Magazine Le Mensuel

Nº 2882 du vendredi 1er février 2013

Cinéma

Lincoln de Steven Spielberg. Le retour du grand maître

Le film tant attendu en ce début d’année. Le Lincoln de Steven Spielberg, interprété par un magistral Daniel Day-Lewis, est en route pour les Oscars. Le détour par nos grands écrans est une nécessité.

Steven Spielberg signe, avec Lincoln, son retour sur le chemin des grands du 7e art. L’envoûtement est garanti, l’intérêt reste tendu tout au long des deux heures trente minutes environ que dure le film. Avec une grande maestria, une stupéfiante reconstitution de l’époque, une photographie surprenante, des personnages tellement justes, des piques de sagesse et d’humour et un scénario impeccable, Spielberg offre aux cinéphiles un grand moment de cinéma, constitué d’autant de petits détails inoubliables. C’est qu’il a réussi la triple gageure de présenter une grande œuvre, un film fiable historiquement et divertissant en même temps. Un film qui ravira sûrement les spectateurs, sans aucun moment d’ennui ou d’inattention.
Ce projet lui a longtemps tenu à cœur. Et il aura attendu une décennie environ avant de le porter à l’écran. Entre-temps, Spielberg s’active, de recherche en recherche, s’entourant d’une équipe capable de le soutenir dans ce que Le Monde appelle son «rêve américain». Fortement inspirés du livre de Doris Kearns Goodwin Team of rivals: The political genius of Abraham Lincoln, Spielberg et son équipe, notamment son scénariste Tony Kushner, sont allés encore plus loin dans leurs recherches pour dresser le portrait le plus fidèle du 16e président des Etats-Unis.

Une grande œuvre
Lincoln n’est pas une simple biopic malgré sa facture classique. D’ailleurs, le film ne se concentre que sur les derniers mois de la vie du président, essentiellement le mois de janvier 1965. Lincoln a entamé son deuxième mandat. La guerre de Sécession ne s’est toujours pas achevée. Mais le Nord ploie sous le nombre de ses jeunes soldats morts aux champs de bataille, et le Sud est presque complètement affaibli.
Et il apparaît à l’écran. Tout d’abord, de dos, silhouette dans le noir et haut de forme. Le spectateur ne voit que de jeunes soldats en tunique bleue qui adressent la parole au président. La caméra tourne et le visage de Lincoln apparaît. Un demi-sourire, des rides qui plissent légèrement ses tempes, un regard mélancolique, une voix lente et posée. Magnifique Daniel Day-Lewis. Dès les premières secondes, il incarne Lincoln, il est Lincoln. Lauréat du Golden Globe du meilleur acteur dans un drame, le comédien britannique est très bien placé pour remporter sa nomination aux Oscars.
La réussite du film doit énormément à la prestation de son acteur principal. C’est que Lincoln ne compte pas sur de grandes scènes à déploiement ou d’actions, mises à part quelques merveilleuses et poignantes séquences sur les champs de bataille. Le film met en scène le personnage historique et son dernier combat avant son assassinat, à savoir l’adoption du 13e amendement à la Constitution qui abolit l’esclavage. Pour y parvenir, il a besoin des deux tiers des votes de la Chambre des représentants, soit donc tous les membres de son Parti républicain et vingt du Parti démocrate. C’est à ce combat en coulisses, lors des débats de la Chambre, qu’assiste, haletant, le spectateur, entre les tractations, les intimidations, les flatteries, les discussions à cœur ouvert et les sentiments enrobés de sagesse, d’histoires et d’anecdotes du président. Day-Lewis est secondé par un merveilleux casting, tout aussi juste et poignant dans son interprétation. Tommy Lee Jones en un impressionnant Thaddeus Stevens et Sally Field, fragile épouse névrosée du président, ainsi que les acteurs David Strathairn, Joseph Gordon-Levitt, James Spader, John Hawkes…

A quelques exceptions près ou à quelques avis mitigés, la critique ne tarit pas de louanges. «Spielberg est au meilleur de sa forme, écrit L’Express, réinventant mille fois la façon de mettre en scène une parole qui coule à flots sans jamais être ennuyeuse. […] Force est de constater que le bonhomme reste un raconteur d’histoires hors pair, qui ne craint pas de s’attaquer à du gros œuvre, deux heures trente de dialogues, de pièces enfumées, de redingotes, de crinolines et, à la fin, miracle et talents réunis, un grand film». Pour le Wall Street Journal, «Spielberg ne recule pas devant la complexité. Il fait sans doute le pari que les spectateurs iront chercher ailleurs – dans les livres ou les débats – les informations qui leur manquent. Pour l’heure, soyez sûr que le processus dépeint est si riche et si plein de vie qu’il vous laissera pantois quant à ce que la vie politique était alors – une arène turbulente, traversée d’accusations, de dénonciations, faite d’une vénalité mise au service de la vertu, d’une pure vertu ou parfois d’une simple vénalité, sans que rien de tout ça ne soit dicté par les sondages d’opinion».
Avec ses douze nominations aux Oscars, et pas des moindres, Lincoln semble très bien parti. Le verdict tombe le 24 du mois. En attendant, et qu’importent les trophées, le film vient de sortir dans nos salles de cinéma. A voir absolument!

Nayla Rached

Circuit Empire – Cinemall.
 

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