Le saxophoniste syrien Basel Rajoub s’est associé à Feras Sharstan au qanun et Khaled Yassine aux percussions pour présenter son album Asia tout juste sorti sur le label Edict Records. Quand la musique devient image…
Ils sont trois. Trois musiciens, trois instruments. Et la musique. Entre eux trois, entre eux quatre, une synergie qui trouve son écho chez l’auditeur. Basel Rajoub, Feras Sharstan, Khaled Yassine. Et la musique. Basel Rajoub trio sur des compositions de Rajoub. L’album s’intitule Asia, tout juste sorti sur le label Edict Records, le deuxième opus du saxophoniste syrien, après Khameer, sorti en 2010 sur le label Incognito.
Et le premier titre est lancé: Jasmine Tree. Quelques notes au qanun, à peine effleurées, et retentit le saxophone de Rajoub, comme né des tréfonds de la terre. Un souffle sombre, rauque, une mélodie qui semble partir en exploration, en défrichement. Et qui, paradoxalement, parvient à son point d’ancrage, son port d’accostage, tellement bien délimité qu’il semble tout juste découvert. Et la musique emmène l’auditeur avec elle, voguant sur des nappes suggestives, qui se dévoilent progressivement, nées de surprises en surprises, de découvertes en découvertes. Surprenantes à chaque fois. Et c’est peut-être de cet inattendu que naissent la jouissance, la sensation du beau, du bien-être.
Un deuxième morceau, le titre éponyme de l’album, Asia, et le voyage s’intensifie, tout au long des huit titres, aux confins de la rencontre impromptue entre l’Orient et l’Occident. Une image qui semble cliché, tellement utilisée, tellement remâchée, mais qui, dans certains cas, résonne percutante, envoûtante. Irrépressible, telle cette envie qui vous prend de vous faire bercer et caresser par les notes du Basel Rajoub trio.
Le lancement de l’album Asia sur le label Edict Records a été l’occasion pour le trio de présenter un concert, le mercredi 30 janvier dernier, au théâtre al-Madina, devant un public charmé par cette exploration audacieuse, moderne et contemporaine du tarab. Le tarab qui, plus qu’un mode musical, se déploie avant tout comme un état d’esprit, un envoûtement qui ouvre grand les portes de l’imaginaire, des sensations et des perceptions. Pour entendre se matérialiser ces images sonores qui se bousculent au détour de chaque instrument, de chaque rencontre entre les musiciens et leurs instruments.
Ils sont trois. Trois musiciens, trois instruments. Et la musique qui résonne comme un dialogue à deux, à trois, où les instruments se répondent en écho. Entre le qanun de Feras Sharstan et le saxophone de Basel Rajoub, une discussion où l’auditeur s’implique, au-delà de tout raisonnement, par sa perception et ses sensations. Le voilà témoin d’un dialogue où se résout cette merveilleuse dualité de deux sons qui se rencontrent l’espace d’un instant, avant de se séparer pour encore mieux se retrouver. Entre le saxophone et le qanun, le mariage n’est pas toujours évident. Un instrument venu d’Occident, un autre d’Orient. Aux trépidations éthérées qui font résonner les cordes de l’un correspondent les profondes contorsions de l’autre. Un jeu né sans doute d’heures et de journées de répétitions, de travail, de collaboration, de correspondances musicales. Entre les deux musiciens, entre les trois musiciens. Et comme à chaque fois, les percussions de Khaled Yassine se jouent de toutes les nuances de la subtilité, tour à tour caressant ou défiant ses timbales et caissons à résonance, pour mieux faire vibrer la musique jusqu’au tressaillement de la chair.
Asia, à l’image d’un album qui se défriche progressivement, l’auditeur se retrouve à chaque nouvelle écoute, à l’écoute de ses perceptions qui s’effeuillent, se croisent et se décroisent. Toujours renouvelées. Toujours nouvelles.
Nayla Rached
Edict Records
Initié par le musicien Khaled Yassine, le label Edict Records est né en 2011. Il marie des rythmes différents, un mélange de musiques arabes, cosmopolites, aux influences, orientations et tendances orientales et occidentales. Un label indépendant qui privilégie une musique où l’improvisation a son importance, à l’instar de la musique orientale et du jazz. Edict Records n’est pas qu’un label; grâce à sa direction artistique bien définie, il s’inscrit dans un processus de production qui consiste à suivre le projet musical dès ses premières étincelles, à s’y impliquer dès le départ. C’est ainsi que naissent les discussions entre les différents maillons de la chaîne, musiciens, producteurs et ingénieurs du son, chacun donnant ce qu’il a de meilleur.
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