Certes, le geste en lui-même ne peut être perçu que comme une main tendue, un appel à tourner la page de la mésentente et à redémarrer sur des bases saines. C’est ainsi que la visite du secrétaire général du 14 mars à Bickfaya, Farès Souhaid, en début de semaine, a été interprétée. Mais suffira-t-elle à assainir durablement l’ambiance?
Les différends entre le parti Kataëb et le secrétariat général du 14 mars ne sont pas nouveaux. Les Gemayel, père et fils, ont multiplié, en effet, les prises de position contradictoires avec la ligne de conduite choisie par la coalition de l’opposition, depuis près de trois ans. Le parti Kataëb s’est ainsi distingué de ses alliés en ce qui concerne le tiers de blocage au gouvernement, la déclaration ministérielle, l’accord avorté entre la Syrie et l’Arabie saoudite, pour arriver, plus récemment, à des désaccords de fond, sur le dialogue national et sur le mode de fonctionnement du secrétariat général du 14 mars.
Pour unifier les rangs
Il semblait même, lors du dernier passage du jeune député Sami Gemayel à l’émission Kalam el-nas, de la LBC, que la hache de guerre était loin d’être enterrée. L’ancien député Souhaid avait en effet cité nommément le jeune parlementaire en des termes très critiques, quelques fois même, vifs. Le secrétaire général du 14 mars avait affirmé que Sami Gemayel avait une vision «fédérale» du Liban, qui ne cadrait pas avec la vie en commun préconisée par le mouvement de l’opposition. Il avait même jugé, en termes clairs, le comportement de Gemayel comme manquant de modestie. La réponse s’est évidemment faite sur le vif et l’écart paraissait trop creusé pour laisser entrevoir une détente.
Elle est pourtant arrivée il y a quelques jours, à l’occasion de la visite de Souhaid à Bickfaya, où il a été reçu par Sami Gemayel et le secrétaire général du parti Kataëb. Une rencontre longue et fructueuse, si l’on se fie à l’ambiance positive qu’ont voulu afficher les deux hommes. L’idée de base, à travers le rapprochement, est bien entendu d’essayer de dépasser les différends pour unifier les rangs. Car, au final et au-delà des différences de ton et de stratégie, le parti Kataëb et la coalition issue du 14 mars œuvrent dans le même sens: combattre les armes illégales, promouvoir la défense d’un système démocratique, défendre le Tribunal spécial pour le Liban, etc.
L’urgence d’un rapprochement et d’une réinsertion du parti Kataëb au sein du 14 mars, s’est fait ressentir, bien évidemment, au lendemain de l’attentat d’Achrafié et dans la crainte d’un embrasement généralisé.
Mais pas seulement. L’échéance électorale de juin 2013 a certainement joué dans la réconciliation, puisqu’il y va de l’intérêt des deux parties de se rapprocher, pour proposer d’une même voix une seule loi électorale et pour se donner des chances réelles de remporter le scrutin.
Toujours est-il que la démarche de Souhaid et la franche conversation qu’il a eue avec les Gemayel, ne sont pas encore suffisantes pour aplanir toutes les difficultés. Une proposition tangible a été faite par le député Sami Gemayel, pour améliorer le travail au sein du 14 mars. Proposition que Souhaid a promis de soumettre à ses pairs. Va-t-elle être adoptée, ou au moins paver la voie à un assainissement profond et durable de la relation entre les protagonistes? L’avenir prochain le dira.
Joumana Nahas
La proposition des Kataëb
Au cours de la réunion de Farès Souhaid et Sami Gemayel, à laquelle s’est joint plus tard l’ancien président Amine Gemayel, une proposition en bonne et due forme a été remise à l’intention du secrétariat général du 14 mars. Proposition qui s’apparente quelque peu à une sorte de conditionnement d’un éventuel retour des Kataëb au sein de la coalition. Le document remis à Souhaid comprend notamment quatre points, tous d’ordre purement organisationnel. D’abord, il s’agit de créer un cadre spécial pour les députés et les ministres du 14 mars, dans le but de coordonner les stratégies parlementaires et gouvernementales. Ensuite, un second cadre devrait grouper tous les sympathisants du 14 mars qui n’appartiennent à aucun parti et ne sont pas représentés au Parlement ou au gouvernement. Le premier groupe et le second devront être représentés clairement par un nombre restreint de membres, au sein du secrétariat général. Enfin, le document propose la création d’un directoire groupant les chefs de partis et les représentants de la société civile. En somme, il s’agit d’une feuille de route qui mérite d’être étudiée, dans le but de parvenir à une parole plus unifiée du 14 mars.