Eurobonds
La prochaine émission serait plus coûteuse
Les marchés financiers ont réagi positivement à l’émission de bons du Trésor pour une durée de huit ans à un taux d’intérêt de 7,8%. Les souscriptions à ces titres se sont élevées à près de 1915 milliards de livres, ce qui représente un signe d’appétit de la part des investisseurs. Cet appétit s’explique, en ce qui concerne les banques libanaises, par le fait qu’elles détiennent pour la plupart d’anciens bons du Trésor sur dix ans à un taux d’intérêt variant entre 10,5% et 11% et qui viendraient progressivement à échéance à moyen et court termes. La BDL avait, rappelle-t-on, clôturé le 20 septembre dernier une émission de l’ordre de 1151 milliards de livres sur dix ans à un taux d’intérêt de 8,25%. Cet engouement pour les bons du Trésor en livres s’est manifesté malgré une tension croissante en Syrie, mais bien avant l’attentat d’Achrafié qui a secoué la stabilité intérieure.
La dégradation inattendue de la situation sécuritaire devrait sans nul doute se répercuter sur les prochaines souscriptions aux eurobonds. Le ministère des Finances a recueilli les offres des banques libanaises et étrangères concernant la gestion des eurobonds pour le compte du Trésor pour le montant de 2,7 milliards de dollars. Ce montant devrait permettre le financement d’une part, d’anciennes obligations en devises étrangères venant à échéance en 2013 d’une valeur de 1,5 milliard de dollars, et d’autre part, la constitution de réserves pour subvenir aux besoins à venir de l’Etat. Le ministère des Finances avait eu recours en mars dernier aux marchés internationaux pour emprunter en dollar, émettant des eurobonds pour le montant de 600 millions de dollars venant à maturité en 2017 à un taux d’intérêt de 5%. A présent, les données macroéconomiques ont changé et «la peur d’une contagion» de la crise syrienne n’est plus un simple scénario hypothétique. La notation souveraine du Liban devrait incessamment en souffrir et, par conséquent, la capacité du pays à lever des fonds sur les marchés internationaux de capitaux à des taux d’intérêt raisonnables.
La question qui se pose avec acuité depuis l’attentat du 19 octobre 2012 porte sur la possibilité de la Banque centrale de poursuivre dans sa politique de gestion de l’endettement public. Dans les faits, la BDL agissait à ce niveau comme si le Liban était dans une situation normale. Sur un plan financier, les échéances des titres souverains sont plus courtes au cours des crises et elles sont d’autant plus de longue durée que la situation du pays est considéré comme stable. Or la BDL a agi jusqu’à présent comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes au Pays du Cèdre. Et de surcroît, les investisseurs réagissaient positivement à sa politique. La Banque centrale a commencé à gérer des émissions de bons du Trésor à long terme à partir de 2007. Le 25 novembre 2007, la plus haute autorité monétaire avait émis des titres souverains en livre d’un montant de 13283 milliards de livres sur cinq ans à un taux d’intérêt de 6,745%. Le 24 mars 2011, elle a émis des bons du Trésor de l’ordre de 6385 milliards de livres sur une durée de sept ans et à un taux d’intérêt de 7,6%. Le 20 septembre 2012, le montant de l’émission s’était élevé à 1151 milliards de livres sur dix ans, à un taux d’intérêt de 8,24%.
Banques libanaises à l’étranger
Il n’y a pas encore le feu à la maison
La prudence est de mise concernant la stratégie opérationnelle des banques sur les marchés arabes, d’autant que la nouvelle donne géopolitique de la région prendrait encore quelque temps avant de se décanter. La commission de contrôle relevant de la Banque du Liban poursuit son travail en effectuant «des tests de résilience» de ces banques sur base d’accords bilatéraux conclus entre la BDL et les Banques centrales des pays où sont installés des établissements de crédits libanais. Pour ce qui est des résultats des trois premières banques au Liban portant sur le 1e semestre 2012, qui opèrent sur des marchés en proie à des troubles sécuritaires, ils ont affiché des profits d’un montant de 476 millions de dollars, sachant que les avoirs de ces banques représentent 47,4% du total des actifs du secteur bancaire libanais. Les bénéfices de Bank Audi ont progressé de 5,6%, ceux de Blom Bank de 1,04%, alors que les profits de Byblos Bank ont reculé de 0,08%. Ces résultats ont été enregistrés en dépit du fait que les trois banques ont engrangé des provisions de l’ordre de 145 millions de dollars pour couvrir toutes les créances douteuses. La plupart de ces probables cas de défaut de paiement proviendraient principalement du marché syrien. Donc malgré la conjoncture régionale pessimiste, les profits sont quasiment stables sur la même période de l’année dernière, sachant que la majeure partie des bénéfices des banques ayant une expansion transfrontalière proviennent du marché domestique et non de leurs opérations sur les marchés extérieurs.
Dans le même contexte, Deutsche Bank a souligné les liens étroits de Bank Audi et Blom Bank sur le marché local, mettant l’accent sur le fait que leurs opérations bancaires au Liban contribuent entre 70% et 80% à leurs profits et à leurs actifs. La banque allemande a ajouté que l’exposition des banques mentionnées au marché syrien est de 3% pour Bank Audi et de 4% pour BlomInvest. La source a par ailleurs mis l’accent sur le fait que ces établissements sont en mesure d’absorber une annulation de la totalité de leurs fonds investis dans leurs opérations bancaires en Syrie, sans toutefois que le seuil de leurs fonds propres légalement requis par les autorités du pays ne soit affecté à la baisse. Toutefois, dans son rapport, l’Association des banques au Liban (ABL) s’est inscrite en faux contre cette approche. Elle a considéré que «les risques du marché syrien sont suffisamment élevés et que ces risques sont devenus un élément gênant pour les banquiers libanais». D’après l’ABL, les crédits consentis au marché syrien sont de l’ordre de 5 milliards de dollars, dont la moitié a été accordée par des banques opérant au Liban et l’autre moitié par des banques syriennes au sein desquelles des banques libanaises ont des participations importantes. Ce qui signifie que les risques ont une seule origine dans la mesure où les deux catégories de crédits seront inscrites aux bilans des banques libanaises.
En revanche, une source de la Banque du Liban n’a pas exprimé de crainte quant à la situation des banques libanaises opérant en Syrie, affirmant que celles-ci ont déjà pris des provisions en contrepartie des créances douteuses de l’ordre de 100%.
En ce qui concerne la nouvelle législation financière en Egypte qui encourage l’expansion du métier de la banque islamique, le responsable de la BDL a considéré que les banques libanaises installées sur ce marché ont engrangé jusqu’à présent suffisamment de gains et pourraient au cas où elles ne se sentiraient plus à l’aise au niveau de leurs opérations vendre leurs actions sans aucun problème. Enfin, pour ce qui est du marché turc, celui-ci est prometteur et très profond, une guerre contre la Syrie se limiterait aux frontières, a conclu la source.
LILIANE MOKBEL