Alors qu’il avait jusqu’à présent refusé un engagement direct de la France, François Hollande a finalement décidé de se porter au secours du Mali, dont le territoire est grignoté par les islamistes. Les bombardements se poursuivent, mais les «terroristes» résistent toujours.
A chaque président sa guerre. Si Nicolas Sarkozy s’était lancé à l’assaut du régime de Mouammar Kadhafi, son successeur socialiste a choisi, lui, de voler au secours du Mali. Cela, malgré de nombreuses reculades et des déclarations qui laissaient penser que la France n’interviendrait pas elle-même sur le terrain. Le 11 juin, François Hollande, fraîchement élu, s’inquiétait déjà «de la menace d’installation de groupes terroristes au Nord-Mali», parlant d’une «intervention extérieure qui déstabilise le Mali et qui installe des groupes dont la vocation est une intervention qui va bien au-delà du Mali, en Afrique et peut-être au-delà». Toutefois, devant cette menace, il affirmait, il y a donc un peu plus de six mois, que c’était «aux Africains de conjurer la (menace), à eux de décider. La Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) en est à la fois l’instrument juridique et l’instrument éventuellement militaire».
Depuis le 12 janvier, revirement de situation. Le président français, qui est aussi chef des armées, décide finalement de donner son feu vert à une intervention militaire au Mali, afin d’aider cette ancienne colonie à recouvrer l’intégrité de son territoire au Nord, grignoté depuis plusieurs mois par trois groupes armés jihadistes. Les villes de Kidal, Gao et la ville symbole de Tombouctou étaient en effet passées depuis la fin juin 2012 sous le contrôle d’Aqmi – al-Qaïda au Maghreb islamique -, Ansar Dine – les défenseurs de l’islam – et le Mujao – Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest. Avec au programme, une application rigoriste de la charia dans un pays où l’islam a toujours été pratiqué de manière paisible et ouverte par la population.
Devant des pays africains inquiets mais incapables d’accorder leurs violons sur les modalités d’une intervention, Paris a donc décidé de s’y coller, confronté à des islamistes qui, s’ils sont peu nombreux sur le terrain, peuvent facilement conquérir les plus grandes villes du pays, face à une armée malienne en pleine débandade et un Etat fragilisé par les coups d’Etat de ces derniers mois.
Aux dires de l’ambassadeur de France aux Nations unies, l’objectif de l’opération Serval est «la mise en œuvre rapide de la résolution 2085 de l’Onu» adoptée le 20 décembre 2012. Un texte qui autorisait le déploiement à terme d’une force internationale essentiellement africaine, la Misma (Mission internationale de soutien au Mali) afin de reconquérir le nord du Mali. Le volet politique de cette résolution prévoit dans un second temps, un processus de réconciliation politique à Bamako et des négociations avec les rebelles du Nord qui se dissocieraient du terrorisme.
L’opération Serval, qui couvait depuis plusieurs mois dans les dossiers de l’Elysée et du ministère de la Défense, aurait donc été lancée face à l’urgence sur le terrain. «Il en va de l’existence même de cet Etat ami, le Mali, de la sécurité de sa population et celle également de nos ressortissants. Ils sont 6000 là-bas», a justifié François Hollande. Peu après les premières frappes, le président français explique aux Français qu’il a, «au nom de la France, répondu à la demande d’aide du président du Mali, appuyé par les pays africains de l’Ouest».
Depuis la nuit du 11 au 12 janvier, les raids aériens français se succèdent, officiellement en appui des forces armées maliennes. Mais dans les faits, c’est bel et bien la France qui est en première ligne. L’armée de l’air a frappé fort, bombardant d’abord la région de Konna, une ville qui avait été prise le 10 janvier par les jihadistes.
Dès le 12 janvier, le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, annonce que les premiers raids ont permis la destruction de plusieurs unités «terroristes» et «stoppé leur progression». De fait, la ville de Konna, au centre du pays, est reprise par l’armée malienne au sol, qui attaque les «dernières poches de résistance».
Au fil des bombardements intensifs et des actions au sol de l’armée malienne, fortement appuyée par les combattants français des forces spéciales, les jihadistes ont abandonné leurs bastions au nord du pays, pour se replier à Diabali, à 400 km au nord de la capitale, Bamako. Lundi, les avions français ont poursuivi leurs raids sur les quartiers généraux des jihadistes, notamment à Douentza, à 800 km au nord de Bamako.
Ces jihadistes, dont le nombre n’est pas connu réellement mais estimé à un millier d’hommes par les experts, sont toutefois parvenus à lancer, à la grande surprise de la France, une contre-offensive depuis Diabali, lundi. C’est dans cette petite commune, à l’ouest du pays, que seraient situés les «éléments les plus structurés, les plus fanatiques, les plus armés, ce sont les groupes d’Aqmi qui se trouvent là», a souligné Jean-Yves Le Drian. Si elle était bien évidemment attendue, la contre-offensive de Diabali a néanmoins surpris, car elle montre non seulement la détermination de ces groupes armés, mais aussi leur sens tactique et leur équipement. Ces combattants ne possèdent pas uniquement des armes légères mais aussi des missiles sol-air, notamment. Des armes fournies par Mouammar Kadhafi à des mercenaires maliens chargés de le défendre.
Mais surtout, ce sont des experts de la guérilla, qui connaissent les grottes de cette zone désertique et rocailleuse comme leur poche, rendant plus difficile leur localisation et les bombardements. Après plusieurs jours de raids aériens, ils se sont dispersés sur le territoire pour être moins vulnérables et poursuivre leurs opérations. L’attaque a été menée par Aqmi, sous les ordres d’un de ses chefs, Abou Zeid, marquant la grande mobilité de ses combattants et surtout, une certaine capacité à mener des opérations tactiques bien coordonnées. En réponse, les pays frontaliers du Mali, la Mauritanie et l’Algérie, se sont empressés de verrouiller leurs frontières.
Cette contre-offensive indique qu’il sera sans doute impossible pour la France et le Mali de venir à bout de ces combattants acharnés et très bien entraînés, sans une intervention au sol, où les pertes seront sans doute bien plus grandes. Mardi, François Hollande annonçait depuis les Emirats arabes unis que 750 Français se trouvaient sur le sol malien, un nombre qui devrait augmenter ces jours-ci. Mais cela suffira-t-il?
Car pour l’heure, la France est bel et bien seule sur le front malien. Bien sûr, sur le plan diplomatique, les alliés européens comme américains ont dit soutenir l’initiative de la France au Mali. Un soutien modeste, qui restera de l’ordre logistique et technique, malgré tous les efforts de Paris d’inciter ses alliés à combattre avec elle sur le terrain. Les Américains, échaudés par leurs expériences malheureuses en Afghanistan et en Irak, semblent peu empressés de se fourrer dans un nouveau bourbier. La Grande-Bretagne, si elle soutient logistiquement l’initiative française, n’enverra pas non plus de troupes, tout comme l’Allemagne. L’Otan a souligné, dès le début de l’opération Serval, qu’elle n’avait pas reçu de demande d’assistance. Quant à l’Onu, elle a assuré à la France sa «compréhension» de l’intervention…
Malgré tout, la France a répété, via son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qu’elle «n’a pas vocation à rester seule au côté du Mali».
La seule aide sur laquelle la France peut pour l’heure compter, reste celle de la force panafricaine, composée notamment de soldats sénégalais, nigérians ou burkinabés, qui doit arriver sur le territoire malien d’ici à quelques jours. Une armée panachée et peu expérimentée, à l’exception des soldats du Nigeria.
La question est donc de savoir si la France, qui s’est lancée seule au combat, a les moyens de ses ambitions. Paris a annoncé, dès le début, que son intervention «durera le temps nécessaire». Autant dire qu’elle pourrait durer plusieurs semaines à plusieurs mois, s’apparentant à un nouveau bourbier, alors que la France vient de retirer ses troupes de combat d’Afghanistan. D’autant que derrière l’ambition officielle d’«aider un pays ami», figure un motif bien plus important. Celui de stopper une contagion jihadiste dans les autres pays du Sahel et du Maghreb, aux portes de l’Europe.
Les prochaines semaines diront si la France s’est lancé un défi trop grand pour elle. Pour l’heure, l’opinion politique et publique française semble soutenir l’initiative. Pour combien de temps?
Dominique de Villepin, ancien Premier ministre qui s’est longuement battu contre l’intervention américaine en Irak, estime déjà, dans une tribune parue dans le journal du dimanche du 13 janvier, que «l’opération est vouée à l’échec parce que ses objectifs sont trop nombreux». Sans doute n’a-t-il pas tout à fait tort…
Jenny Saleh
Le fiasco somalien
Les interventions militaires font-elles partie des résolutions de la nouvelle année de François Hollande? On pourrait le croire, puisqu’en simultané avec le début des opérations maliennes, le chef de l’Etat français a autorisé une opération de la DGSE en Somalie. Objectif? La libération d’un des agents des renseignements français, Denis Allex, détenu depuis le 14 juillet 2009 dans le pays.
Après des combats d’une grande violence entre une cinquantaine de soldats commandos français et les shebab somaliens, l’opération s’est révélée être un fiasco complet. Deux soldats français y ont trouvé la mort et l’otage aurait, semble-t-il, été exécuté. Les shebab auraient été prévenus in extremis par la population locale, vouant à l’échec l’opération de sauvetage.