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Nº 2853 du vendredi 13 juillet 2012

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Boutros Harb, député de Batroun «Michel Aoun est l’otage de ses positions»

«Je crois que le général Aoun n’a pas la capacité d’abandonner les armes du Hezbollah. Il est devenu l’otage de ses propres positions». Interview de Boutros Harb, député de Batroun, qui vient d’échapper à une tentative d’assassinat.

 

Pourquoi cette tentative d’assassinat du député Boutros Harb aujourd’hui?
J’aurais souhaité le savoir. Nous avions reçu des mises en garde suite aux informations relatives à une reprise des assassinats politiques sur la scène locale. Tous les membres du 14 mars prennent leurs précautions quand on leur transmet ce genre d’informations. Mais, au fond de moi-même, je ne sentais pas que les risques d’agression sur ma personne étaient grands. De par ma position politique et de par mon style, je ne suis pas quelqu’un qui attire l’animosité ou qui alimente la mode des tiraillements politiques. Je suis un démocrate. J’ai mes convictions et mes engagements que, peut-être, je sais défendre. Mais il s’agit, peut-être aussi, de mettre un terme à cette logique et cette approche ou que l’affaire soit liée à la liquidation des leaders du 14 mars dont je fais partie. Il est possible aussi que ma façon de faire leur facilite la tâche, je ne suis pas de ceux qui s’encombrent de mesures sécuritaires extrêmes…

 

Que vous ont appris les responsables sécuritaires? Vous avez reçu la visite du Procureur général, du commandant de l’armée, du directeur général des FSI, du responsable du département des renseignements…
Ils sont tous venus. J’estime qu’il n’y a aucun intérêt à publier les informations disponibles. Elles pourraient être exploitées par les coupables pour échapper aux poursuites. C’est la première fois qu’une tentative d’assassinat avorte alors qu’elle est encore au stade des préparatifs. On a pu identifier l’un des coupables. Il a laissé des empreintes qui peuvent servir à un test d’ADN, sans oublier qu’il y a 3 ou 4 témoins qui l’ont vu et qui ont vu l’individu qui l’a aidé à s’enfuir par les armes et la ruse, il y a aussi les caméras de surveillance… Tous ces éléments favorisent les chances d’identification des criminels.

 

Est-il permis de les identifier?
C’est une autre paire de manches. Je m’exprime en tant qu’avocat et je sais que les chances de réussite sont considérables. Sur le plan sécuritaire et politique, si l’un des criminels est rattaché à une sphère à laquelle l’Etat n’a pas accès, ce serait une autre histoire.

 

Il existe des précédents. Il y a quatre accusés dans l’assassinat du président Rafic Hariri, et d’autres qui ont attaqué la chaîne al-Jadeed, l’Etat n’a pas réussi à les arrêter…
On m’a même informé que ceux qui ont cambriolé l’évêché grec-orthodoxe de Beyrouth résident dans des coins où l’Etat ne peut pas aller les chercher. Ce crime est un message adressé à tous les acteurs politiques, notamment du 14 mars, pour qu’ils redoublent de vigilance. Nous sommes à la veille des élections. La tentative, dont j’ai fait l’objet, pourrait avoir pour but de provoquer un climat de tension sécuritaire qui empêche les membres du 14 mars de mener campagne librement et de communiquer avec leurs électeurs.

 

Le crime a-t-il une relation quelconque avec les législatives à Batroun ou avec la présidentielle, surtout que votre nom a été avancé comme éventuel candidat?
Je ne sais pas. Je ne peux rien présumer à ce sujet. Je ne peux pas non plus empêcher les gens de parler… Nombreux sont ceux qui croient à ce scénario… Personnellement, je dis: attendons les résultats de l’enquête.

 

Certains journaux se sont demandés si Boutros Harb était bien la cible des assassins. Le ministre de la Défense habite l’immeuble ainsi qu’un avocat qui dit avoir reçu des menaces…
Je ne souhaite aucun mal au ministre de la Défense, ni à personne. Mais le ministre n’habite pas l’immeuble. Son épouse possède un appartement vide. Je n’ai absolument aucun plaisir ni aucune volonté à dire que la tentative d’assassinat est dirigée contre moi. S’il s’avère que tel n’est pas le cas, je serai ravi. Mais ma vie et celle des occupants de l’immeuble étaient menacées tout comme la stabilité… Ce crime aurait pu déclencher la fitna.

 

Vous avez rencontré le président de la République et parlé au téléphone avec le ministre des Télécommunications, pensez-vous que les données téléphoniques, y compris les IMSI, seront livrées?
Le ministre m’a assuré qu’il allait transmettre le mouvement des télécommunications, c’est ce qui se fait dans tous les pays du monde pour des considérations sécuritaires. Je ne suis pas un expert en la matière et je ne connais pas les détails. Mais il semble qu’il soit possible d’utiliser une Sim Card pour exécuter un crime et de la détruire par la suite pour dissimuler le forfait, mais si vous avez le IMSI, même si la carte est détruite, vous pouvez découvrir l’usage qu’en a fait son propriétaire avant de la supprimer. C’est une question fondamentale. J’en ai parlé au ministre, si les données IMSI ne sont pas transmises, cela signifie, à mon avis, aider les criminels à échapper à leur crime. Si le gouvernement ne veut pas livrer l’ensemble des données aux instances en charge de l’enquête, je considérerai que l’ensemble du Conseil est complice de l’attentat qui m’a visé et je ne me tairai pas.

 

Comment le Bloc du Changement et de la Réforme a-t-il réagi à cette tentative d’assassinat contre votre personne? Certains pôles du Tayyar avaient mis en doute celle qui a visé le Dr Samir Geagea.
Il est certain que les deux crimes sont de nature différente. Les éléments du crime dont j’ai été la cible sont complets, ce qui n’était pas le cas à Meerab. Le nombre de preuves et de données disponibles dissipe le doute… Mais, malgré cela, il existe certains abrutis reliés à d’autres abrutis qui colportent des nouvelles qui n’ont aucun sens. Dieu leur pardonne. Mais, en général, un nombre non négligeable de membres du Bloc du Changement et de la Réforme m’ont contacté à titre social et humain et je les en remercie. Mon grand différend avec le CPL porte sur la manière d’agir. En tout cas, une divergence d’opinion ne signifie pas un conflit personnel.

 

Le ministre Gebran Bassil vous a-t-il appelé?
Non, je savais qu’il ne me contacterait pas.

 

Votre avis sur la séance parlementaire au sujet de l’affaire des journaliers au cours de laquelle les députés du Tayyar, des FL et des Kataëb se sont solidarisés et ont protesté contre la méthode de gestion de la séance…
Le hasard a voulu que je sois présent. Mon avis est que vous ne pouvez pas nouer de nouvelles alliances politiques pour des considérations fondées sur le principe de la construction de l’Etat et, en même temps, accepter des pratiques anciennes qui sont, en quelque sorte, contraires aux principes que vous défendez. Pour ce qui est de la gestion de la séance, ce n’est pas nouveau. Il y a eu des plaintes à ce sujet par le passé. Je suis de ceux qui ont contesté certaines pratiques de la présidence de l’Assemblée comme de quelques collègues. Je pense que la contestation de certains aujourd’hui est née du heurt avec les intérêts du Bloc du Changement et de la Réforme, ou plutôt de l’un de ses ministres, qui est fort important. L’affaire a alors pris une tournure nationale. Il faut respecter les gens et agir avec un minimum de sérieux. J’imagine que si le député Ghassan Moukheiber qui partage mon avis sur la nécessité d’amender le règlement interne s’y était tenu et si le Bloc du Changement et de la Réforme avait soutenu le député Sami Gemayel, nous n’en serions pas là. Lorsque celui-ci a proposé l’adoption du vote électronique, personne ne l’a appuyé, pourquoi ont-ils changé d’avis aujourd’hui? Parce que cela heurte le ministre de l’Energie qui se positionne contre ses alliés politiques qui, depuis des années, engagent leurs partisans alors qu’ils laissaient faire lorsque leurs intérêts n’étaient pas menacés.

 

Pensez-vous que le général Michel Aoun puisse renoncer à son soutien aux armes du Hezbollah et réintégrer le 14 mars pour un rapprochement interchrétien?
Non. Je crois que le général Aoun n’a pas la capacité d’abandonner les armes du Hezbollah. Il est devenu l’otage de ses propres positions. D’après mes prévisions et mes analyses, il essaye de combiner sa situation d’otage du Hezbollah avec la perspective des législatives qu’il veut gagner. Cela va être difficile.

 

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