Dans le village grec-catholique de Qaa, au nord de la Békaa, situé à la frontière avec la Syrie, les habitants se voient dépossédés de leurs terres. Prise dans l’étau du conflit syrien et de la majorité chiite, la municipalité a fait appel à l’Eglise pour mettre un terme à ces expropriations.
Entre les plaines arides et les pentes rocailleuses de la région, la frontière entre le Liban et la Syrie n’a jamais été formellement dessinée. Mais les habitants du village de Qaa la connaissent. Ils exhibent des titres de propriété, remontant à des décennies, sur des terres où patrouillent depuis des lustres les gardes-frontières syriens. Des terres qui leur sont interdites aujourd’hui. Depuis le début du conflit en Syrie, le village libanais sert d’abri provisoire aux familles qui ont fui les combats. Des rebelles de l’ASL pourraient bien s’y cacher. Toutes les semaines, des blindés de l’armée régulière effectuent des incursions et tirent en direction du village. Les contreforts de Qaa servent de point de passage pour toute sorte de contrebande. Pris au piège, les habitants se sentent impuissants. Ils voient leurs terrains expropriés à cause des documents administratifs non homologués par les autorités. Conséquence, Syriens et chiites se sont engouffrés dans la brèche et prennent de facto possession de terres qui ne leur appartiennent pas. Les appels au secours de la municipalité aux autorités libanaises sont restés lettre morte. Aujourd’hui, elle se tourne vers l’Eglise maronite pour enrayer un exil qui ne dit pas son nom.
Jeudi 4 octobre, le comité d’urgence de la vente de terrains par des chrétiens, affilié à la Ligue maronite, a tenu une conférence de presse dans les locaux du Centre catholique d’information, à Jal el-Dib, au cours de laquelle il a évalué l’ampleur du phénomène. Etaient présents le directeur du centre, le père Abdo Abou Kassem, l’un des membres du comité d’urgence Talal Doueihy, le conseiller municipal de Qaa, l’avocat Bachir Matar et le porte-parole des propriétaires fonciers du village, l’ancien maire Nicolas Matar. Prenant la parole, Abou Kassem a expliqué qu’il était «de la responsabilité de l’Etat d’agir et de prendre ce dossier à bras-le-corps. Il se doit d’offrir aux habitants de Qaa les services élémentaires qu’il offre à tout autre citoyen libanais. Le changement démographique en train de s’opérer n’est dans l’intérêt d’aucun Libanais».
Nicolas Matar en appelle au ministère des Travaux publics et à la Direction générale de l’urbanisme. «Nous demandons au gouvernement de régulariser notre situation. Nous n’en pouvons plus. Cela fait 60 ans que nous frappons à leurs portes. Le travail cadastral et cartographique doit être effectué».
Bachir Matar prend appui sur les alinéas I et J du préambule de la Constitution. «Il n’est point de discrimination entre la population fondée sur une quelconque allégeance, ni de division, de partition ou d’implantation. Aucune légitimité n’est reconnue à un quelconque pouvoir qui contredise le pacte de vie commune». Sur les 182 millions de mètres carrés des terrains de Qaa, 80 millions ont été saisis. A titre de comparaison, la ville de Beyrouth s’étend sur 18 millions de mètres carrés.
Le conseiller municipal accuse même certains habitants de faciliter la prise de contrôle, par certains Syriens et des Libanais d’autres communautés, de terrains pour des raisons financières. De plus, il met en cause les autorités qui, «lorsque les contrevenants fonciers sont arrêtés, ils peuvent être libérés après avoir payé une caution de 100000 LL. Sept immeubles sortent de terre et quatre puits ont été creusés, tous de manière illégale, à quelques mètres du poste-frontière de l’armée syrienne».
Après le dossier de Lassa, dans la montagne de Jbeil, la Ligue maronite se trouve face à un autre dossier sensible.
J. A-R.
Les chrétiens vendent aux musulmans
Les derniers travaux de La Ligue maronite montrent que la vente par les chrétiens de leurs terrains aux musulmans agite toutes les régions. A Naqoura, ce sont 4,6 millions de mètres carrés que les chrétiens ont vendus aux musulmans. Dans le Chouf, les propriétaires chrétiens ont vendu aux chiites, aux druzes et aux sunnites plus de 4 millions de mètres carrés de terrain. Dans le Kesrouan, le chiffre s’élève à 3,6 millions de mètres carrés. A Minieh-Denniyeh, ce sont 3,1 millions de mètres carrés qui ont changé de main. A Nabatiyeh, 2,8 millions de mètres carrés appartenant à des chrétiens ont été vendus à des musulmans.