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Nº 2885 du vendredi 22 février 2013

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Les enfants face aux écrans. Les principes de base à respecter

Six ans et déjà une tablette en main! L’image ne vous choque pas?! C’est qu’elle est devenue de plus en plus banale. Les enfants sont exposés très jeunes aux nouvelles technologies. Devant la télévision ou les jeux vidéo, les pratiques – qui ne sont pas forcément à bannir – doivent être adaptées à l’âge. Conseils utiles aux parents.

«La télévision est une superbe attraction pour les enfants: des couleurs, des sons, des musiques, autant de tentations pour les tout jeunes que pour les bébés de quelques mois. Si la télévision est une extraordinaire ouverture sur le monde, elle peut aussi parfois isoler le petit dans sa bulle», explique le Dr Foulla Fakhoury, pédiatre.
Que peuvent faire les parents face à leurs enfants joueurs ou téléspectateurs excessifs? Selon le psychiatre français, Serge Tisseron, il faut éviter de dire que votre enfant est «accro», car cela n’a rien de scientifiquement fondé et fait même courir le risque de passer à côté des raisons pour lesquelles un jeune s’isole dans le jeu ou la télévision. Il faudrait déjà savoir s’il s’isole toujours?
Pas forcément car les plateformes virtuelles peuvent constituer aussi un moyen de socialisation et d’apprentissage, selon une nouvelle étude de l’Académie française des Sciences.
C’est pourquoi si les parents doivent régler le temps que leurs enfants passent devant un écran, ils doivent tout autant les accompagner dans la découverte et la pratique des technologies numériques. Cadrer sans accompagner est inefficace, prétendre accompagner sans cadrer est hypocrite.
La prévention du jeu excessif à l’adolescence commence dès la maternelle. C’est la règle «3-6-9-12» qui tient en quatre conseils émis par le psychologue:
Avant trois ans, pas de télévision, après trois ans, selon des règles!
Le temps passé par les bébés devant la télévision – y compris pour regarder les programmes spécialement conçus pour eux – les éloigne de la seule activité vraiment utile à leur âge: interagir avec leurs cinq sens à leur environnement. Jouer, toucher, manipuler les objets, se familiariser avec l’espace en trois dimensions est fondamental pour leur éveil. L’enfant a besoin à cet âge de se percevoir comme acteur. Devant un écran de télévision, il est seul face à une communication sans échange, appauvrissant ses interactions, incité à devenir simple spectateur du monde. Une importante consommation précoce de télévision favorise ultérieurement la passivité.
Le Dr Foulla Fakhoury estime qu’«avant 18 mois, mettre le bébé devant un écran ne lui apporte rien (ne pas dépasser les cinq à six minutes). Pour les moins de deux ans: un maximum de quinze minutes est préconisé pour ne pas créer un besoin chez le jeune enfant.
Entre deux et trois ans, il faut leur choisir des séries courtes de dix à trente minutes».
Selon les experts, si certains parents assurent calmer leur bébé en le plaçant devant la télévision, ce dernier est en réalité captivé par le rythme rapide des images, par des couleurs et des sons d’une intensité largement supérieure aux stimulations sensorielles habituelles de la vie quotidienne. Rien n’a de sens pour lui. Il est intérieurement bouleversé. L’apparente tranquillité correspond chez l’enfant à une forte agitation interne, qui peut d’ailleurs se manifester dès que l’écran s’éteint.
Il est aussi à craindre que les enfants développent une relation privilégiée aux écrans et à leurs modèles, plus importante que celle établie avec les êtres humains qui les entourent. Ils ne se sentiront sécurisés que si un écran est allumé en face d’eux, ou seulement s’ils possèdent l’objet reproduisant le personnage de leurs programmes habituels.
Foulla Fakhoury estime « qu’il ne faut jamais préférer un jeu télévisé même le plus interactif ou épanouissant à un jeu de société!».

Avant 6 ans, pas de console!
En grandissant, l’enfant entraîne son imagination en créant de ses propres mains, notamment par le dessin ou le modelage, ou en jouant avec d’autres enfants. Le contraire arrive lorsqu’il s’initie trop tôt aux automatismes de la console de jeu, au détriment du développement de sa motricité fine et de sa créativité. Les écrans peuvent devenir occasionnels et un moment de jeu en famille, voire d’apprentissage accompagné, mais à cet âge, jouer seul sur une console devient rapidement compulsif. Mieux vaut attendre que l’enfant sache lire car il existe de nombreux jeux qui ne peuvent faire progresser qu’à la condition de comprendre les textes qui lui sont proposés.
Pour le pédiatre, mieux vaut utiliser des programmes spécialement conçus pour les jeunes. «Les DVD pour enfants permettent de contrôler ce qu’ils regardent. Bien choisis, ils leur apprennent à compter, à assimiler quelques mots d’anglais ou d’autres langages, à alimenter leurs connaissances. Tout ceci est possible avec la présence d’un adulte qui commente, discute, critique».

A partir de 9 ans, initiation à Internet
Il est préférable d’attendre l’âge de 8/9 ans avant d’initier un enfant à Internet. Avant de pouvoir naviguer sur la Toile, l’enfant doit apprendre certains éléments qui lui seront nécessaires pour éviter les pièges du Web. Les enfants sont psychologiquement faibles. Seuls les parents sont en mesure de sortir l’enfant du brouillage des repères, notamment en l’aidant à se construire autour de sa propre image, des différences entre vie privée et vie publique, ou encore entre réalité et fiction. Enfin, l’accompagnement sur le Net est essentiel pour que l’enfant intègre trois notions fondamentales: tout ce que l’on y met peut tomber dans le domaine public;  tout ce que l’on y met y restera éternellement; tout ce que l’on y trouve est sujet à analyse. Certaines données sont vraies et d’autres fausses.
A partir de 12 ans, Internet seul mais avec prudence
L’adolescent peut commencer à «surfer» seul sur la Toile, à condition d’avoir compris et assimilé les règles précédentes. Néanmoins, il est nécessaire de lui indiquer certaines règles d’usage, de convenir avec lui d’horaires de navigation prédéfinis, de mettre en place un contrôle parental et de ne pas laisser l’enfant avoir une connexion nocturne illimitée depuis sa chambre. Les parents doivent couper l’accès à Internet à partir d’une certaine heure (21 heures par exemple) et faire respecter la signalétique Pegi (Pan European Game Information) qui attribue à chaque jeu un âge spécifique. L’utilisation excessive de l’écran pour le jeu disparaît généralement dès la fin de l’adolescence. Une diminution des relations sociales et des résultats scolaires doit cependant alerter les parents.

Anne Lobjoie Kanaan

En bref la règle d’or est d’accompagner les jeunes!
Selon le psychologue Serge Tisseron: «Les parents ont plusieurs rôles essentiels à jouer: cadrer, accompagner et valoriser les activités qui impliquent le fait d’être physiquement présents ensemble. Un moment s’y prête particulièrement: le repas du soir pris en commun… à condition évidemment que la télévision soit éteinte! Ces moments seront d’autant plus riches que les parents auront compris que les espaces virtuels sont des lieux où les systèmes de transmission sont bouleversés. Ce ne sont plus seulement les parents qui transmettent des connaissances à leurs enfants. Il existe aussi des formes de transmission ascendantes des plus jeunes vers les plus âgés. L’accepter fait partie, aujourd’hui, des règles de base du bien-vivre en famille».

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