Magazine Le Mensuel

Nº 2867 du vendredi 19 octobre 2012

à la Une

Trois records battus. L’incroyable chute libre de Baumgartner

Felix Baumgartner a réussi l’exploit. Le fou volant autrichien, qui se dit lui-même «né pour voler», a sauté depuis la stratosphère à près de 39000 mètres du sol, franchissant également le mur du son. Retour sur cette aventure incroyable.

Il l’a fait! L’Autrichien Felix Baumgartner a battu le record du monde de saut en chute libre, à près de 39000 mètres d’altitude. Le parachutiste est également entré dans les livres d’Histoire pour avoir été le premier homme à avoir franchi le mur du son, sans être dans un aéronef.
Après plusieurs reports dus à une météo et des vents défavorables, c’est finalement dimanche soir que Felix Baumgartner a pu effectuer ce saut incroyable, depuis le Nouveau-Mexique, à Roswell. Avant l’exploit, lors de sa préparation, l’homme volant disait adorer «les challenges» et vouloir «tenter de devenir le premier être humain à dépasser la vitesse du son en chute libre».
Il est 15h30 GMT, ce dimanche, quand le parachutiste autrichien débute son ascension de 2h30 vers la stratosphère, installé à bord d’une capsule, elle-même hissée par un ballon d’hélium. Grand comme un immeuble de 55 étages, le ballon a été préparé pendant huit heures par une équipe de quinze personnes.
Très concentré, Baumgartner ne laisse entrevoir aucun signe de nervosité. Seul hic durant la montée, un problème de chauffage à l’intérieur de la capsule, qui provoque de la buée sur sa visière. Baumgartner n’en demeure pas imperturbable. Parvenu à plus de 39000 mètres d’altitude – soit la deuxième couche de l’atmosphère terrestre – il égrène ensuite une longue check-list, en liaison avec la base au sol. «Je sais que le monde entier est en train de regarder et j’aimerais que vous voyiez ce que je vois… Parfois, il faut monter très haut pour comprendre à quel point on est petit», confie-t-il, juché dans sa capsule.
Puis il s’élance. En dessous de lui, le vide, puis la planète Terre.
La chute est vertigineuse. Felix Baumgartner garde le cap, la tête la première, et atteint sa vitesse maximale assez rapidement, après quelques dizaines de secondes. Selon Sarah Anderson, la porte-parole de Red Bull – qui a financé l’aventure, il a atteint une vitesse maximale de 1341,9 km/heure, une première. Soit 1,24 fois la vitesse du son. Après quelques dizaines de secondes, Baumgartner franchit le mur du son, puis ouvre son parachute après un total de 4 minutes 19 secondes de chute libre. En professionnel du parachutisme et de la chute libre qu’il est, il atterrit tranquillement dans le désert du Nouveau-Mexique, debout sur ses deux jambes et le sourire aux lèvres. Sans une égratignure.
L’exploit est incroyable. D’ailleurs, il a été suivi par des millions de personnes dans le monde entier.
Au-delà du défi en lui-même qui a sans doute fait frissonner tous les téléspectateurs et internautes devant leurs écrans, ce sont aussi plusieurs records qui ont été battus.
Lors de sa descente exceptionnelle, Baumgartner a en effet battu le record de la plus haute altitude atteinte par un homme en ballon, ainsi que le record du plus haut saut en chute libre. Celui-ci était jusque-là détenu par Joe Kittinger, un ancien colonel de l’armée de l’air américaine, qui avait sauté de 31 333 mètres en 1960. Un autre fou volant, membre de l’équipe Red Bull Stratos, qui avait murmuré à l’oreille de Baumgartner, avant le saut: «Laisse ton ange gardien prendre soin de toi».
Revenu sur Terre, c’est un Felix Baumgartner souriant, mais très ému, qui a confié ses impressions aux journalistes qui l’attendaient à la base de Roswell. «Quand on se tient là au sommet du monde, on devient si humble… La seule chose que l’on souhaite, c’est de revenir en vie». Revenant sur son saut dans le vide, le parachutiste explique que «la sortie a été parfaite, mais ensuite j’ai commencé à être très secoué». «Je me disais que j’allais réussir à contrôler la chute, mais quand j’ai pris de la vitesse, c’est devenu vraiment violent et pendant quelques secondes j’ai cru que j’allais perdre conscience. Heureusement, j’ai réussi à stopper ça. Ça a été très difficile, beaucoup plus difficile que nous ne le pensions», raconte-t-il avec émotion. En revanche, Baumgartner affirme qu’il ne s’est pas rendu compte qu’il passait le mur du son. « Je n’ai pas senti le bang supersonique. Je crois que ça se produit derrière vous ».

Pour la recherche aéronautique
Plus de cinq ans de travail et d’intenses préparations auront été nécessaires à Felix Baumgartner et l’équipe de Red Bull Stratos pour parvenir à un tel exploit. Très dangereux, le saut aurait pu coûter la vie à l’aventurier des airs. Parmi les risques encourus, celui de perdre le contrôle et de se mettre à tourner sur lui-même, entraînant une perte de connaissance peut-être fatale. L’équipe de scientifiques a également dû concevoir une combinaison pressurisée assez solide pour résister à l’ensemble de la chute.
Au préalable, Baumgartner avait réalisé avec succès deux sauts à haute altitude, l’un à 21800 mètres et le second  29600 mètres. Chaque geste avait ainsi pu être répété jusqu’à devenir parfait, diminuant la dimension de risque.
Bien évidemment, derrière l’exploit humain réalisé ce dimanche, d’autres objectifs étaient recherchés. La mission Red Bull Stratos, qui a impliqué une centaine de personnes, espère en effet contribuer à la recherche médicale en matière aéronautique, pour les astronautes ainsi que les futurs touristes de l’espace. «J’adore les challenges et tenter de devenir le premier être humain à dépasser la vitesse du son en chute libre est un défi vraiment unique. Mais en termes de motivation, ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Red Bull Stratos nous offre l’opportunité de recueillir des informations qui pourraient contribuer au développement de mesures de survie pour les astronautes, les pilotes et, pourquoi pas, les touristes de l’espace de demain. Prouver que l’homme est capable de dépasser la vitesse du son dans la stratosphère et de revenir sur Terre serait une étape vers la création de procédures de sauvetage dans l’espace proche qui n’existent pas pour le moment», a expliqué ainsi Baumgartner.
Les données médicales et scientifiques recueillies au cours de ce saut feront sans aucun doute progresser l’univers de l’aéronautique. En attendant d’en savoir plus dans ce domaine, Felix Baumgartner peut déjà se féliciter d’une chose. Celui d’avoir fait rêver des millions de personnes, en devenant le premier homme supersonique, 65 ans jour pour jour après que le pilote américain Chuck Yeager ait franchi pour la première fois, le mur du son… en avion.

Jenny Saleh

Fou volant, mais pas kamikaze
43 ans et du sang-froid à en revendre. Et une inscription tatouée sur son avant-bras qui en dit long: «Born to fly». Né pour voler. Avec ce saut vertigineux, Felix Baumgartner l’a prouvé, tout en devenant le héros de toute une génération.
Né en 1969 à Salzbourg, en Autriche, Baumgartner réalise son premier saut en parachute à 16 ans. Engagé dans l’armée de son pays, il devient un excellent parachutiste au sein des forces spéciales. Dès 1986, sa carrière s’oriente vers le base-jump, une discipline qui consiste à réaliser des sauts depuis une plateforme installée sur un pont, un gratte-ciel ou un monument.
Parmi ses précédents exploits, on trouve par exemple, son saut depuis le Christ Rédempteur, à Rio. En 2003, il parvient à traverser la Manche, reliant les villes de Douvres et de Calais, au seul moyen d’une aile de carbone sur le dos.
En 2004, il saute du viaduc de Millau (France), haut de 343 mètres, avant de s’élancer, en 2007, de la tour Taipei 101 à Taïwan, haute de 508 mètres.
Pour autant, l’homme n’est pas un kamikaze. Il confiait d’ailleurs, récemment: «Je ne suis pas un drogué de l’adrénaline ni un amateur de sensations fortes. J’aime que tout soit planifié».

 


 

Lebanon Waterski festival
Le Liban fête son littoral

C’est par un après-midi ensoleillé, dimanche 14 octobre, qu’une foule de badauds assistait ravie aux dernières fulgurances du Lebanon Waterski Festival (LWF). A Tyr, Beyrouth, Dbayé, Jounié ou Batroun, pendant presque trois semaines, ils ont pu apprécier le talent du gratin mondial du ski nautique.  Plongée et concours de photos sous-marines, régates, ski nautique dans toutes ses variantes et jetski, il y en avait pour tous les goûts, ceux des non-initiés aux plus fins connaisseurs.


Par cette manifestation, les initiateurs du projet, Simon Khoury et sa fille Annette ont souhaité faire l’éloge du littoral libanais. Ainsi parmi les objectifs figurait pendant toute la durée du festival, la sensibilisation du public mais aussi des participants au caractère crucial de la protection écologique. «Après avoir vu les merveilles sous-marines de Tyr, je pense que plus personne n’osera jeter quoi que ce soit en pleine mer», se réjouit Annette  Khoury.  Des  plateformes de communication solides ont pu être bâties entre des ONG; des liens forts avec l’Union pour la Méditerranée et la Commission européenne ont été tissés.   
Ces journées ont aussi été une façon originale de promouvoir l’unité libanaise par la mer. En célébrant du Nord au Sud, la richesse extraordinaire de la côte et des fonds marins et leur diversité, c’est la grandeur du Liban tout entier qui est proclamée. Les Libanais, qu’ils soient passionnés ou simplement curieux, étaient tous invités. Pour leur plus grand bonheur, les organisateurs avaient largement facilité leur venue et leur accès évidemment gratuit à des spots privilégiés. Samedi après-midi à Dbayé, la bay road avait été fermée pour leur permettre de déambuler le long de la côte et d’observer  les exploits des athlètes en toute décontraction.  
Enfin le LWF a permis d’élever le Liban au rang de destination internationale pour les sports aquatiques. Des stars de renommée internationale avaient répondu à l’appel du sextuple champion du monde de  ski nautique libanais Simon Khoury. Beyrouth est presque devenu «The place to be». Un tel festival a largement nourri les différentes fédérations des sports concernés et a permis de soutenir activement leur développement. Peut-être a-t-il aussi suscité quelques vocations parmi les nombreux jeunes venus sur les côtes pour admirer le spectacle, qui sait?

 
Simon Khoury et sa fille, des VRP en or.
Simon Khoury est né au Liban, le 5 juillet 1931. Son père était chirurgien, propriétaire et directeur de l’Hôpital Khoury Saadé, rue de Damas. Sa mère a été la première femme à entrer au Parlement. Ensemble, les parents de Simon ont consacré une grande partie de leur temps à venir en aide aux plus démunis, ils ont en particulier ouvert plusieurs cliniques gratuites dans les montagnes. Leur fils a probablement hérité de leur générosité sans bornes. Côté sport, Simon débute le ski alpin à l’âge de 15 ans. Deux ans plus tard, pour progresser, il s’initie l’été au ski nautique. Et si les pentes blanches le mèneront jusqu’aux championnats du monde, c’est sur l’eau que Simon Khoury s’illustrera désormais. Il participe chez lui à ses premiers championnats en 1952. Entre 1953 et 1963, il participe consécutivement à 6 championnats du monde, ce qui reste encore aujourd’hui une référence absolue. Il obtient même pour le Liban qu’il représente fièrement, 4 médailles d’argent et une de bronze. Une référence à l’échelle mondiale, qui lui vaudra d’être reconnu au Hall of fame en 1996. En plus de ses talents sportifs, Simon Khoury est fortement apprécié pour l’énergie qu’il consacre à l’entraînement des jeunes et au développement de sa discipline. Il a déjà organisé 33 festivals internationaux et 3 championnats européens. Il a également  beaucoup fait pour son sport auprès des handicapés.
Sa fille Annette a conservé la fibre sportive de son père. Après avoir débuté sa carrière professionnelle dans une agence publicitaire aux Etats-Unis, elle s’est spécialisée dans le marketing du sport. Parmi les faits marquants de sa carrière, on peut citer son recrutement chez Eurosport en tant que directrice de communication et de stratégie marketing en 2003. L’année suivante, elle est appelée par la Commission européenne pour piloter EYES, un projet pour développer l’intégration sociale par le sport sur le Vieux Continent. Preuve s’il en est de la renommée de son expertise. Avec son père, Annette Khoury forme un duo aussi complémentaire que complice. Le Liban ne pouvait rêver de meilleurs ambassadeurs pour son festival.

A.W.

 

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