Résilience économique
Trois facteurs clés
La politique de dissociation du Liban de son environnement régional, adoptée par le gouvernement de Najib Mikati, est-elle applicable au domaine de l’économie? Pour une certaine école de politique économique, il s’agit d’une utopie, dans la mesure oùla croissance du pays est tributaire à 55% des activités extérieures. Donc sa perméabilité aux chocs externes est inévitable. Il faut a priori «libaniser l’économie nationale» en liant ses différents rouages aux fondements directs de croissance économique interne et aux potentialités des Libanais de l’étranger. Selon une autre école, l’économie est résiliente tant que trois indicateurs financiers fondamentaux ne sont pas affectés négativement. Il s’agit d’une offre soutenue du billet vert sur le marché domestique, la stabilité relative de la structure des taux d’intérêt et une croissance des dépôts bancaires en rythme annuel entre 7% et 8%. Ni la BDL, ni l’Association des Banques, ni les organismes économiques ne se sont aventurés jusqu’à ce jour à faire des pronostics portant sur un taux de croissance économique en 2012, seul le Fonds monétaire international (FMI) a avancé le pourcentage de 3%. Ce taux n’est pas impossible à atteindre si le gouvernement actuel poursuit sa politique «de la négociation» au lieu de «la confrontation» pour contrecarrer «les manifestations de courroux et de revendications sociales des différentes tranches de la force active locale».
Dans le même temps, des rapports d’agences de notation et de banques d’investissements sur le risque souverain du Liban ont souligné que les obligations et eurobonds libanais, toutes catégories confondues, sont soumis depuis un moment à certaines pressions extérieures. Cependant, ces pressions ont été compensées par une demande interne sur les titres libanais dans le but de limiter leurs répercussions sur les prix des obligations souveraines qui ont fait l’objet d’un mouvement de liquidation de la part de certains fonds étrangers. Sachant que ces eurobonds représentent un volume négligeable, soit 2,5% à 3%, car la plus importante est détenue par les banques libanaises. Selon les mêmes sources, les coûts des titres libanais sont considérés pour le moment élevés, mais ils sont plus prisés que certaines obligations souveraines revenant à la Grèce, l’Espagne et l’Italie, compte tenu de la solidité du secteur bancaire.
Si ce contexte se poursuit à court et moyen termes, le ministère des Finances ne devrait pas trouver de difficultés à mener une opération de swap afin de rééchelonner les eurobonds venant à échéance entre 2012 et 2015. Le montant des eurobonds venant à échéance s’élève à 8,5 milliards de dollars. Malgré de nombreux points positifs, les taux d’intérêt qui seraient appliqués à la nouvelle émission d’eurobonds seraient légèrement supérieurs à ceux qui sont en vigueur en ce moment. Le ministère des Finances a d’ores et déjà entamé des pourparlers avec certaines banques libanaises et étrangères pour la gestion de cette opération de swap. Les eurobonds à substituer afin de restructurer la dette publique portent sur 4,6 milliards de dollars (couvrant une partie du principal de la dette) et 3,9 milliards de dollars (couvrant les taux d’intérêts).
Par ailleurs, les montants des eurobonds venant à échéance se répartissent comme suit: 0,2 milliard de dollars au deuxième semestre 2012; 1,5 milliard de dollars en 2013; 1,6 milliard de dollars en 2014 et 1,3 milliard de dollars en 2015 (total 4,6 milliards dollars).
Taxes et impôts
Le Fisc sur le bon chemin
Le ministère des Finances a rappelé aux organisateurs des festivals d’été et des promoteurs de tournées de vedettes étrangères de s’acquitter des taxes et impôts qu’ils doivent au Trésor et de ceux revenant à la mutuelle des artistes libanais. Conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi sur l’organisation des professions artistiques, les promoteurs et organisateurs de représentations artistiques en provenance de l’étranger, sont contraints de s’acquitter d’une taxe de 2% sur le prix des billets d’entrée des spectateurs de telles manifestations artistiques ainsi que d’une autre taxe de 10% sur les montants des contrats des artistes. Parallèlement, le ministre du Tourisme, Fady Abboud, a confié ne pas être d’accord à consentir des subventions aux festivals d’été et préfère accorder un soutien financier pour dynamiser le secteur touristique à travers des subventions à des vols charters à destination du Liban en vue d’encourager un plus grand flux de touristes de toutes les tranches sociales.
Il ne s’agit pas de la seule bonne nouvelle au niveau d’un renflouement des revenus du Trésor. Lors de la réunion du Conseil des ministres qui s’est tenue sous la présidence du Premier ministre au Sérail le 9 août dernier, le ministre de l’Information par intérim, Waël Abou Faour, a annoncé l’amendement des décrets 12841 et 2522, qui définissent les taxes annuelles imposées pour l’obtention de permis d’exploitation provisoires des biens-fonds maritimes publics. Il a indiqué que ces taxes seraient révisées à la hausse dans une proportion qui assurerait des revenus considérables au Trésor. Même si elle arrive en retard, cette décision à caractère fiscal devrait rendre justice aux contribuables à faible et moyen revenus. Il est temps que l’Etat fasse un inventaire exhaustif de ses biens fonds immobiliers et explique à l’opinion publique les rendements prévus de leur usage. A titre indicatif, a souligné une source fiscale, il serait louable que le gouvernement dresse les conclusions de l’étude de rentabilité des terrains résultant du remblaiement d’une partie du littoral de Dbayé, surtout qu’un mégaprojet polyvalent résidentiel et de plaisance, appartenant au secteur privé, est en construction sur un des lopins de terre revenant au domaine public.
Exportations
Les solutions au stade expérimental
En temps de crise, les agents des secteurs économiques productifs n’ont le choix que de s’adapter aux nouvelles donnes. Le recul des exportations libanaises n’est certes pas un problème de financement, puisque la Banque du Liban (BDL) continue de subventionner des taux d’intérêt créditeurs tant aux industriels qu’aux agriculteurs et aux agents touristiques, à travers le programme de prêts géré par Kafalat. Il s’agit d’un problème d’accès des exportateurs libanais aux marchés. Le transport vers l’hinterland arabe via la frontière syro-libanaise de Masnaa étant devenu aléatoire pour des raisons de sécurité et de banditisme (des droits de passage sont imposés arbitrairement par des factions différentes se trouvant sur le terrain), le transport maritime a été considéré comme une alternative. 200 conteneurs chargés d’agrumes et de fruits ont été transportés par voie maritime par des navires qui desservent la ligne du port de Beyrouth. Cette alternative est au stade expérimental et il est prématuré que les agents économiques réclament des subventions à l’Etat, qui n’est pas en mesure de le faire pour le moment, ou de revendiquer des navires pour réduire les frais de transport. Le secteur privé est appelé aujourd’hui plus que jamais auparavant à être le levier de l’économie et de compter sur lui-même.