On pourrait croire que les Américains sont tous des fondamentalistes! Ce n’est évidemment pas le cas. On estime le nombre des évangélistes autour de 90 millions, parmi eux, entre dix-huit et vingt millions se rattachent à la théologie du «sionisme chrétien». Alors comment se fait-il que vingt millions d’Américains puissent avoir tant d’influence sur la politique américaine?
-L’influence des «sionistes chrétiens» se fait sentir surtout en matière de politique étrangère du Moyen-Orient et en ce qui se rapporte à Israël.
-Les «sionistes chrétiens» bénéficient de la sympathie des évangélistes du «Bible Belt». Ils les mobilisent, lors des élections, comme ce fut le cas pour Reagan ou Bush, etc. Leur nombre (6,5% de la population) est déterminant car ils font pencher la balance.
-Ils ont une capacité à placer des hommes influents de leur courant à des postes décisionnels. Le pasteur Robertson, proche de Reagan, assistait à la Maison-Blanche à toutes les réunions qui touchaient au M-O. On peut en citer d’autres: Dan Rumsfeld, Dick Cheney, G.W. Bush, Mike Ashcroft etc…
-L’évolution des moyens matériels dont disposent les évangélistes conservateurs, nous donne un indicateur de leur réussite. La totalité des budgets des organisations qui se réclament de leur mouvance était estimée (en 2004) à 22 milliards de dollars.
-Ils bénéficient d’une incroyable force de frappe médiatique: P. Robertson, avec la Christian Broadcasting Network CBN, touche 16 millions de familles; Swaggart de Baton Rouge, Louisiane, 9,25 millions etc…
A ceci, il faut ajouter plus de 80 mille pasteurs qui, à travers 400 stations de radio, prêchent leurs messages quotidiennement.
-Le «sionisme chrétien» dispose de plus de 250 organisations actives dans les domaines culturels, religieux, financiers, politiques, diplomatiques. The American Christian Trust for Israel, la seule banque américaine ayant une branche en Israël, finance l’achat des terres arabes, assure le financement des colonies juives, l’immigration des juifs vers Israël; The National Christian Leadership Conference for Israel, dont la devise est: «Pour être chrétien tu dois être juif»; The National Christian Congress, sa mission est de s’opposer à toute vente d’armes à un pays arabe ou musulman etc…
Il n’échappe à personne que le mot «Christian» est présent dans toutes ces appellations, ce qui porte le public musulman en général à prendre les actions de ces organisations comme étant celles de tous les chrétiens. L’amalgame est dangereux car il est instrumentalisé contre les chrétiens au Moyen-Orient.
D’autre part, il faut relever que le «sionisme chrétien» considère que «la seule loi applicable aux juifs était, est et sera la loi divine». Ceci met Israël au-dessus des lois et des règlements internationaux. Pas étonnant alors de voir toutes les résolutions des Nations unies concernant Israël rester lettre morte avec l’aval des Etats-Unis.
Le «sionisme chrétien» regroupe une minorité parmi les évangélistes (près de 20 millions) des Etats-Unis. Le «National Council of the Churches of Christ» qui rassemble 34 confessions compte plus de 40 millions d’adeptes, refuse les interprétations littéralistes des Ecritures et toute idéologie fondamentaliste; d’autres s’y opposent aussi: Les baptistes (21,2 millions), les méthodistes (7,8 millions), les presbytériens (2,8 millions), les épiscopaliens, la United Church of Christ, etc.
Plus proche de nous, la Déclaration de Jérusalem signée le 22 août 2006, par Mgr Michel Sabbah (latin), Mgr Swerios Malki Mourad (orthodoxe), Mgr Riah Abu-Elassi (épiscopal), Mgr Munib Younan (évangélique luthérien), dit: «Nous rejetons catégoriquement les doctrines chrétiennes sionistes comme de faux enseignements qui corrompent le message biblique de paix, de justice et de réconciliation».
Les travaux du Synode pour les Eglises du Moyen-Orient en octobre 2010, ont souligné les préoccupations du synode vis-à-vis de l’amalgame entre chrétien et «sionisme chrétien» au M-O. Quant aux Eglises orthodoxes, elles s’opposent à leurs doctrines qu’elles considèrent comme des affabulations.
Les positions de l’Eglise catholique étaient et sont on ne peut plus claires dans leur refus du «sionisme chrétien». Le bienheureux Jean-Paul II déclare à son arrivée à Bethléem le 22 mars 2000: «Le Saint- Siège a toujours reconnu que le peuple palestinien a le droit naturel de posséder une patrie et le droit de pouvoir vivre en paix».
Il est évident que les 20 millions de «sionistes chrétiens» n’ont rien en commun, sur le plan théologique, dogmatique et de l’interprétation des Ecritures bibliques, avec les autres 2,2 milliards de chrétiens. Malgré les objectifs finaux qui les opposent, les deux sionismes ont depuis plus d’un siècle une convergence d’intérêts.
Partant des commandements bibliques «Tu ne tueras point, tu ne voleras point…», une question se pose: comment se fait-il qu’Israël, avec l’appui des «sionistes chrétiens», tue le peuple palestinien et vole sa terre, se basant sur une interprétation littérale des Ecritures?
Sami Antoine Khalifé
Ingénieur physique
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