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Mouna Béchara

D’un 14 septembre à un autre

Malgré les problèmes que connaissent les Libanais, dont le quotidien est ponctué de grèves annoncées, de manifestations, de rapts à caractère politique ou crapuleux, de crimes et d’assassinats et de toutes sortes de difficultés quotidiennes, l’espoir est permis en ce 14 septembre 2012, trente ans après le rêve que les ennemis du Liban ont voulu en vain écraser, le 14 septembre 1982.  La visite qu’entame aujourd’hui Sa Sainteté le pape Benoît XVI, après celle de son prédécesseur Jean-Paul II en mai 1997, apporte du baume au cœur des Libanais et revêt une importance majeure non seulement pour les catholiques adhérant à l’Eglise mais pour toutes les communautés qui y voient un message de paix et de réconciliation. Du moins tels sont les vœux d’une population meurtrie depuis des années, et qui, bien qu’échaudée, regarde l’avenir avec un optimisme toutefois encore timide. «Bachir ne mourra pas», scandaient les partisans du président assassiné. De fait, en vingt-et-un jours de mandat, il avait réussi à redonner un sens à l’Etat et à imposer son autorité aux plus réfractaires de ses serviteurs. Sa fermeté et son obstination, auxquelles les Libanais n’étaient plus habitués après quinze années de guerre, sont restées dans toutes les mémoires. Mais aussi, hélas, dans celles des assassins qui, durant des décennies, n’ont pas renoncé à leur maléfique volonté de combattre tout ce qui pouvait raviver le rêve fou de tout un peuple. Les divisions sanglantes des Libanais alimentées de l’extérieur, l’allégeance à l’étranger proche ou éloigné, l’exode de toute une génération de jeunes et l’absence d’un Etat ont vidé le pays de ses forces vives. L’élection d’un autre président dont la mission première était de rassembler les Libanais toutes confessions et toutes appartenances confondues avait fait renaître, en 1989, l’espoir qui, une fois de plus, a été étouffé dans l’œuf. A peine élu, René Moawad, l’homme du Nord connu pour sa tolérance et sa modération, dérangeait. Il fallait donc l’éliminer et quelle occasion plus symbolique que la célébration du 22 novembre 1989, quarante-sixième anniversaire de l’Indépendance du Liban, pour l’assassiner? Ce fut un retour imposé à la tutelle qui a pesé lourdement jusqu’au tristement célèbre 14 février 2005 marqué d’une pierre noire: l’assassinat du président Rafic Hariri. Ce fut alors le réveil brutal d’une foule, venue de tous les coins du pays, un 14 mars de la même année se retrouver sur cette place mythique des Martyrs, pour organiser spontanément leur révolution pacifique dite «du Cèdre». La liberté, dont le Liban se faisait le chantre, avait alors été très cher payée. Mais, les Libanais qui, de génération en génération, combattent depuis des siècles l’emprise des oppresseurs et gagnent les batailles contre eux, ne pouvaient se laisser abattre malgré une situation précaire et en dépit des problèmes qui nourrissent leur quotidien. Un pays qui a offert au monde autant de compétences, d’intelligence et de richesse ne peut être abandonné des siens. Ceux-ci n’ignorent pas que, pour empêcher toute mainmise, il leur faut résister aux agressions, se prémunir contre la contagion de la dictature et demeurer prêts à lutter pour sauvegarder leur indépendance. Aujourd’hui, toutefois, la situation semble prendre un nouveau tournant. Le président de la République, Michel Sleiman, a pris en main les rênes du pouvoir pour dissocier le pays de la crise qui secoue la Syrie et imposer l’autorité de l’Etat dans toutes ses ramifications sécuritaires et politiques. Il est appuyé en cela par un chef de gouvernement qui, malgré sa relative dépendance à l’égard de ceux qui l’ont placé à ce poste, a eu le courage de ses positions. Ainsi les Libanais retrouvent leur confiance dans leur pays, dans l’autonomie de sa justice, dans son armée et dans ses services de sécurité qui, de jour en jour, prouvent leur vigilance et leur indépendance.  Les Libanais respirent à nouveau et se tournent désormais vers un avenir meilleur.

Mouna Béchara

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