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Mouna Béchara

Si le rêve devenait réalité

En se retirant du Sérail, Najib Mikati a-t-il voulu faire un coup de maître ou était-ce simplement un aveu d’échec? En acceptant la mission qui lui avait été confiée, le Premier ministre démissionnaire, loin d’être novice en politique, n’aurait-il pas dû s’attendre à être l’otage de ceux qui l’ont appuyé? N’a-t-il pas réalisé l’emprise qu’ils auraient sur son action et ses décisions et l’obligation de répondre aux exigences des uns et des autres? Harcelé de toutes parts, ne pouvant plus supporter les pressions, il aura enfin baissé les bras. Quoi qu’il en soit, son départ fait souffler un vent d’optimisme sur le Liban et sur les citoyens qui plient sous le poids des difficultés quotidiennes. Grèves et manifestations, insécurité et enlèvements ont réduit à néant, ces derniers temps, toute vie et toute économie dans le pays. Son successeur soutenu, acclamé et encouragé d’une même voix par les courants politiques, aura-t-il les moyens de sa politique? Les obstacles n’ont pas tardé à surgir. Les revendications contradictoires pleuvent. Lui sera-t-il possible de tenir tête dans l’intérêt national? Connaîtra-t-on enfin une nouvelle ère qui nous ramènerait aux années, dites glorieuses, où les ténors du pouvoir, toutes confessions et toutes appartenances confondues, tenaient ensemble le gouvernail du pouvoir? Une époque que les plus jeunes n’ont pas connue. Celle d’un Saëb bey, Premier ministre, franchissant en pleine guerre la ligne de démarcation, pour retrouver à l’évêché grec-orthodoxe, au cœur d’Achrafié, le fondateur du parti phalangiste, cheikh Pierre Gemayel. On a encore en mémoire cette image, à peine croyable de l’époque: celle des militants Kataëb accueillant au milieu d’une haie d’honneur celui qui, de l’autre côté de la capitale, était un rival. Aujourd’hui, un jeune loup du parti, député de la nation, prône à son tour l’ouverture, la tolérance, la modération et fait preuve surtout de courage. Son discours est certes tranchant. Défiant les menaces qui pèsent sur lui, les appels à la vigilance qui lui sont adressés de partout et les douloureux drames qu’il a déjà vécus au sein de sa propre famille, Sami Gemayel assène haut et fort des vérités que, dans leur majorité, ses pairs craignent même de chuchoter. Il appelle les citoyens à se révolter contre les pratiques politiciennes actuelles, contre les ingérences des nations proches ou éloignées auprès desquelles certains trouvent conseils et appuis.
A sayyed Hassan Nasrallah, il pose la question qui fâche: «Le régime syrien méritait-il que le Hezbollah lui sacrifie les jeunes qui se font tuer pour lui?». C’est sur cette génération de jeunes engagés, à laquelle appartient Sami Gemayel, que nous avons toujours misé dans les colonnes de notre hebdomadaire. C’est sur eux que le pays compte pour se reconstruire. Le Premier ministre du gouvernement démissionnaire, cède la place à Tammam Salam, formé à l’école d’un père qui, on ne cesse de le répéter, avait pour principe d’œuvrer pour un Liban, «uni dans ses deux ailes». Adoubé à l’unanimité, même si parfois à contrecœur, couvert d’éloges et d’encouragements, le Premier ministre désigné affronte déjà, lui aussi, les conditions de certains qui l’ont soutenu, souvent même du bout des lèvres. Le premier handicap qui pourrait entraver sa mission, est la composition du gouvernement qu’il s’est attelé à former. Sera-t-il d’union nationale ou d’entente nationale comme le souhaitent certains qui, toutefois, lui donnent chacun un sens propre? N’a-t-on pas tiré les leçons d’un passé pourtant proche? A-t-on oublié ou veut-on occulter les précédentes expériences et la paralysie provoquée par une opposition interne au gouvernement d’union nationale? Ne vaut-il pas mieux parler d’une équipe homogène? La tâche de Tammam Salam n’est, certes, pas facile. Il faut, toutefois, espérer que les seigneurs de la République comprennent enfin qu’ils ont autant, sinon plus, à perdre que le citoyen lambda en continuant à laisser pourrir les institutions, comme tel a été le cas. Un pourrissement dont ils ne pourront pas profiter longtemps.

Mouna Béchara
 

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