A l’occasion de la fête de l’Indépendance, l’école des Pères antonins a organisé une conférence sur le thème L’Indépendance de 1943: événement et reflets (Istiqlal 1943: al-hadath wal maraya). Plusieurs intervenants ont parlé de l’indépendance du Liban sous divers aspects. Ils sont tous arrivés à une même conclusion: le pays peut-il réellement célébrer une indépendance qui, de toute évidence, n’est pas encore totalement acquise?
Plusieurs sommités ont exprimé leurs points de vue à l’occasion de cette rencontre. Prenant la parole, le Dr Massoud Daher, professeur en Sciences humaines, développe sa vision de l’indépendance du Liban, revient sur ses vérités historiques et expose ses retombées. Après un survol des différentes étapes qui ont marqué l’histoire et le passé du Liban depuis la proclamation de son indépendance en 1943, Daher en est arrivé aux conclusions suivantes: «Aujourd’hui, plus que jamais, le Liban a un besoin croissant de vivre une expérience démocratique, dans le respect de ce qui le caractérise et fait sa spécificité». «La société civile, insiste-t-il, vit au gré du bon-vouloir des communautés qui sont instables, voire explosives. Son indépendance a besoin d’être protégée et renforcée par la consolidation de l’entité nationale et, surtout, par la vigilance en veillant à empêcher toute «fitna» communautaire ou confessionnelle. «Il s’agit par ailleurs, poursuit-il, de préserver l’unité nationale à l’heure où toute la région et l’ensemble du monde connaissent des changements profonds et rapides».
Ahmad Beydoun, sociologue et auteur éclairé sur le fonctionnement du système confessionnel libanais a, pour sa part, articulé son intervention autour de l’idée suivante Les étapes dans les positions confessionnelles dans le Liban indépendant. Revenant sur le rapport américain du comité «King Krain», publié en 1919, il rappelle que ce dernier a mis l’accent sur deux points qu’il a considéré essentiels: l’absence d’appartenance nationale des pays de «Bilad el-Cham» (ou la Grande Syrie qui comprend la Palestine, la Syrie, la Jordanie et le Liban) et sur les divergences communautaires dans les choix politiques. «C’est ainsi, dit-il, que les sunnites appuyaient le «Nahj de Damas» que les chiites soutenaient également, alors que les druzes, à l’exception d’une minorité, demandaient leur indépendance au Mont-Liban. Quant aux chrétiens, et notamment les maronites, ils réclamaient l’indépendance du Liban et son extension». «Lorsque le Grand Liban a été proclamé, poursuit-il, les divisions internes communautaires atteignaient leur apogée». Il sous-entendait que cela n’avait pas beaucoup changé.
Antoine Bakhos, expert en sciences appliquées notamment dans le domaine de la communication, a évoqué l’histoire de l’indépendance entre l’événement et la ‘‘haditha’’». Il a lancé un appel à toutes les personnes qu’il considère responsables et susceptibles de sauver le pays, ce pays qui jouit selon lui d’une faille au niveau de son indépendance et de ses libertés. «J’appelle les académiciens et les élites intellectuelles, déclare-t-il, à resserrer les rangs et à s’engager dans la vie publique et politique et à ne pas l’abandonner à d’autres. Il a insisté sur le fait que sans liberté on ne peut parler d’indépendance et pour ce faire, comme le dit le philosophe Michel Foucault, à qui il fait référence, «il faut avoir le courage de dire la vérité, toute la vérité». C’est seulement ainsi, selon Antoine Bakhos, d’apporter les changements nécessaires et de réaliser une véritable révolution à tous les niveaux.
Danièle Gergès
Université des Pères antonins
Outre le fait d’assurer un enseignement supérieur pointu, la préoccupation de l’Université UPA est toujours de subvenir à des besoins accrus et accentués de la population des classes moyennes et pauvres, et de contribuer au développement et au progrès de la société libanaise, notamment en organisant congrès, conférences, débats…sur les sujets de l’heure. Elle n’hésite pas à s’engager dans tout événement d’envergure nationale.
Les élections législatives à l’UPA
Décryptage d’un processus complexe
Comment les candidats indépendants arrivent-ils à trouver leur place? Les médias peuvent-ils réellement être objectifs? Qui gère les campagnes publicitaires? Vous voulez connaître l’envers du décor de la vie politique libanaise, rendez-vous à partir de février 2013 à l’Université antonine (UPA) pour un grand projet de décryptage d’une campagne électorale. Les détails avec le Dr Mirna Abi Zeid, doyen de la faculté de Publicité et de Médias.
«Chaque année, nous avons un projet annuel sur lequel travaille toute l’équipe de l’université, des enseignants aux étudiants. C’est un projet au service de la société, pour sensibiliser autour d’une certaine cause ou bien pour faire progresser un certain savoir qui est d’intérêt public», explique le Dr Abi Zeid.
2013 étant une année électorale pour le Liban, l’Université antonine s’est donc attelée à décrypter la campagne électorale. «Comme nous enseignons la communication, nous avons pensé qu’il serait bien d’essayer d’accompagner la campagne électorale et d’apporter un éclairage académique sur celle-ci», dit-elle.
Comme dans tous les pays du monde, il existe ce que l’on appelle la communication électorale traditionnelle, les candidats tentent de rassembler un maximum d’électeurs en faisant du tractage, en partant à la conquête des villes et villages même les plus reculés du pays. Pour Abi Zeid, il faut aller plus loin et faire progresser les techniques de la communication politique. «A partir de 2009, nous avons vu une nouvelle tendance: l’affichage publicitaire est apparu dans les rues libanaises».
Un regard critique
Partant du constat que la communication politique est en pleine mutation, l’équipe de l’Université antonine, en partenariat avec le ministère de l’Information, le Conseil national de l’audiovisuel (Cna) et la société civile (ONG qui s’occupent de la chose électorale), a conçu un projet en deux temps qui a pour objectif de décrypter la nouvelle donne de la communication politique, avec un regard critique.
Mirna Abi Zeid ajoute que la première phase du projet aura lieu du 25 février au 1e mars. «Nous allons réunir les partis politiques et les candidats indépendants, les médias tous types confondus et les agences de publicité. Chacun expliquera sa stratégie de campagne électorale», souligne-t-elle.
Comment est gérée la campagne au sein d’un parti politique? Comment les médias peuvent-ils assurer une couverture objective de tous les acteurs politiques alors qu’ils ont eux-mêmes des affinités avec certains? Comme cela est monnaie courante aux USA, la campagne des législatives de 2009 a vu naître la publicité négative, qui a pour but de conquérir les électeurs en attaquant l’autre, quel rôle les agences publicitaires ont-elles dans l’élaboration et la création des slogans et de la publicité, sont-elles décideurs où bien est-ce le client qui impose sa loi? Les candidats indépendants ont-ils la possibilité de percer la sphère des grands partis politiques familiaux et des médias qui y sont rattachés? Tel est le genre de questions que chacun des partis intervenant dans la campagne se verra poser par l’assemblée qui cette fois sera composée d’étudiants, d’enseignants et de quiconque curieux de décrypter la phase cachée de la vie politique libanaise. Ces rencontres seront l’occasion rêvée pour les jeunes étudiants d’exercer leur point de vue critique en produisant de la matière afin d’appuyer leurs arguments.
La deuxième étape, le côté analytique de la question, se tiendra les 23 et 24 mai sous la forme d’un colloque sur la communication politique, spécifiquement en période électorale. Donc une deuxième phase plus académique et scientifique. Chercheurs, enseignants, étudiants libanais mais aussi de l’extérieur, se rencontreront et débattront sur des thèmes aussi divers et variés, que les médias font-ils les élections? Comment les nouvelles technologies influent-elles sur la vie politique et notamment sur les élections? Facebook et twitter vont-ils devenir les nouveaux portails de communication pour des hommes politiques habitués aux anciennes techniques? D’où les jeunes tirent-ils leurs informations? Les réseaux sociaux influencent-ils le choix des électeurs?
Anne Lobjoie
Un projet d’intérêt public
Le Dr Mirna Abi Zeid précise que ce projet est d’intérêt public car il va permettre de prendre un moment de réflexion et d’analyse sur la campagne électorale et sur la chose politique: comment elle se passe? Comment est-elle agencée? Comment la classe dirigeante est-elle constituée? Quel est le rôle de l’information dans l’éveil du peuple? Les citoyens sont-ils conscients de leur choix ou sont-ils amenés par la vague? «Ce que nous allons tenter de faire, c’est rationaliser la campagne et la vie politique libanaise», déclare-t-elle avec enthousiasme.