Premier artiste à ouvrir la 10e édition de Liban Jazz, le vendredi 22 février, le saxophoniste français Michel Portal, accompagné de ses trois compères. Quand la musique se fait liberté et euphorie…
A peine installés sur scène, entré de plain-pied dans la musique. Michel Portal Quartet emmène l’audience au gré d’un jeu tellement serré, tellement intense, tellement libre qu’il en devient jubilatoire. Michel Portal, maître enchanteur du saxophone et de la clarinette, dirige ses compagnons, «ses amis» comme il le dira plus tard, d’une main de maître qui accorde à la musique la place privilégiée qui lui revient. Avec Michel Portal Quartet, ce n’est pas seulement une plongée dans la musique, mais une exploration du son, dans toutes ses nuances, dans toute son inventivité, dans son humanisation. Quand Portal murmure des syllabes dans son sax en un souffle rauque, quand Bruno Chevillon tapote de la main les cordes de sa contrebasse, quand Daniel Humair fait entrechoquer ses baguettes, quand Benjamin Moussay se lance en cavalcade sur le clavier de son piano, le défrichement du son se fait en instruments live. Et l’audience exulte. C’est que les musiciens sur scène semblent ne faire qu’une entité musicale, toujours à l’écoute l’un de l’autre, toujours prêts à tressaillir à la moindre note et à y répondre en improvisation libre.
«C’est la première fois que je viens à Beyrouth», lance Michel Portal face à un public envoûté. Il ne cache pas son plaisir de jouer du jazz, «l’une des rares musiques qui peut nous faire renouveler un répertoire». Durant plus d’une heure, les spectateurs voyagent d’ambiance en ambiance, de climat en climat, de joie en ombre, au gré des images qui ne cessent d’éclore, comme des battements de cœur en hypnose, des feux qui explosent, des secrets qui se révèlent. On en sort tellement enrichi, en sons, en sonorités, en sensations, en voyage, en découvertes, en découvertes de soi. Quand la musique devient révélation…
Dix ans déjà
Karim Ghattas, fondateur de Liban Jazz, répond à nos questions à l’occasion du dixième anniversaire du festival.
Liban Jazz, dix ans déjà. Est-ce que vous vous attendiez à un tel succès quand vous avez pris le risque de lancer Liban Jazz?
Liban Jazz n’est pas une opération préméditée, et heureusement, sinon je ne me serais probablement pas lancé. Tout s’est fait à l’instinct. Même aujourd’hui, dix ans plus tard, je me demande quel miracle fait que nous sommes encore là et toujours libres de nos choix, et que le public s’identifie à ces artistes qu’ils soient connus d’eux ou non. Liban Jazz doit beaucoup aux partenaires qui soutiennent ses efforts.
Peut-on avoir une idée de la programmation de cette édition spéciale? Et quelles en sont les particularités?
Ouvrir l’année avec Michel Portal est le fruit d’un long travail qui nous renvoie à l’été 2006, puisque son concert qui était déjà programmé à l’époque avait été annulé. Le 2 avril, pour un concert unique, ce sont les Tindersticks qui fêtent leurs vingt ans de carrière à Beyrouth, sur la scène du Music Hall. Tindersticks c’est un concentré de nuances, d’élégance et une présence sur scène. Leurs concerts font partie des expériences qui marquent pour toujours. Le 12 mai, Rover sera l’invité de Liban Jazz. «L’artiste révélation» 2012 avec un premier album encensé par le public et la presse française. Pour ceux qui ne le connaissent pas, à découvrir sans plus attendre! Il y aura aussi, Enrico Pieranunzi et son «Fellini Jazz», hommage en musique et en images au metteur en scène italien le plus connu et probablement aussi le plus farfelu.
Dix ans plus tard, quelle place pensez-vous que Liban Jazz occupe sur la scène locale?
Une place un peu décalée, je crois. J’espère. Je suis habité depuis dix ans par ces concerts, c’est quelque chose qui ne me lâche pas, il n’y a pas de «logique de marché», juste l’envie de partager des choses sincères qui nous touchent. Ces concerts je les vois comme des respirations tout le long de l’année.
Allez-vous suivre la même approche pour les années à venir?
Je fais le malin en interview, mais le programme dépend surtout de ce que j’écoute. Alors je dis que nous faisons preuve d’ouverture, que nous allons dans ce sens ou dans un autre mais en vérité, la plupart du temps je fais partager la musique que j’aime écouter. Je vais tâcher de faire mon travail avec sincérité et on refait le point dans dix ans.
Propos recueillis par Nayla Rached
Mahalli de Danya Hammoud
La belle et la bête
La compagnie de théâtre Zoukak a présenté, du 19 au 21 février, au théâtre Tournesol, Mahalli, une performance chorégraphiée et interprétée par Danya Hammoud. Quand le corps devient émotions…
En l’espace d’une trentaine de minutes, Danya Hammoud a captivé son audience, l’attention figée sur ce corps qui se meut tout en lenteur. Une audience composée d’une soixantaine de personnes, parce que, pour cette performance intime, la scène a été aménagée de manière particulière. Le public se trouve sur la scène même du tournesol assis sur des estrades, alors que l’autre partie de la scène est drapée d’un long rideau noir pour saisir l’ombre même de chaque mouvement.
Au son d’une musique inquiétante, ressemblant étrangement au son des bombardements, Danya Hammoud fait son entrée, tout habillée de noir, en toute lenteur. Une lenteur où chaque geste, chaque mouvement explose par son intensité. Là, il n’y a aucune gratuité, aucun mouvement superflu. Et parce que le visage est l’expression même du corps, Hammoud transmet ses émotions par ses traits, tous ses traits, qui tour à tour se figent, se meuvent, deviennent inquiétants, sensuels… deviennent femmes, deviennent femelles. Une exploration audacieuse et captivante du corps, de chacune de ses composantes, des mains, au visage, aux jambes jusqu’à son pivot central, le bassin. Une redécouverte sobre et épurée de la danse et du corps.
Produit par le Centre national de danse contemporaine (Angers, France), Cocoondance/Theater Im Balsaal (Allemagne) et Zoukak, Mahalli a été créé en novembre 2011 et présenté dans plusieurs festivals de par le monde, avant d’atterrir à Beyrouth et de poursuivre sa tournée mondiale.
Sur les planches
J’ai un poisson rouge
3endi samaké thahabiyé est un spectacle écrit, mis en scène et interprété par Yara Bou Nassar et Elie Youssef. Comédienne et docteur-clown professionnelle, Yara Bou Nassar multiplie ses activités au théâtre et à la télévision et enseigne l’art dramatique depuis 2009. Même activité du côté de l’auteur et acteur Elie Youssef, qui a notamment pris part à Gebran et le Prophète, Le retour du phénix, Saïf 840 et écrit et dirigé les pièces Alpha B, Shesh Besh. Du 28 février au 17 mars, à 20h30, ils présentent sur les planches du théâtre Monnot le fruit de leur dernière collaboration: J’ai un poisson rouge.
Un homme, une femme, un souvenir. Des années après leur première rencontre, ils se retrouvent et partagent des histoires qu’ils ont vécues dans leur pays d’émigration, une quête vers la recherche d’une appartenance déterminant leur identité.
Billets en vente à la Librairie Antoine et au théâtre Monnot: 30000 L.L. – 20000 L.L. et 15000 L.L. (étudiants).
Machakel Jenssiyeh
Sous la direction de Patricia Nammour, Chaker Abi Abdallah présente le spectacle Machakel Jenssiyeh, au théâtre Monnot, jusqu’au 3 mars, à 19h30. Entre amour, haine, désespoir, sarcasme et humour, un homme de 40 ans raconte son pays et sa propre histoire à travers son pays.
Billets à 20000 L.L. en vente à la Librairie Antoine et au théâtre Monnot.
Les Pâtissières
En 2010, Nabil el-Azan avait mis en scène la merveilleuse pièce de Hoda Barakat, Viva la Diva, interprétée par Randa el-Asmar. Voici son nouveau spectacle, Les Pâtissières, sur un texte de Jean-Marie Piemme, avec Chantal Deruaz, Christine Guerdon et Christine Murillo, qui, après son triomphe à Paris, sera présentée sur les planches du théâtre Tournesol, du 7 au 10 mars, à 20h30.
Mina, Flo et Lili, les sœurs de la pâtisserie Charlemagne, ayant été obligées de vendre la maison ancestrale, retracent le visage d’une époque qui préfère les produits industriels à la qualité fait main. Un avant-goût de la pièce avec ces propos de Nabil el-Azan: «De trompe-l’œil en faux-semblants, de simulacres en jeux de piste, la pièce avance pourtant sur des réalités familières, douloureuses même, de la vie… Les choses ne sont tout à fait pas ce qu’on croit qu’elles sont. On est bien au théâtre… L’espace de la pièce… ne serait alors qu’un immense dispositif de jeu. Jeu de rôles, de miroir en abîme, jeu de massacres. Alors jouer… on ne va pas s’en priver!».
Billets en vente au théâtre Tournesol (01-381290): 30000 L.L. et 20000 L.L.
80 steps
La compagnie de théâtre Beirut 8:30 présente la pièce 80 steps, dirigée par Aliya Khalidi et écrite par Randa el-Khalidi. Mettant à l’affiche Lina Abyad, Faek Humaissi, Raeda Taha, Nazha Harb et Ali Mneimneh, 80 steps est une étrange et comique tranche de vie, qui tourne autour des thèmes de la vieillesse, de la retraite, de la tolérance, de l’acceptation de la mort…
La pièce se poursuit au théâtre Babel jusqu’au 3 mars, à 20h30.
Informations: (01) 744033 – (70) 058183.