence par entreprendre des études de Droit, mais les événements l’empêchent de continuer. Avec l’entrée de l’armée syrienne à Batroun, il est contraint de quitter la région et se joint à la foule des déplacés. «A ce moment-là, j’ai quitté le Liban pour la France. J’ai tenté d’obtenir un visa pour les Etats-Unis pour aller en Californie chez une tante de mon père, mais j’avais le mal du pays et avant le rendez-vous, poussé par mon côté émotionnel, je suis rentré au Liban», raconte le député de Batroun. La guerre des 100 jours faisait rage à Achrafié et Zahra est bloqué pendant huit jours à Hamra. Sur le point de repartir de nouveau, sur la route de l’aéroport, saisi d’une impulsion subite, il demande au chauffeur de taxi s’il pouvait l’emmener à Dora au lieu de l’aéroport. Le chauffeur lui répond qu’il était prêt à essayer, mais qu’il voudrait être payé s’il réussit ou pas à passer. «Nous avons réussi à passer par Sin el-Fil. Au barrage syrien, malgré mes sept valises, les soldats m’ont simplement demandé si j’avais un paquet de pain. Et j’ai passé», raconte Zahra.
Sa rencontre avec Samir Geagea remonte à 1978. Pour lui, cette relation est un engagement politique. «J’ai collaboré avec lui occasionnellement jusqu’en 1981, lorsqu'il m’a demandé de travailler avec lui en permanence. Je me suis alors installé a Kattara pour être proche de lui», se souvient Antoine Zahra. Il fut pour un temps responsable de l’entrainement des jeunes dans les écoles officielles avant d’être affilié à la reconnaissance militaire, dont le siège était à Mayfouk. En 1983, c’est en tant que responsable de la reconnaissance militaire qu’il participe à la guerre de la Montagne. Il est à Deir el-Qalaa à Beit Mery, avant de repartir au Nord, un mois et demi avant le début des combats. Entre 1985 et 1988, Antoine Zahra vit en France et il est responsable du bureau des FL à Paris et en Europe occidentale. «Je suis revenu en 1988, avant les élections présidentielles qui n’ont pas eu lieu. Avec le début de la guerre de libération jusqu’à la dissolution des milices, j’ai pris en charge les opérations militaires», dit-il. Durant cette période, il est responsable de l’unité d’artillerie des FL, avant de devenir par la suite officier du renseignement. «Je faisais des analyses et parlais tellement de politique que mon surnom était FM», raconte Zahra en souriant.
Madfoun? Un mensonge
De nombreuses accusations sont portées contre le député de Batroun sur les pratiques exercées sur le barrage de Madfoun et en particulier les paquets de pain qu’il confisquait aux citoyens. Ces propos le font sourire. «Durant tout mon parcours et avec toutes les attributions que j’ai eues au sein des FL, je n’ai jamais eu la responsabilité d’un barrage, ni à Barbara ni ailleurs. Le centre de reconnaissance le plus proche de la côte où j’ai travaillé était la tour Herzig à Maad. En 2005, quand j’ai été candidat pour la première fois à Batroun, mes concurrents ont lancé cette rumeur en vue de provoquer les habitants de Tripoli qui avaient de mauvais souvenirs du barrage de Madfoun, afin qu’ils ne votent pas pour moi. Ils m’ont accusé d’arrêter les Tripolitains et de les torturer. Pourtant, je disais toujours qu’une fois mes photos publiées, les gens sauront que je n’y suis pour rien», dit Antoine Zahra. Selon le député, l’affaire du pain a été maintes fois expliquée. Il s’agissait d’une décision ministérielle pour lutter contre le trafic de la farine subventionnée par l’Etat. «A l’époque, le ministre Victor Kassir avait demandé de contrôler le passage de la farine pour que chaque région puisse en avoir sa part. Les paquets de pain confisqués aux barrages étaient tout simplement redistribués à ceux qui n’en avaient pas. Mais ce qui me fait le plus sourire, c’est d’entendre des gens qui n’étaient même pas nés à cette époque jurer leurs grands dieux que je leur avais personnellement arraché des paquets de pain», dit Antoine Zahra.
Malgré les incertitudes que vit la région, les circonstances difficiles, les divisions, le clientélisme et la corruption, Antoine Zahra garde une vision optimiste de l’avenir et demeure convaincu que «l’occasion est proche, quelques mois ou quelques années tout au plus, où tous les Libanais vont se joindre à l’option Liban d’abord. Personne ne peut vivre seul. Sans cette conviction, je ne continuerai pas l’action politique». Sa vision repose sur le fait que chacune des communautés a tenté l’expérience de diriger le pays à elle seule et a échoué. «Le Liban des communautés a d’abord commencé par l’expérience des chrétiens qui ont gouverné le pays depuis son indépendance jusqu’en 1975. Ils ont mené le pays à la guerre et leur expérience s’est achevée par l’accord de Taëf. Ensuite, les sunnites ont tenté leur chance avec toute la dimension économique de Rafic Hariri. Ils n’ont pas réussi à développer l’Etat. Rafic Hariri a été tué et les sunnites se sont retrouvés dans une situation de «ihbat» (désenchantement) qui les a menés à adopter le slogan Liban d’abord. Aujourd’hui, leur position est stratégique et stable, après la déclaration de Rafic Hariri en 2002, que l’arabité est un lien culturel et non pas une association religieuse. Il a réussi à concilier le nationalisme et l’arabité. Maintenant, c’est le tour des chiites. Historiquement, ils n’ont jamais eu de projet en dehors de l’Etat libanais. Nous assistons à une situation exceptionnelle avec l’apparition de la révolution iranienne et l’appui de celle-ci au Hezbollah, qui se sent fort de son rôle dans la Résistance. L’iranisme est sur la voie du déclin et le projet chiite, comme le chrétien et le sunnite, sont sur le point de tomber. Nous allons parvenir à la certitude que le Liban ne vit que par et pour toutes ses composantes. Le sens civique pour la création de l’Etat est né de l’échec de chacune des communautés», explique le député. En tant que chrétien, il a l’intime conviction que la présence chrétienne, ainsi que la pluralité, relèvent d’une volonté divine. Il ne craint pas de guerre civile ni de guerre sunnite-chiite, car celles-ci ont besoin d’un feu vert international, qui n’existe pas. «De toute façon, tous ceux qui ont connu la guerre les empêcheront de se reproduire. Mais si nous sommes de nouveau menacés, nous n’hésiterons pas à porter les armes si l’Etat ne peut pas nous protéger», dit Zahra.
De 1992 à 2005, il s’installe à Dubaï tout en suivant la situation de près. C’est là qu’il fera la connaissance de son épouse, Dima Younane. Ils ont une fille unique, Tatiana, âgée de 15 ans. «Elle est brillante à l’école et assume ses responsabilités», confie avec fierté Antoine Zahra. Il reconnaît qu’à Dubaï, il passait beaucoup plus de temps avec elles et maintenant, pour des raisons de sécurité, ils ne sortent presque jamais ensemble dans la même voiture. Il n’est pas encore officiellement candidat aux élections de 2013, mais tout porte à croire qu’il le sera, puisqu’au sein des FL, on estime que son expérience est réussie. Pour lui, la députation importe peu. Tirant une bouffée de sa cigarette, il dit: «Je suis toujours le même. Etre député n’a pas changé grand-chose dans ma vie, mais cela a augmenté considérablement mes charges».
Joëlle Seif
Les Kataëb le passé, les FL l’avenir
Antoine Zahra est très actif au sein des Forces libanaises, mais politiquement il faisait encore partie des Kataëb. «Avec la création du parti des Forces libanaises, en 1991, après l’accord de Taëf, j’ai choisi de continuer mon parcours politique au sein des FL sans toutefois couper les ponts avec les Kataëb», affirme le député. Sa relation avec les Kataëb est excellente et il est soucieux que les deux partis soient en bons termes, tout en ayant conscience qu’ils se disputent tous les deux la même scène et rivalisent pour attirer un même public, puisque finalement ils partagent les mêmes principes. Il raconte qu’au cours d’un dîner à Londres l’année dernière, qui réunissait tous les pôles du 14 mars, et alors qu’il représentait le Dr. Samir Geagea, il rencontre un père et son fils dans le lobby de l’hôtel, le premier portant l’insigne des Kataëb et le second celui des FL. Face au père qui lui décrivait la situation, Zahra répond: «C’est normal puisque les Kataëb c’est l’histoire et les FL l’avenir. Avec tous mes respects pour l’histoire, je suis un homme ambitieux qui travaille pour l’avenir».
Ce qu’il en pense
-La technologie: «Je ne suis pas contre, mais je refuse de me laisser envahir et de renoncer à mon intimité par des moyens tels que Facebook et Twitter».
-Ses loisirs: «Je lis beaucoup et mes lectures sont variées. J’aime la littérature et c’est de là que vient ma vaste culture générale. Mon ouvrage préféré est celui du pape Jean-Paul II: Entrer dans l’espérance. Je ne fais pas de sport».
-Sa devise: «Je suis très croyant et je m’en remets à Dieu en toute chose. Je suis très optimiste de nature, et je réponds toujours comme Dieu le veut. Je suis honnête et direct. Les gens me disent toujours que je ne sais pas mentir, que je dis toujours ce que j’ai sur le cœur. Je n’ai peur de rien ni de personne».