Magazine Le Mensuel

Nº 2856 du vendredi 3 août 2012

general

Christian Bellon. L’aventure d’un amoureux du Liban

Les années soixante et soixante-dix ont été marquées par plusieurs détournements d’avions. Mais un seul, réalisé par un Français, visait à attirer l’attention sur la cause du Liban, agressé par Israël, depuis la conclusion de l’accord du Caire, le 3 novembre 1969, qui donnait aux Palestiniens un large pouvoir de mouvement et d’action.

A la fin des années 60, les agressions israéliennes, comme les raids, s’étaient multipliées. Les villages du Liban-sud n’étaient pas épargnés. Ils payaient le prix de l’accord donné aux opérations des Fedayin contre Israël à partir du Liban. Les autorités libanaises avaient les mains liées par l’accord du Caire, imposé au Liban qui payait ainsi le prix de sa sécurité et de son unité.
Fin 1969, et début 1970, Israël avait effectué une série d’agressions contre le Sud du Liban. Chaque jour apportait son lot, le plus souvent d’attaques aériennes, mais aussi d’incursions israéliennes dans la région. Le 3 janvier 1970, les soldats israéliens occupent Kfarkella, et emmènent 10 soldats et 11 civils libanais. Ils sont considérés otages et l’Etat hébreu refuse de les libérer.
Le 9 janvier 1970, un jeune Français de 26 ans, Christian Bellon, moniteur de culture physique, prend une initiative particulière. Il contrôle le vol 802 d’un Boieng 707 de la T.W.A, qui assure la liaison Washington-Paris-Rome. Il est détourné entre Paris et Rome, et Bellon le contraint à poursuivre sa route vers l’aéroport de Beyrouth. A son bord 9 passagers et 11 membres d’équipage.
L'appareil atterrit à Rome pour faire le plein de carburant. Afin d'accélérer la procédure, le pirate tire un coup de feu dans l'habitacle. Contacté par les autorités compétentes, il affirme que son but est d’agir par représailles contre les Américains qui aident Israël. L'avion repart. Il est dirigé sur l'aéroport de Beyrouth. Le 10 janvier, les passagers et 8 membres de l’équipage sont rapatriés, les 3 autres attendent les réparations des dégâts subis à l’atterrissage par les tirs effectués à Rome.
Bellon s’en remet alors aux autorités libanaises. Il déclare avoir agi par amour du Liban et par sympathie pour la cause palestinienne: «J’ai agi par amour du Liban. Pour infliger une humiliation à Israël, et son protecteur américain et pour protester contre l’enlèvement des 21 otages libanais», assure-t-il plus tard. Les raisons de Bellon provoquent de l’émoi au Liban, mais pour le monde entier, ce n’est qu’un nouveau pirate de l’air.
Bellon sera reçu par Pierre Gemayel, puis par Kamal Joumblatt. Ce dernier est critiqué pour avoir  reçu un pirate de l’air. Il assure qu’il l’a fait à titre personnel, et non en tant que ministre de l’Intérieur. La France refuse de demander l’extradition de Bellon, libéré sous caution le 14 janvier, puis remis en prison le 23, et condamné plus tard à neuf mois de détention, après avoir bénéficié de circonstances atténuantes.
Le 30 octobre 1970, Bellon est relâché. Il se rend le 18 novembre à Alger et rentrera plus tard en France. Il y sera condamné, pour port d'arme illicite, à un emprisonnement de huit mois et libéré le 18 septembre 1971.
L’affaire Bellon a occupé la scène libanaise pendant quelques mois. C’était une grande première du genre. La sympathie du jeune Français pour le Liban a fait de lui un pirate de l’air. Aujourd’hui, rares sont ceux qui se souviennent de l’action de Bellon.

A.K.

N.B: Les informations de cet article sont recueillies dans des articles sur Internet et de l’ouvrage: Mémorial du Liban-mandat de Charles Hélou de Joseph Chami 

 

Piraterie aérienne
La lutte contre la piraterie aérienne qui donne aux commandants de bord des pouvoirs de police, a commencé en 1963 par la convention de Tokyo, mais ne prévoit pas de mesures pénales. La convention n’est entrée en vigueur qu’en décembre 1969, après avoir difficilement obtenu les douze ratifications nécessaires.
Le 30 mai 1970, soit quelques mois après le détournement effectué par Christian Bellon, le Parlement français adopte une loi réprimant le détournement d'avion, qui figure désormais sur la liste des crimes du code pénal. Des peines très lourdes sont prévues, allant jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.

 

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