Magazine Le Mensuel

Nº 2873 du vendredi 30 novembre 2012

Affaire Déclassée

La guerre de 1975. Les défis des chrétiens

L’histoire des chrétiens du Liban est jalonnée de périodes à grands risques. Durant les années de la guerre de 1975, les chrétiens des régions Est ont été la proie de tous les dangers. En 1985, leurs représentants réunis en Front libanais ont été la cible d’un attentat auquel ils ont miraculeusement échappé.

Le chef suprême des Kataëb, cheikh Pierre Gemayel, succombe à une crise cardiaque, le 29 août 1984. Après l’assassinat du président élu, son fils Bachir Gemayel en 1982, et l’élection d’Amine Gemayel à la tête de l’Etat, les régions est sont le théâtre d’un conflit opposant deux hommes forts des Kataëb et des Forces libanaises: Samir Geagea et Elie Hobeika. Ils imposent tous deux, en mars 1985, leur volonté de contrôler les régions de l’Est, à l’exception du Metn. Deux mois plus tard, en mai 1985, Hobeika est élu à la tête des Forces libanaises. Il suspend leur participation au Front libanais et entame son ralliement à l’option syrienne. Il se réconcilie avec le président Sleiman Frangié, lequel avait coupé les ponts avec les Forces libanaises après la tuerie d’Ehden qui avait coûté la vie à Tony Frangié, son épouse et sa fillette.
En septembre 1985, c’est la réconciliation des Forces libanaises, conduites par Hobeika, avec Damas. Le nouveau chef des FL est reçu, pendant deux heures dans la capitale syrienne, par le vice-président syrien Abdel-Halim Khaddam, auquel il soumet une feuille de route de la politique du Liban, depuis la répartition communautaire des trois présidences jusqu’aux mesures économiques, sociales et judiciaires. Depuis l’été 1978, c’est le premier contact entre les deux parties.

Une nouvelle ère à l’Est
Les régions est ont vécu alors une nouvelle ère. Le Front libanais luttait toujours pour défendre son point de vue. Présidé par le président Camille Chamoun, il se réunissait au couvent Mar Gerios à Awkar.
Le 12 novembre 1985, alors que les membres du Front libanais tenaient leur réunion hebdomadaire, celle-ci s’est transformée en cauchemar. Un attentat au camion piégé est perpétré contre eux. Le nouveau chef des Kataëb, Elie Karamé, Edouard Honein et Fouad Ephrem Boustany, sont légèrement blessés mais quatre personnes sont tuées sur le coup: le chauffeur du camion, deux soldats et une femme. Les autres membres du Front libanais ont miraculeusement échappé à l’attentat.
D’après les informations diffusées à l’époque, la veille de l’attentat, un des religieux du couvent avait laissé sur le terrain un engin volumineux avec lequel il avait retourné la terre et qu’il n’avait pas pu transporter. Cet engin s’est trouvé à l’endroit que le camion piégé avait emprunté. Résultat: il s’est trouvé sur le chemin pris par le conducteur du camion, lequel, surpris, a tenté de dévier son trajet donnant le temps aux soldats d’un check-point devant le couvent d’intervenir et de tirer sur le camion qui s’est s’écrasé contre l’aile gauche du couvent. L’explosion est survenue à plus de douze mètres de la salle de réunion. Les membres du Front libanais ont échappé ainsi à la mort.
Les accusations sont allées bon train mais le commanditaire de l’attentat n’a jamais pu être connu. Les membres du Front libanais ont soupçonné Elie Hobeika qui avait catégoriquement nié. «J’ai entendu des accusations de ce genre, dit-il. C’est une opération suicide que les régions de l’Est n’avaient jamais connue auparavant. Les doigts se pointent sur un parti extrémiste». Une réponse qui, pour beaucoup, n’a pas semblé convaincante, car Hobeika était à cette époque l’homme fort de l’Est, qui savait tout. Il n’était donc pas évident qu’il n’en ait pas été au courant.
Mais comme pour tous les attentats perpétrés durant les années de guerre, il n’a jamais été possible d’en déterminer les responsabilités.

Arlette Kassas

 

N.B: Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban: Le mandat Amine Gemayel de Joseph Chami, et Où étais-tu durant la guerre? de Ghassan Charbel.

Le Front libanais
Le Front libanais a été créé le 24 mars 1976 dès les premiers mois de la guerre de 1975. Présidé par le président Camille Chamoun, il est rallié, le 30 août 1976, par le commandement unifié des Forces libanaises dirigé par Bachir Gemayel.

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