L’affaire des otages, les combats de Tripoli, la loi électorale, l’éradication de la culture de la drogue, le projet d’ouverture de l’aéroport de Kleyat: tour d’horizon avec Marwan Charbel, un ministre sur tous les fronts.
L’otage koweïtien Issam Houti a été libéré. Comment l’Etat a-t-il agi sur ce dossier?
Nous avons traité cette affaire avec beaucoup de sérieux et avons mobilisé tous les organes de sécurité toute la nuit du dimanche jusqu’à sa libération, lundi soir. L’armée a perquisitionné plusieurs villages dans la Békaa et les organes sécuritaires étaient en alerte. Nous avons considéré le citoyen koweïtien comme un citoyen libanais, les Libanais vouent une estime particulière aux Koweïtiens.
La libération de l’otage libanais en Syrie, Hussein Omar, est un indice positif. Y en aura-t-il d’autres?
Les autres vont suivre. Le gouvernement libanais n’a pas abandonné ses otages et s’est penché très sérieusement sur cette affaire dès le début. Il a coordonné ses efforts avec le comité des ulémas musulmans à Tripoli. Nous traitons ce dossier en tant qu’Etat sans grand tapage. Nous avons envoyé des officiers en Turquie pour cela.
D’après les informations, les parents des pèlerins enlevés ont chargé le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, de négocier en leur nom. Est-ce vrai?
Non, cette information a été diffusée de façon tronquée. Les parents n’ont pas chargé le général Ibrahim tout seul. Ils ont dit : le comité sécuritaire présidé par le ministre de l’Intérieur avec le directeur de la Sûreté générale nous représentent. Les journalistes ont juste relevé la deuxième partie de la phrase.
Qu’avez-vous à dire au «Conseil militaire» des clans? Nous avons entendu parler de préparatifs pour la création d’une aile militaire pour «Ahl el-Sunna»?
Le Liban ne compte que deux composantes: une chrétienne et une musulmane. C’est cela, le Liban. Toute autre aile n’y a pas sa place. L’Etat libanais et les organes sécuritaires protègent ces deux ailes. Nous ne voulons pas qu’elles se multiplient, sinon le Liban ne pourra plus prendre son envol.
Est-ce que les commissions rogatoires seront exécutées? Quel sera leur impact sur le terrain?
Cette question est du ressort de la Justice et dépend de la capacité des organes sécuritaires à les exécuter dans l’immédiat ou ultérieurement.
Que répondez-vous à ceux qui disent qu’avant vous, aucun ministre de l’Intérieur dans la République d’après Taëf ne s’était transformé en négociateur numéro un, commentant vos échanges avec cheikh el-Assir ou avec des ravisseurs ou autres?
… et avec les salafistes, et les habitants de Yammouné. Dans tous ces cas, nous obtenons des résultats positifs. Pour ce qui est des habitants de Yammouné, nous organisons prochainement une réunion avec le Premier ministre pour régler leur affaire et mettre un terme à ce problème qui n’a que trop duré. Nous espérons l’éradication de la drogue pour au moins cent ans.
Comment? Y a-t-il de nouvelles idées?
Certainement. Un gros dossier a été soumis par le ministre de l’Agriculture, Hussein Hajj Hassan, nous allons l’adopter. Si je ne m’étais pas rendu à Yammouné, rien n’aurait bougé. On peut trouver des issues à tous ces cas qui ne sont pas si complexes, mais qui traînent parce que quelque part l’Etat n’a pas accompli son travail. Puis il y a eu la conjoncture sécuritaire et l’incidence des événements alentours…
Est-ce que le plan sécuritaire musclé appliqué à Tripoli est un succès?
L’armée a tranché et traite avec grande fermeté tout élément armé qui refuse de respecter le cessez-le-feu. Ce qui vaut pour Zahiriya, vaut aussi pour Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen. Le plan est en voie d’application pour ramener le calme à Tripoli. Je considère que toutes les chances ont été données à l’option de la «sécurité par consentement». Il n’était plus possible de prolonger cette tentative alors que l’hémorragie se poursuivait.
Certains ont accusé le président Mikati de soutenir les combattants de Bab el-Tebbané. Que leur répondez-vous?
Non! Ce n’est vraiment pas le cas! Les combattants à Tripoli sont issus de divers camps politiques, ils croient défendre leur ville. Nous leur avons dit que Bab el-Tebbané tout comme Jabal Mohsen sont dans Tripoli. Le président Mikati a été franc et catégorique à plusieurs reprises, en déclarant: «Arrêtez tout individu qui me porte allégeance, avant les autres».
On parle de l’ouverture de l’aéroport de Kleyat, pensez-vous que ce projet sera concrétisé?
Nous avons débattu de ce sujet en Conseil des ministres. Il est sous étude pour examiner les capacités financières de l’Etat et l’usage qu’on pourra faire de l’aéroport de Kleyat. Je pense que le projet sera reporté.
Le Hezbollah est-il prêt à accepter ce projet surtout que l’aéroport de Beyrouth est sous son contrôle?
Mais voyons que dites-vous là? L’aéroport de Beyrouth est celui de tout le Liban et l’aéroport de Kleyat aussi. Tout comme celui de Hamat et celui de Rayak, qui sont pour tous les Libanais. Le Hezbollah n’a jamais abordé les choses à votre façon.
Et le blocage de la route de l’aéroport?
C’est fini. Ce sont des scènes qu’on ne verra plus.
Nous entendons des mises en garde de diplomates étrangers contre la contagion de la crise syrienne au Liban et nous avons vu l’ancien ministre Samaha transporter des explosifs. Quelle est votre lecture de la situation?
Le Liban a vécu une guerre qui a pris fin en 1989-1990.
Que pensez-vous des réactions suscitées par la loi électorale approuvée en Conseil des ministres basée sur la proportionnelle et qui partage le Liban en 13 circonscriptions?
Il est normal que la loi électorale suscite des réactions.
Oui, mais certains, dont le président Saad Hariri, ont déclaré que le projet ne sera pas entériné par l’Assemblée. En fin de compte, la décision revient au Parlement. Si la majorité le rejette, il sera oublié. Mais si le projet est refusé, il faudrait qu’on le sache pour avoir le temps d’en concocter un autre.
Le Dr Samir Geagea a demandé pourquoi Beyrouth et le sud ont-ils été divisés en seulement deux circonscriptions et pas trois et pourquoi ne pas avoir opté pour 15 circonscriptions?
Le projet n’est pas parole d’Evangile. La décision finale revient au Parlement qui peut amender, rajouter ou éliminer. Ce que je peux dire, c’est qu’en optant pour 15 circonscriptions, la loi ne sera plus proportionnelle de facto.
Pourquoi ne pas avoir adopté la formule des circonscriptions réduites proposée par le comité de Bkerké?
La déclaration ministérielle prévoyait la préparation par le ministère de l’Intérieur d’un projet de loi basé sur le principe de la proportionnelle. J’ai exécuté.
Est-il vrai que vous avez accéléré l’adoption du projet pour placer la balle dans le camp de la Chambre?
Pas du tout. Nous avons mené le débat pendant deux mois. La discussion des trois derniers jours portait sur une clause sans grande importance. Mon espoir est que les Libanais se rallient autour d’un projet qui les unit. Il est temps qu’on s’accorde sur quelque chose!
Est-ce que les organes de sécurité ont découvert un quelconque fil conducteur en enquêtant sur l’assassinat du moine maronite, Elie Makdessi?
Oui, ils détiennent quelques données. Le crime n’a aucune portée politique ou confessionnelle.
Q. Un journaliste vous a qualifié de «tendre général», ajoutant que le peuple libanais vivra heureux du moins sous votre mandat en tant que président de la République. Votre commentaire.
Peu importe où je me trouve, à la maison avec les enfants ou en tant que ministre, je réussis toujours. Lorsque j’étais officier aux FSI, j’ai accompli ma mission avec succès et exemplarité. Mais je n’ai à aucun moment pensé accéder au poste de ministre. Je remercie celui qui m’a nommé à l’Intérieur que ce soit le général Michel Aoun ou le président de la République, bien sûr. La réussite est l’objectif que je souhaite atteindre où que je sois parce que je n’ai aucun intérêt politique, confessionnel ou personnel. Ces trois éléments ne signifient rien pour moi. Ce qui m’importe c’est le pays, les citoyens, et assurer l’avenir de mes enfants, des vôtres et de tout le monde. Propos recueillis pas Saad Elias