Comédie très légère et assez divertissante, Gambit de Michael Hoffman met à l’affiche Colin Firth, Cameron Diaz et Alan Rickman. Les salles de cinéma vont sûrement attirer un grand nombre de curieux, puisque le scénario est signé des «frères Coen».
Barton Fink, Fargo, The big Lebowski, O brother where art thou?, No country for old men, Burn after reading, True Grit… Tels sont les grands et inoubliables films que nous ont donnés Joel et Ethan Coen, plus connus comme les frères Coen. Alors forcément, quand leurs noms figurent sur l’affiche de Gambit de Michael Hoffamn, même s’ils n’en signent que le scénario, les cinéphiles et les fans de leur travail vont se ruer dans les salles de cinéma.
Mais la déception risque d’être au rendez-vous. Gambit ne reflète pas réellement l’ambiance et l’esprit tellement particuliers de la filmographie des frères Coen, à cheval entre l’ironie, l’humour noir, l’intensité et la complexité des personnages, des situations et de l’intrigue. Est-ce la faute à la réalisation de Michael Hoffman? Ou est-ce que les frères Coen n’ont pas été cette fois jusqu’au bout d’un scénario bien ficelé? Toutefois, le film n’est certainement pas un échec. Il contient une bonne dose de charme, d’humour, de dérision et de légèreté, garantissant au passage quelques sourires et quelques rires bien mérités.
Mais avant toute chose, une précision: Gambit est un remake du film éponyme de 1966, réalisé par Ronald Neame, mettant à l’affiche Michael Caine et Shirley MacLaine. Le projet d’en faire une reprise remonte à plusieurs années déjà, depuis 1997, quand le producteur Mike Lobell l’a pris en charge, passant en revue plusieurs scénaristes, acteurs potentiels… avant d’arriver à cette version finale.
Arnaque à l’anglaise
Gambit, c’est l’histoire d’Harry Dean, campé par Colin Firth, un conservateur d’art qui travaille pour le compte d’un riche magnat des médias anglais, Lionel Shabandar (Alan Rickman) qui ne cesse de l’humilier. Harry compte bien prendre sa revanche. Pour cela, il s’associe au «Major», un ancien militaire devenu spécialiste dans la reproduction frauduleuse des peintures des grands maîtres. Ensemble, ils partent à la recherche d’une certaine PJ Puznowski, interprétée par Cameron Diaz, reine du rodéo texan à l’accent très prononcé. C’est qu’un certain Puznowski, le grand-père de cette dernière, aurait dérobé durant la Seconde Guerre mondiale un tableau de Monet, de la série des Meules. Un tableau que Shabandar souhaite avoir dans sa collection, notamment pour compléter une autre œuvre des Meules du peintre impressionniste. Le plan d’Harry Dean est impeccable, ou du moins lui semble-t-il comme tel. Mais Shabandar s’avère plus rusé qu’il ne le paraît et PJ Puznowski plus débrouillarde qu’on ne l’aurait pensé. Entre eux deux Harry, dandy anglais coincé et profil parfait du antihéros, semble perdre les pédales. Et son plan, impeccable en théorie, est en pratique semé d’embûches et d’obstacles.
Le film s’ouvre sur un très amusant générique en animation qui résume bien l’ambiance du film: un homme à lunettes, à l’air bien sympathique qui ne cesse de recevoir coups sur coups. Et le film débute sur la voix du Major racontant aux spectateurs l’histoire à venir. Images prenantes, mise en scène stylisée qui donne à voir séquence après séquence, les éléments et les personnages de l’intrigue, avec leurs caractères bien précis. Un vrai régal qui s’étale sur une trentaine de minutes environ, et qui réserve au spectateur une très agréable et déroutante surprise. Une astuce du scénario qui existait déjà dans le film initial et que les frères Coen reprennent à leur manière. Mais à partir de là, les choses commencent légèrement à s’étaler en longueur. L’intrigue s’effiloche, les personnages apparaissent dans leur aspect très caricatural, le fil du dialogue se perd, les mises en situation sont gratuites. Et ce qui dérange peut-être le plus, surtout venant de la part des frères Coen, c’est le recours aux blagues et anecdotes faciles et commerciales. Un élément auquel ils ne nous ont jamais habitués. Heureusement qu’une délicieuse séquence, qui a lieu à l’hôtel Savoy, captive à nouveau l’attention. Rondement bien menée à l’image d’un vrai vaudeville et métissée d’humour «british», elle vous arrachera sûrement quelques sourires profonds, jusqu’au «twist» final, inattendu.
Gambit doit beaucoup à son acteur principal. Colin Firth, habitué généralement aux rôles sérieux, merveilleux notamment dans A single man et The king’s speech, prouve sa capacité à se glisser dans la peau d’un personnage comique, décalé, maladroit, guindé, légèrement dandy et marginal, le profil du antihéros cher aux frères Coen. Quant à Alan Rickman, il ne s’agit certes pas de sa meilleure prestation, mais il ajoute au film son lot d’incongruité amusante. Cameron Diaz, elle, joue plutôt dans le registre d’un jeu plat et exagéré. A noter également la merveilleuse interprétation de Tom Courtenay dans le rôle du Major.
Nayla Rached
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