Mise en place par les Commissions parlementaires conjointes, la sous-Commission pour l’étude de la loi électorale doit se réunir le 8 janvier afin de trouver une solution à cet épineux dossier, source de profondes divisions au sein de la classe politique. Magazine a rencontré certains de ses membres. Le fossé demeure profond entre le 8 et le 14 mars.
Qu’en pense l’opposition?
Serge Toursarkissian
Les petites circonscriptions
La sous-Commission va se réunir le 8 janvier afin de discuter de la question électorale. Des discussions ont-elles lieu en coulisses?
En fait, il n’en est rien car les réseaux de communication sont coupés entre le 14 mars et le 8 mars. Notre position est très claire, nous préférons une loi basée sur le principe des petites circonscriptions qui nous assurerait des élections équitables et une meilleure formule que celles offertes par la loi de 1960. La majorité, elle, veut un scrutin fondé sur la proportionnelle. On va devoir discuter.
Mais la proportionnelle n’assure-t-elle pas une meilleure représentation des chrétiens?
Lors des précédentes élections, le 8 mars a défendu la loi de 1960 qui était supposée restituer les droits des chrétiens. Mais après leur défaite, ils sont devenus contre le scrutin majoritaire.
Quelles sont les conditions susceptibles de favoriser une entente?
Le dialogue sur la loi électorale implique des conditions essentielles. En premier, les élections doivent avoir lieu à tout prix dans les délais. Le deuxième point porte sur la loi elle-même. Contrairement à celle de 1960, elle doit garantir une meilleure représentation chrétienne. Troisième point, nous devons aboutir à une entente. Le 8 mars doit modifier son attitude, il faut qu’il admette que des députés libanais sont en danger, cette atmosphère qui prévaut a des répercussions sur le paysage libanais.
Etes-vous optimistes, quelles sont les chances d’aboutir à un compromis?
Lors de la réunion de Doha, il y a eu une entente régionale qui a facilité la tenue d’élections. Maintenant, ce n’est plus le cas. Les acteurs politiques et la situation en Syrie ont radicalement changé la donne et cela affecte l’ambiance du pays. Nous allons faire notre possible car le 14 mars tient à des élections. L’amendement de la loi de 1960 n’est pas acceptable car nous désirons avoir recours à de petites circonscriptions.
Ahmad Fatfat
Non à la prorogation du Parlement
Dans le cas où les élections n’auraient pas lieu, quel serait le statut du Parlement? Le mandat des députés serait-il prolongé?
Si les élections n’ont pas lieu, le statut du Parlement n’est plus légal, son mandat ne peut être prorogé, à moins qu’une loi en ce sens ne soit votée. Personnellement, je voterai contre une telle prorogation.
Quelles seraient les concessions qui pourraient faciliter une éventuelle solution?
Nous demandons d’abord aux diverses factions du 8 mars d’unir leurs positions. Le 14 mars a présenté un seul projet de loi basé sur le scrutin majoritaire, alors que le 8 mars a adopté deux projets de loi, celui connu comme le projet de loi orthodoxe qui est en fait la loi Ferzli et celui proposé par le gouvernement libanais. Cela porte à confusion.
L’amendement de la loi de 1960 est-il du domaine du possible?
On peut parfaitement amender la loi de 1960, nous sommes d’accord pour toute modification de cette loi.
N’est-il pas dans votre intérêt d’attendre afin de voir quelle sera l’issue de la guerre en Syrie?
Il n’est pas question pour nous d’annuler les élections quelle que soit l’issue des événements en Syrie.
Ce qu’en dit la majorité
Alain Aoun
Un découpage différent ou un nouveau mode de scrutin
Les Commissions parlementaires conjointes avaient planché plusieurs fois sur le projet de loi électorale soumis par le gouvernement, sans parvenir à un accord. Et on pourrait s’interroger si cette dernière tentative aurait plus du succès que les précédentes…
Je ne suis pas sûr que les choses soient aussi faciles, il existe un problème de volonté politique chez certaines factions qui ne veulent pas changer la loi actuelle (celle de 1960), mais qui sont en même temps embarrassées au niveau de l’opinion publique. La sous-Commission ne peut donc pas faire de miracles.
Certains membres du 14 mars estiment que vous devriez vous mettre d’accord sur un seul projet de loi au lieu d’en présenter deux…
Raison de plus! Nous leur donnons un plus grand choix. Le projet de loi présenté par le gouvernement est un dénominateur commun de toutes les forces présentes au Conseil des ministres. L’autre projet de loi (orthodoxe) est celui que j’ai présenté et qui nous est propre. Nous offrons donc l’avantage de la flexibilité!
Prévoyez-vous un découpage électoral différent?
Il ne peut y avoir d’entente sans que l’on parvienne à l’une des deux options: un nouveau découpage électoral ou bien un mode de scrutin différent.
Votre confrère le député Farid el-Khazen a laissé entendre lors d’une entrevue, la semaine passée, qu’il pourrait y avoir des changements au niveau des listes. Quelles modifications envisagez-vous?
Il existe de nombreuses possibilités au niveau des listes, les candidats sont évalués selon les sondages d’opinion et on effectuera les changements en conséquence.
Les armes, un faux argument
Un député membre d’un important parti du 8 mars s’est exprimé sur la question sous condition d’anonymat.
La sous-Commission a-t-elle le temps de parvenir à l’élaboration d’une nouvelle loi?
La marge de manœuvre de la sous-Commission étant limitée, elle ne peut donc que se pencher sur le nombre de circonscriptions ou le mode de scrutin et de ce fait nous avons le temps.
Le 14 mars rejette la proportionnelle à l’ombre des armes, leur argument est le suivant: les élections peuvent-elles être organisées de manière équitable dans des régions qui sont sous la domination d’un parti, dont le poids militaire est beaucoup plus important que celui de ses adversaires politiques?
La question que je leur ai posée est la suivante: comment les élections peuvent-elles être tenues selon le mode de scrutin majoritaire à l’ombre des armes? Les armes ne jouent-elles en faveur d’un certain parti que dans le cadre du mode proportionnel? Leur argument ne tient donc pas.
En septembre dernier, le député Abbas Hachem avait déclaré que les élections n’auraient lieu que dans le cadre de la proportionnelle. Etes-vous donc prêts à proroger le mandat du Parlement? Qu’adviendra-t-il des mandats du président de la République, du commandant en chef de l’armée et du chef des Forces de sécurité intérieure, seront-ils également prorogés?
Nous allons entamer les discussions autour de la loi électorale, nous considérons que les élections auront lieu, il est trop tôt pour se lancer dans des spéculations inutiles.
Le travail de la sous-Commission
La sous-Commission est dirigée par le vice-président du Parlement Farid Makari et comprend les députés Ahmad Fatfat, Serge Toursarkissian, Sami Gemayel et Georges Adwan pour la mouvance du 14 mars et leurs confrères Alain Aoun, Hagop Pakradounian, Ali Bazzi et Ali Fayad pour la coalition du 8 mars. C’est toutefois le député Robert Ghanem qui remplace pour le moment Makari, absent du Liban pour des raisons sécuritaires. L’alliance du 14 mars soutient une proposition de loi présentée par les députés Georges Adwan, Boutros Harb et Sami Gemayel fondée sur un scrutin majoritaire et un découpage de 50 circonscriptions. Le gouvernement a présenté un projet de loi basé sur la représentation proportionnelle et sur un découpage de 13 circonscriptions, qui lui est rejeté par l’opposition. Le Bloc du Changement et de la Réforme souhaite faire élire les députés dans une circonscription unique, par chaque communauté.
Pages réalisées par Mona Alami