Au Liban, François Hollande est venu réaffirmer la volonté des puissances étrangères de protéger le Liban de la crise syrienne et de l’instabilité politique. Mais l’opposition et ses soutiens continuent de s’arracher le leader du PSP, Walid Joumblatt. La majorité a donc demandé à Nabih Berry d’intervenir.
Au soutien traditionnel de la France à la liberté, la souveraineté et l’indépendance du Liban, s’ajoutent désormais, à la lumière des événements en Syrie, les appels à la stabilité, l’unité, l’intégrité, la sécurité et au dialogue. Déclarations de principe à l’épreuve des faits. La visite au Liban du chef de l’Etat français intervient après celles de plusieurs délégations européennes. Leur message aura été clairement martelé: la France et l’Europe approuvent les grandes lignes de la politique de distanciation dessinées par Michel Sleiman. Soucieuse de la fragilité de l’équilibre du pays, Paris souhaite que le Liban ne soit pas l’otage de la lutte régionale qui oppose l’Arabie saoudite à l’Iran. C’est dans ce cadre que Hollande s’est rendu à Riyad. C’est d’ailleurs là que le dossier syrien a été ouvert, non pas à Beyrouth. La diplomatie française distingue la question syrienne qui se joue sur un plan régional des affaires internes de la vie politique du Liban. Forte de ces garanties, la majorité a, cette semaine, déployé son doux arsenal.
L’implosion écartée
Si la France tient à ne pas s’ingérer, les faucons de la majorité se sont délectés des assurances européennes qui ont crédibilisé leur présence au pouvoir. Les sources de la majorité expliquent fièrement que le Vieux Continent a fini par adopter leurs positions. La France a exprimé son soutien à la stabilité, au refus du vide institutionnel et à la politique étrangère du président. Au sortir de cette séquence, le grand gagnant est sans nul doute Michel Sleiman. Le président de la République a su fédérer autour de lui les puissances internationales. Aujourd’hui, elles valident sa politique étrangère et sa gestion des affaires internes. Elles voient en lui une garantie pour le pays. Mais là où le chef de l’Etat a véritablement accru sa cote, c’est surtout auprès des partis politiques qui composent sa coalition gouvernementale. En persuadant Najib Mikati de renoncer à ses intentions de démissionner, le président s’est affirmé comme le véritable ciment de la majorité.
Ses relations privilégiées avec le Premier ministre et le président du Parlement, Nabih Berry, forment un trident extrêmement solide qui a démontré sa volonté de continuer sur la voie qu’ils ont tracée depuis la formation du nouveau gouvernement. Il faut ajouter à ce trident un autre fer de lance en la personne de Walid Joumblatt. En le voyant se ranger aux côtés de l’insurrection en Syrie, l’opposition a tenté jusqu’au bout de pousser son avantage en ramenant le leader druze du côté du 14 mars. Le 5 septembre dernier, il s’est rendu à Paris où il a rencontré Saad Hariri. Le leader naturel de l’opposition lui a demandé de quitter le gouvernement afin d’accélérer la chute de Mikati. Le jour de l’assaut du Grand sérail, l’ancien Premier ministre lui aurait même demandé de pousser ses partisans à descendre dans la rue. Deux requêtes que Joumblatt a expressément refusées, provoquant l’ire de Hariri.
Principalement parce que les raisons qui l’avaient poussé à assurer la formation d’un nouveau gouvernement sont toujours présentes. «La priorité est aujourd’hui de préserver la stabilité du Liban et d’empêcher un vide politique, car cela permettrait à la crise syrienne de se transposer au Liban, et risquerait de provoquer une discorde entre sunnites et chiites», expliquait-il il y a deux semaines.
Mais il reste l’objet de toutes les attentions. Lundi soir, il reçoit un appel du sous-secrétaire d’Etat américain, William Burns, qui lui a expressément demandé son aide à la formation d’un nouveau gouvernement qui éviterait un vide politique. A cette requête, Joumblatt donne une double réponse. Il ne s’interdit pas de réfléchir à cette éventualité, tant qu’elle est étudiée à travers les canaux du dialogue ouverts par le président Sleiman et que l’opposition mette fin au boycott des institutions. Un appel au dialogue que le chef de l’Etat ne cesse de promouvoir auprès de ses visiteurs. D’autres expliquent qu’il existe une troisième condition, à savoir la reconduction de Najib Mikati à son poste. L’opposition déploie ses ailes tous azimuts.
Un champ restreint
Lundi, une délégation du bloc parlementaire du Courant du futur, présidée par Fouad Siniora, s’est rendue à Bkerké pour transmettre ses vœux au patriarche Raï, nommé cardinal par le pape Benoît XVI. L’occasion pour les cadres du 14 mars de réitérer leurs positions: non à un dialogue avec la partie adverse dans les circonstances actuelles, oui pour «un gouvernement de salut, neutre et composé de personnes dignes de confiance». Du côté de l’opposition, la lecture des derniers événements est totalement différente. Des observateurs de la mouvance ont noté que lors de sa visite, le président Hollande n’a pas rencontré le Premier ministre Mikati, signe selon eux du non-soutien de la France à la majorité politique actuelle. Une façon de justifier son escalade consentie le 30 octobre dernier à la Maison du centre, résidence de Saad Hariri.
Au sortir de ces assises extraordinaires du 14 mars, auxquelles étaient notamment présents Fouad Siniora, le leader des Forces libanaises Samir Geagea et le chef des Kataëb Amine Gemayel, le boycott de l’opposition est toujours en vigueur et les tentes plantées autour du Grand sérail sont toujours présentes. Force est de constater que la mobilisation populaire ne prend pas. Mais l’opposition pense avoir un autre atout dans sa manche. En réclamant que soit déposée au Conseil de sécurité une demande d’extension de la mission de la Finul et une plainte «au sujet du complot Samaha-Mamlouk», le 14 mars joue la carte de l’international. Une façon de maintenir une certaine pression qui éclaircit donc la position de toutes les parties.
Déterminé à mener jusqu’au bout ses efforts pour une séance nationale de dialogue, le président du Parlement, en guise de signe de bonne volonté, a décidé de reporter sine die la séance plénière de la Chambre du 7 novembre. Une initiative saluée notamment par Amine Gemayel qui y voit «une démarche positive» et surtout par Walid Joumblatt.
Dans la situation du moment, ce sont eux qui détiennent la clé du problème. Compte tenu des conditions du leader druze et des convictions du président de la République, la suite des événements dépendra de la capacité du quatuor Sleiman-Mikati-Berry-Joumblatt à organiser le dialogue national. L’équation est simple. L’opposition n’obtiendra pas de Walid Joumblatt la chute du gouvernement tant qu’elle refusera de participer à une séance de dialogue nationale. Pour atteindre ses objectifs, le 14 mars devra alors miser sur la colère de la rue, une escalade qui entrerait en contradiction avec les recommandations internationales.
Julien Abi-Ramia
Aoun au Canada
En fin de semaine dernière, le leader du CPL, accompagné du ministre de l’Energie Gebran Bassil, a conclu sa visite au Canada, qui aura duré près d’une semaine. Sa dernière visite remontait à neuf ans.
Première étape, un dîner de gala organisé à Toronto par la diaspora de la région d’Ontario. Dans son discours, il en appelle aux électeurs et s’en est pris aux tergiversations sur la loi électorale. «Ceux qui ont profité des lois électorales fabriquées sur mesure pour s’approprier une majorité artificielle sont encore là pour refuser une nouvelle loi, vraiment représentative du peuple».
Après avoir participé à un congrès de la section Amérique du Nord du parti, Michel Aoun s’est ensuite rendu à Montréal, où était organisé un dîner auquel ont participé plus d’un millier de convives et au cours duquel il a assuré que Bachar el-Assad ne tomberait pas. Il a également assisté à plusieurs cérémonies religieuses en les cathédrales Saint-Maron et Mkhalles de la ville.