Magazine Le Mensuel

Nº 2889 du vendredi 22 mars 2013

Editorial

Ras-le-bol

Coupables ou non? Pourris ou non? Incompétents ou non? Nous sommes tous responsables. Le pays va à la dérive et nous assistons à son implosion. Impuissants, diront certains. Simple excuse pour le laxisme de quasiment tous. Les manifestations de colère qui explosent un peu partout, si elles ont les mêmes raisons n’ont, certes, pas toutes les mêmes motivations. Les salariés ont un droit sacré du fait, au moins, de ce qui leur a été promis. Nous ne pouvons pas le leur contester. On les balance d’une échéance à l’autre et ils continuent à paralyser le pays. Pensent-ils pouvoir bousculer ainsi les dirigeants? N’est-ce pas finalement les citoyens qui payent le prix de leurs mouvements? Les administrations publiques ne fonctionnent plus. Les formalités des citoyens sont remises, on ne sait à quand. Les écoliers, même si leurs collèges ne sont pas fermés, n’en sont pas moins perturbés. Mais cerise sur le gâteau, le ministre des Affaires étrangères faisant, sans vergogne, cavalier seul au sein d’un gouvernement qui ne gouverne plus rien, réclame de la Ligue arabe la récupération de la Syrie. On ignore si cette mission lui a été conférée par le régime en place à Damas ou par l’un des rares alliés qui lui restent, le fait est qu’il était censé représenter le Liban et adopter sa politique de distanciation. Mais connaît-il seulement le sens politique, sinon linguistique, de ce mot? Quelqu’un parmi ceux qui représentent les plus hautes autorités, en commençant par le Premier ministre, lui a-t-il adressé la moindre remontrance, lui a-t-on rappelé son devoir d’allégeance au pouvoir qu’il représente? Le minimum qui aurait pu être fait dans un Etat qui se respecte aurait été de démettre officiellement ce ministre totalement étranger à la mission qui lui est impartie. A la volonté de quel maître se plie-t-il, faisant fi du président de la République de son pays, chargé de gérer la politique internationale du Liban?
Nous ne sommes certes pas au bout des inepties qui ponctuent les propos et les actes des dirigeants. Chaque jour apporte son lot de rapts d’adultes et d’enfants en contrepartie de rançons, d’agressions et de crimes à caractères confessionnel ou politique, les dernières victimes en date étant les cheikhs sunnites. La portée de ces actes est sans cesse minimisée par un ministre de l’Intérieur qui, convaincu de sa force de persuasion ou de la puissance de son autorité, tente de convaincre l’opinion publique qu’il n’y a pas le feu en la demeure car, à la demande du chef de l’Etat et de celui de l’Exécutif, toutes les mesures sont prises pour l’empêcher. Les malfaiteurs, nous dit-on, sont arrêtés et soumis à des enquêtes dont les résultats, s’ils existent, ne sont jamais communiqués à l’opinion publique. Ils s’inscriront à jamais au registre des secrets des dieux. Les médias rapportent à leurs «une» les menaces qui pèsent sur le Liban. Damas envoie impunément ses missiles sur notre territoire tandis que notre ambassadeur continue de vivre, sans sévir, dans la capitale syrienne dont le représentant à Beyrouth ne se prive pas de donner son avis sur la politique du gouvernement libanais. Tout cela est transmis sur ces chaînes câblées qui diffusent dans tous les pays arabes et même en Occident, décourageant les investisseurs et les visiteurs, tandis que nos concitoyens continuent d’être menacés d’expulsion des pays arabes, même amis. Le ministre du Tourisme annonce fièrement l’arrivée à Beyrouth d’avions transportant nos amis Koweïtiens. Il faut croire qu’il en a rêvé. Il en oublie les restaurants et les hôtels qui ferment leurs portes et mettent leur personnel au chômage au moins technique.
Dimanche dernier, le 14 mars célébrait l’anniversaire de la révolution du Cèdre. Les ténors de la coalition, grand bien leur fasse, ont laissé la parole à des enseignants, avocats, ingénieurs, intellectuels… dont les interventions reflétaient à la fois l’espoir et la volonté de faire revivre ce 14 mars 2005 et de réveiller ceux qui dorment sur des lauriers fanés depuis l’époque et qui, en apparence, semblaient avoir quitté le bateau de la liberté tant chantée sur cette place qui porte son nom. Enfin, comme tous les peuples du monde, les Libanais ont assisté sur leurs petits écrans à l’intronisation du successeur de saint Pierre, élu par la grâce du Saint-Esprit. Peut-on espérer qu’un jour ce même Saint-Esprit s’aventurera dans le ciel du Liban?

Mouna Béchara

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