Magazine Le Mensuel

Nº 2887 du vendredi 8 mars 2013

ACTUALITIÉS

Philip Gordon. Le nouveau Monsieur Moyen-Orient d’Obama

Autour du président américain, l’équipe du second mandat est désormais en place. Samedi 2 mars, Philip H. Gordon a été nommé au poste de coordinateur de la Maison-Blanche pour le Proche-Orient. Qui est ce proche du président? Qu’augure sa nomination pour la politique étrangère américaine dans les prochains mois? Portrait.

«Mister Middle East», à la Maison-Blanche, ce n’est pas rien. Tom Donilon, conseiller à la sécurité nationale du président Barack Obama, a qualifié Philip Gordon de «membre-clé» de l’équipe de politique étrangère d’Obama, estimant qu’il était «la personne parfaite» pour coordonner la politique étrangère des Etats-Unis. La désignation de P. Gordon intervient après les départs de John Allen, de David Petraeus, de Dennis Ross, de Leon Panetta et d’Hillary Clinton, tous plus ou moins favorables au «Grand Moyen-Orient américain». Et ce n’est pas tout à fait un hasard.

Un brillant universitaire
Après un Bachelor à l’Université d’Ohio, Philip Gordon poursuit ses études à la John Hopkins University, où il décroche un master et un PHD en relations internationales en 1991. Professeur et chargé de conférence à l’Insead à Fontainebleau, à la German Society of International Affairs à Bonn, et à l’International Institute for Strategic studies à Londres, il mène une carrière d’universitaire reconnu. Philip Gordon publie près d’une dizaine d’ouvrages; par ses articles, il contribue régulièrement au Los Angeles Times, au Wall Street Journal, au Washington Post, au New York Times ou à l’International Herald Tribune. Membre influent du puissant think-tank Brookings, il a, par ailleurs, été directeur des Affaires européennes au Conseil de sécurité nationale sous la présidence Clinton.
Proche de Barack Obama, Philip Gordon rejoint en 2008 l’équipe de campagne du candidat en tant que conseiller en affaires étrangères. Après la victoire du sénateur de l’Illinois, il est nommé à la charge des Affaires eurasiennes au département d’Etat. Responsable des questions liées à plus de cinquante pays, à l’Union européenne, à l’Otan et à l’OSCE, rien que ça. Un poste de prestige mais sans influence directe. Les décisions se prennent à la Maison-Blanche.
Dans ses nouvelles fonctions, traditionnellement attribuées à un spécialiste plutôt qu’à un diplomate de carrière, Philip Gordon pourrait peser concrètement sur la politique américaine. Voilà pourquoi sa désignation n’est pas sans signification.
Le 11 mars, Philip Gordon remplacera le vétéran Dennis Ross qui n’était plus en poste depuis un an et demi déjà. Jouant sur sa grande expérience, son prédécesseur avait accompagné les négociations avec Israël de Clinton à Obama, des accords d’Oslo aux impasses de Netanyahu. Il connaissait tous les protagonistes et s’était fait beaucoup d’ennemis. Il avait tout tenté et avait tout échoué. Pour les Palestiniens, il était vite devenu le bras américain du Premier ministre israélien.

L’Europe et la Russie
Avec Gordon, ce sera une tout autre histoire, pas dans les objectifs, mais dans l’approche. Pour lui comme pour John Kerry, qui réaffirmait récemment sa détermination pour trouver un accord de paix avant la fin 2016, le conflit israélo-palestinien est une priorité. Contrairement à Ross, il n’est connu ni à Jérusalem, ni à Ramallah. A ce stade des négociations, cette neutralité peut être un avantage non négligeable s’il parvient à instaurer une relation de bonne confiance avec chacune des parties. Autre avantage, sa grande maîtrise des affaires européo-russes. A cet égard, sa désignation est avant tout la preuve que Barack Obama cherche à renforcer la coordination avec la Russie et l’Union européenne. Sur les dossiers syriens et iraniens, cette coopération est devenue indispensable. La relance du processus de paix israélo-palestinien est au moins à ce prix. Les Etats-Unis n’ont plus les moyens de faire seuls les gendarmes du Moyen-Orient, d’autant qu’ils désirent recentrer leur politique sur l’Extrême-Orient. Ce qui est un besoin pour les Américains est aussi une demande pour les Européens qui veulent voir les choses évoluer et pour les Russes dont la diplomatie redevient ambitieuse après la période post-URSS.
La nomination de P. Gordon accrédite les théories du lent et progressif désengagement des Etats-Unis – qui seront dans les prochaines années indépendants énergétiquement – au Moyen-Orient.
 

Antoine Wénisch

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