Magazine Le Mensuel

Nº 2882 du vendredi 1er février 2013

Presse étrangère

Le Liban, valeur refuge

Cette semaine, les médias internationaux décrivent le pays d’accueil qu’est le Liban. Abri de fortune pour les Syriens, liberté retrouvée pour Abdallah et havre de paix pour Ghosn, le pays aimante sans distinction.

France 24
La chaîne de télévision France 24 a diffusé un reportage sur la vie des réfugiés syriens. Saisissant. Dar Hamieh, dans la plaine de la Békaa, ressemble à un camp de réfugiés comme un autre. Deux cents tentes s’agglutinent sur un terrain boueux où jouent des enfants sales et discutent des adultes fatigués. A une différence près: ici, pour avoir sa tente, il faut payer. Avec l’afflux continu de réfugiés syriens, des propriétaires libanais ont flairé la bonne affaire.
Depuis un an et demi, certains ont divisé leurs champs en parcelles de cinq mètres carrés qu’ils louent désormais. A Dar Hamieh, l’emplacement coûte 75 euros tous les six mois. Le propriétaire affirme avoir 500 abris de fortune sur son terrain, que les réfugiés doivent en plus construire et financer eux-mêmes. Considérable pour un réfugié, cette somme peut atteindre 150 euros dans d’autres camps.
Unique au monde selon l’ONG Caritas, la situation concerne au moins 6700 Syriens dans la plaine de la Békaa. A Dar Hamieh, ils sont au moins 3000. Ces «campings» payants ne décrocheraient aucune étoile: sous les bâches, un simple tapis recouvre la terre battue et les réfugiés dorment à même le sol. Avec les premières neiges, il y règne un froid glacial. Acheter une couverture n’est pas à la portée de tous: ces réfugiés sont à l’origine très modestes. La plupart viennent de Bab Amr, un quartier populaire de Homs, foyer de la résistance.
«C’est très dur, il faut ajouter chaque mois 37 euros pour l’eau et l’électricité», déplore Khaled. «Ici, j’ai travaillé dans l’agriculture mais l’hiver c’est impossible». Trouver de l’argent est la préoccupation de tous. «Si on ne paye pas, on nous jette dehors», résume Abou Kreiem, père de neuf enfants. Conséquence: ils travaillent. Abdelrazzak a 13 ans. Avec un sourire innocent, il annonce gagner trois euros par jour pour sept heures de travail dans les champs de voisins libanais.

Le Point
L’hebdomadaire Le Point décrit Carlos Ghosn comme un «capitaine de viticulture».
Il parcourt le monde avec une énergie intacte. Les lourds dossiers de l’industrie automobile occupent l’essentiel de son temps, mais pas tout son temps. Une parcelle secrète de cet homme peu disert sur sa vie privée se trouve aujourd’hui au Liban. Plus exactement dans le nord du pays où il a investi dans la vigne et un chai dernier cri.
Lorsqu’il débarque là-bas, cela se voit, car il ne sort pas dans ce pays à haut risque sans sa garde rapprochée, quelques solides «men in black» dans leurs trois énormes 4 x 4 noirs. Il déboule ainsi à Basbina, au-dessus de la ville de Batroun dans le nord du Liban, avec force gyrophares et encadré par la police afin de ne jamais s’arrêter, même à un feu rouge. Un traitement VIP réservé à un enfant du pays qui a rang de ministre.
Petit blouson en cuir souple, jean et chemise blanche échancrée, il étale sans calcul une tout autre vie que celle du manager glacé, impeccablement sanglé dans ses costumes sombres, taillés sur mesure. La vie est belle manifestement sous le soleil libanais où, confie-t-il, il vient trop rarement. Deux ou trois fois par an seulement. Mais à chaque fois, c’est la fête avec tous les copains réunis, sa jeune compagne et ses frères et sœur restés au Liban.
Carlos Ghosn est venu au vin grâce à son associé Etienne Débanné, une grande famille libanaise dont le groupe est très implanté dans le secteur, et Hady Kahalé, directeur du domaine. Avec quatre autres autochtones ayant réussi dans la finance, pas moins de 10 millions de dollars ont été investis dans ce domaine de 120 hectares, répartis sur trois sites très différents, situés entre 400 et 1700 mètres d’altitude du sud au nord du Liban. 40% appartiennent à Carlos Ghosn lui-même.

Libération
En France aussi, on se mobilise pour Georges Abdallah. Cette semaine, une tribune a été publiée dans les colonnes du journal Libération.
Depuis dix jours, sur le bureau de Manuel Valls (le ministre français de l’Intérieur), un document attend une signature. C’est l’arrêté d’expulsion de Georges Ibrahim Abdallah, condamné en 1987 à la prison à vie. Il est incarcéré depuis vingt-neuf ans, ce qui en fait l’un des plus anciens prisonniers politiques du monde. Mais cette expulsion-là, pour une fois, Manuel Valls hésite à en donner l’ordre. Car ce n’est pas une expulsion comme les autres.
Qui se souvient aujourd’hui de Georges Ibrahim Abdallah? Ce nom semble appartenir à la préhistoire. On n’ose penser que si Manuel Valls tarde à signer, c’est pour ne pas déplaire au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Ce dernier vient de révéler pourquoi il s’oppose à la libération de Abdallah: parce qu’il ne s’est pas repenti. C’est aussi la position du gouvernement américain qui vient de la rappeler. En sens inverse, le gouvernement libanais milite pour la libération de Abdallah. Mais que pèse le gouvernement libanais?
Si le Crif est ainsi sorti du bois, c’est parce que les choses s’accélèrent. Après avoir rejeté huit demandes de mise en liberté de Abdallah (toujours le même scénario: un psychiatre lui demande s’il se repent de ses actes; il répond que non; la demande est rejetée), la justice vient d’accepter la neuvième.
Manuel Valls ne doit pas décider de libérer Abdallah, la justice vient de le faire, en toute indépendance. Il doit simplement permettre, en l’expulsant vers le Liban, l’exécution de cette décision. C’est, à la lettre, une décision purement technique. Le gouvernement ne libère pas, il expulse. Ce n’est pas une prise de position pour le terrorisme, ni même pour la Palestine, ou contre Israël. Son «attachement indéfectible à Israël», proclamé par Manuel Valls, ne devrait donc logiquement pas entrer en ligne de compte dans cette décision.

The Washington Post
The Washington Post étudie les liens qui unissent les groupuscules extrémistes sunnites des deux côtés de la frontière libano-syrienne.
De petits réseaux, mis en place dans le nord du Liban pour faciliter le transport d’armes, de munitions et du matériel logistique avec l’aide de passeurs, commencent à s’organiser. Auparavant, ils communiquaient avec leurs homologues syriens grâce à des téléphones portables standard mais commencent à utiliser des appareils plus sécurisés comme les téléphones satellitaires Thuraya.
Deux des grands acteurs du réseau extrémiste à la frontière sont connus des responsables sécuritaires libanais depuis des années.
Côté libanais, le voyage des volontaires tués à Tall Kalakh a été en partie financé et organisé par Hussam Sabbagh, un activiste connu pour avoir combattu en Afghanistan. Côté syrien, le principal point de contact est Khaled Mahmoud, un autre militant bien connu des responsables libanais. Fin décembre, Mahmoud, alias Abou Suleiman el-Muhajer, est apparu dans une vidéo pour exhorter les musulmans à mener le jihad en Syrie. C’est lui qui a annoncé la formation de Jund al Sham, le premier groupe syrien d’opposition armée dirigé par un Libanais. Mahmoud opère dans la province de Homs, à la frontière du Liban.
Les liens entre Mahmoud et Sabbagh remontent à plusieurs années. Les deux hommes avaient des liens avec Fateh al-islam, dont la plupart des dirigeants ont été tués ou emprisonnés à la prison de Roumieh. Mahmoud y a continué à exercer pendant sept ans avant d’être libéré l’été dernier. Il a traversé la frontière vers la Syrie avec l’aide de passeurs peu de temps après sa libération.

Julien Abi Ramia

 

Le calvaire des réfugiés
Extrait d’un reportage du New York Times.
Dans certaines zones proches de la frontière, les réfugiés squattent dans des maisons abandonnées par les Libanais qui ont fui les bombardements et les tirs venant de Syrie. Dans les petits appartements des plus grandes villes, les réfugiés dorment à deux par lit. Sans aucune garantie, de nombreux nouveaux arrivants expliquent que la survie est leur plus grand défi. «Nous vivons dans une situation désespérée en ce moment», déclare Hassan Ali Afeer, 30 ans, réfugié à Arsal, dans la Békaa. «Nous arrivons à peine à vivre».

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