Depuis deux ans, les pays du Maghreb comme du Mashreq arabe opèrent leur mue, passant des régimes dictatoriaux à l’exercice d’une démocratie balbutiante. L’Egypte, la Tunisie, le Maroc, la Libye ont tous vu l’ascension des islamistes au pouvoir, avec plus ou moins de bonheur.
De nombreux experts avaient prédit, il y a déjà deux ans, ce qui est en train de se passer. L’euphorie générée par les révolutions populaires en Tunisie, en Egypte, mais aussi au Maroc ou en Libye aura finalement été de courte durée. Dans la plupart des pays touchés par la vague du Printemps arabe – à l’exception du Maroc – les mois suivant la révolution ont le goût amer des lendemains qui déchantent.
En Tunisie, d’où la contestation est partie, chaque semaine amène son lot de déconvenues. La preuve encore ces derniers jours avec les jets de pierre lancés contre le président Moncef Marzouki, venu prononcer un discours à Sidi Bouzid, berceau de la révolte tunisienne le 17 décembre 2010. Deux ans après la révolution qui a conduit à la chute du clan Ben Ali, le pays le plus laïque du monde musulman semble tomber progressivement sous la coupe des islamistes d’Ennahda. Censure, retard dans l’élaboration de la Constitution, grèves, opérations coup de poing des salafistes, comme le 14 septembre, contre l’ambassade américaine, les polémiques entre camp laïque et islamistes ne manquent pas. Sans oublier que même sur le plan économique, les choses n’avancent pas. Le chômage continue de faire des ravages et l’agence de notation Fitch a abaissé la note du pays à BB+, en raison de la «transition économique et politique du pays qui s’avère plus longue et plus difficile que prévu».
Un pharaon en Egypte
En Egypte, les lendemains de révolution ne sont pas plus glorieux. Le pays n’a jamais été aussi divisé que depuis la tentative du président islamiste ex-Ikhwan, Mohammad Morsi, de s’octroyer tous les pouvoirs, tel un pharaon. Une tentative toutefois avortée par la pression de la rue égyptienne, qui sait que désormais, elle peut s’exprimer et changer les choses. S’il a reculé sur l’élargissement de ses pouvoirs, en revanche, le référendum sur une Constitution rédigée par les islamistes a été maintenu, au grand dam de l’opposition. Celle-ci a, d’ores et déjà, dénoncé des fraudes et appelé à des manifestations massives. Alors que les Frères musulmans espéraient un plébiscite, les premiers décomptes font apparaître un «oui» au référendum à une très courte majorité. A peine six mois après l’arrivée de Morsi au pouvoir, le sang continue de couler épisodiquement en Egypte. L’économie ne se porte pas mieux non plus, avec la décision du Caire de geler la demande d’aide de 4,8 milliards de dollars au FMI, en raison des troubles dans le pays.
En Libye, les huit mois de conflit armé qui ont fait tomber le régime de Mouammar Kadhafi ont laissé des traces. Bien sûr, les autorités sont parvenues à organiser des élections générales en juillet et à rétablir la production pétrolière mais l’insécurité et les menaces extrémistes n’ont pas disparu. Les milices armées restent très nombreuses, le trafic d’armes vivace. L’attaque contre le consulat de Benghazi le 11 septembre dernier, qui a conduit à la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens et de trois autres Américains, laisse elle aussi un goût amer aux Occidentaux qui ont tant fait pour soutenir la rébellion.
En Syrie, quelle que soit l’issue du conflit actuel, les jours qui suivront seront sans doute tout aussi sombres. L’opposition syrienne, bien que dominée par la Coalition nationale syrienne constituée à Doha, est très morcelée, avec la présence de nombreux groupes salafistes. Le régime de Bachar el-Assad, s’il tombe, pourrait être remplacé par les Frères musulmans, comme c’est le cas dans tous les autres pays touchés par le Printemps arabe. Avec le risque de lendemains qui déchantent, encore et encore.
Jenny Saleh