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Nº 2880 du vendredi 18 janvier 2013

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Sam Salamey. De Nabatiyé à Michigan, lepremier juge d’origine libanaise

Sa récente élection à la fonction de juge auprès du tribunal du 19e district de Dearborn, a provoqué la joie de la communauté arabo-américaine de l’Etat du Michigan aux Etats-Unis. Pour la première fois, un Américain d’origine arabe remporte une telle victoire. Modeste et réaliste, Sam Salamey garde pourtant les pieds sur terre. Originaire du village de Baraachit, à Nabatiyé, il ne veut surtout pas oublier ses lourdes responsabilités mais être à la hauteur de la confiance qu’ont placée en lui les électeurs.

C’est un moment historique. Sam Salamey bat aux élections Richard Wygonik. Avec 56% des voix des électeurs contre 44% à son concurrent, la victoire est écrasante. Dans cet Etat du Michigan, 241 candidats se sont présentés aux élections dans divers districts. Salamey est le seul qui a réussi à battre un juge déjà en place.
Une grande réussite et un très beau témoignage de la population de Dearborn qui a décidé de faire confiance à cet avocat d’origine libanaise. C’est surtout un pas en avant pour la communauté arabo-américaine (voir encadré). L’heure de la reconnaissance a enfin sonné pour certains Arabes qui s’estiment souvent mal représentés sur le plan institutionnel américain. C’est l’une des raisons qui les a donc poussés à voter massivement pour ce candidat. L’autre facteur qui a joué en faveur de Salamey c’est indéniablement sa remarquable personnalité. Tout a commencé, pour lui, à Nabatiyé, plus précisément dans le village de Baraachit. Entouré de ses huit frères et sœurs, le jeune garçon ne se doutait sans doute pas que c’est vers l’Amérique qu’il allait bientôt émigrer. A 15 ans pourtant, il est déjà à Dearborn, découvrant très tôt le système judiciaire américain. Ce qui lui a permis de comprendre comment fonctionne ce dernier, c’est son premier travail en tant qu’agent de relations communautaires auprès du Département de la police de Dearborn. Une fonction qui a fait naître son intérêt pour l’application de la loi. Il nous confie: «En vivant ici, on se rend rapidement compte que ce pays est un comté de lois et non pas d’hommes». Très rapidement, cette passion le poussera à poursuivre des études en droit. Lorsque le jeune étudiant devient avocat, il travaille d’abord auprès du prestigieux bureau de Berry, un procureur libano-américain. Mais très vite, Salamey fait ses preuves et passe d’avocat associé au sein de ce cabinet à un partenaire à part entière. «Durant mon mandat auprès de ce cabinet, j’ai eu le privilège de servir en tant que procureur de deux communes à Wayne Country. En 1993, j’ai été le premier Arabo-Américain nommé magistrat judiciaire auprès de la Cour de Dearborn. Cela m’a donné une nouvelle perspective sur la pratique du droit de la magistrature. C’est durant cette période également que j’ai décidé de me présenter au poste de juge de district».

 

Un réel acharnement
Mais pour y arriver, il lui fallait encore parcourir un long chemin. Ou accomplir «un long voyage vers la victoire» comme l’a noté le juge David Turfe, le soir de la cérémonie d’investiture de Salamey. Il précise: «Lorsque Sam s’est présenté aux élections pour la première fois en 2006, il a simplement remporté la primaire. Mais c’est son dévouement qui l’a conduit au succès en 2012». Pourtant, pour lui rien n’était conquis d’avance et ce n’est surtout pas l’histoire qui allait l’encourager. Salamey savait que les électeurs dans ce district n’avaient pas l’habitude de voter. Les statistiques et les chiffres ne pouvaient pas le conforter. Mais son acharnement a payé. Imaginez un candidat qui frappe lui-même aux portes pour exposer son programme des semaines, voire des mois, avant les élections. Cela a évidemment fonctionné en sa faveur. Ce ne sont pas seulement les électeurs arabes qui l’ont apprécié mais également de nombreux résidants de l’ouest de Dearborn. Au-delà de cette obstination, il y a chez lui un réel désir de franchir tous les obstacles. Un désir qu’il a pu communiquer à son équipe. Son directeur de campagne raconte: «J’ai tout fait. J’ai gardé des enfants pour qu’une maman puisse voter, je me suis transformé en chauffeur. Il n’y a pas une chose que nous avons refusé de faire». Ce qui a aussi permis à Sam Salamey, père de famille et époux, de remporter les élections, c’est l’amour de ses proches. Sa femme Joumana, ses trois fils Mike, Ali et Hassan, et sa fille, Zeinab l’ont soutenu tout au long de la campagne. Le soir de son investiture, sa femme a déclaré que «les qualités qui ont fait que Sam soit un très bon partenaire et père de famille sont les mêmes qui le propulsent en avant et le font réussir … Cela me rend fière de savoir que ces qualités qui contribuent à notre succès seront maintenant mises en œuvre dans notre famille élargie, la ville de Dearborn».

Cette ville, Sam l’affectionne tout particulièrement. Et il a tenu à le rappeler à maintes reprises, mais surtout le jour de son élection. A la foule qui l’acclamait, il a promis: «Soyez assurés que la passion brûlante et l’énergie démontrées lors de cette campagne ne seront ni réduites ni dissipées. Elles seront transformées en dévouement et dévotion à Dearborn et à ses citoyens… Je suis impatient de prouver à Dearborn toute ma loyauté. Je n’ai aucun doute sur les grandes perspectives futures et je sais que nous réussirons, parce que nous sommes une communauté, parce que nous sommes un seul peuple, parce que nous sommes une ville, parce que nous sommes Dearborn». Il faut rappeler que cela fait maintenant 38 ans qu’il vit ici. Il a commencé à revisiter le Liban son pays d’origine en 1994. Depuis, chaque année, il passe au bercail trois à quatre semaines. Mais ses vacances terminées, il retourne sans regret et sans hésitation à la ville qui lui a permis de réussir.

 

Pauline Mehanna

 


Une campagne intensive  
Historiquement et traditionnellement, les Arabo-Américains ne participent pas 
activement aux élections. Cependant, en 2012, une vaste campagne a été menée par l’équipe de Sam Salamey. Il fallait démontrer aux membres de la communauté que leur 
participation au processus électoral 
pourrait changer la donne. L’appel a été 
surtout adressé aux personnes qui n’auraient pas normalement voté. Et cette fois, 
l’ensemble des organisations telles que l’Arab American Political Action Committee et les dirigeants, qu’ils soient libanais, 
yéménites, irakiens ou de toute autre 
nationalité arabe, ont répondu à l’appel. Salamey explique: «Nous avons été en mesure de convaincre les électeurs arabes qu’il faut participer au processus électoral démocratique. Certes, il s’agit d’une petite étape mais nous comptons poursuivre ce chemin». Durant cette campagne, 90% des membres de la communauté arabe ont voté. Ceci fait que cette campagne qui a créé un précédent sera très probablement étudiée 
et imitée dans les années à venir.

Ce qu’il en pense
Les raisons de sa réussite aux élections: «Mes électeurs savent que je laisse de côté la politique partisane et je suis un programme d’action en faveur de leur intérêt commun. Je fais en sorte que tout le monde reçoive un traitement égal en vertu des lois sans 
favoritisme, sans parti pris ni préjugé».
Du système constitutionnel américain: «Il y a une vraie séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Mais ces pouvoirs coopèrent ensemble tout en maintenant des contrôles et des contrepoids pour prévenir la corruption et l’abus de pouvoir. Cela 
renforce cette grande nation».
De l’éducation qu’il a reçue: «Mes parents ne sont pas éduqués. Cependant, cela les a aidés d’une certaine manière à prendre conscience de l’importance de ce secteur. Ils ont veillé à ce que leurs neuf enfants ne soient pas seulement scolarisés, maispoursuivent tous des études supérieures».

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