Magazine Le Mensuel

Nº 2893 du vendredi 19 avril 2013

Editorial

Ces vents qui soufflent d’ailleurs

D’une tutelle à l’autre… ainsi va le Liban. Pliant jadis sous la dictature ottomane, dominé sous le mandat français, le pays gagne son indépendance, par la grâce d’une politique étrangère, avant de retomber sous la coupe des réfugiés palestiniens et, enfin, sous le poids syrien. Où sont donc nos «Hommes» politiques qui méritent qu’on dérange la majuscule pour eux? Ceux qui briguent une place dans l’hémicycle ou au Sérail quitte à la quémander auprès d’une chancellerie? Ceux qui retournent leurs vestes au gré des vents du Levant ou de l’Orient? Ceux dont le but suprême n’est, certes pas, d’apporter des solutions sociales et économiques à des citoyens noyés sous le coût de la vie? Ceux qui n’ont jamais compris que la politique, c’était l’art  d’assurer le «bien-être du citoyen»?

Loin de nous toute idée de surenchère, mais un souci égoïste de retrouver un pays qui récupère ses atouts et la joie de vivre que lui reconnaissent les visiteurs étrangers, hélas de plus en plus rares.

Dans les années soixante-dix, un haut responsable, répondant aux questions des journalistes qui, déjà à l’époque, reprochaient à l’Etat son inertie, avait justifié ce dernier du fait qu’il n’avait qu’une trentaine d’années d’indépendance et qu’il n’avait pas encore la maturité suffisante pour se prendre en main. Quatre décennies plus tard, le Liban en est toujours là. Aucune crise n’est résolue sans le parrainage d’un «frère arabe» ou d’un ami plus lointain. Nous nous divisons au gré des affinités et des intérêts des uns et des autres. Le Liban est devenu l’Etat tampon entre toutes les forces qui s’affrontent dans la région et un déversoir de tous les conflits régionaux. Washington, qui fait feu de tout bois pour soutenir son allié israélien, en profite. Devant leur impuissance à régler nos problèmes, les leaders de tous bords, de droite comme de gauche, se cherchent des appuis hors frontières. On eut ainsi recours, dans les années de la guerre, dite civile, à une force arabe de dissuasion qui, aussitôt mise en place, dégage le terrain pour céder la place à Damas. Ce furent les dissensions internes: pour ou contre la présence syrienne. Celle-ci s’est incrustée au point que le spectacle de ses troupes quittant le Liban, au lendemain du 14 mars 2005 et la révolution du Cèdre, a provoqué un enthousiasme populaire incroyable. Hélas, de courte durée. La Syrie continuait à mener sa politique au Liban, approfondissant encore plus les clivages. En 1989, la guerre ayant atteint son paroxysme, les parlementaires, réunis, comme de juste, en dehors d’un Liban privé de toutes ses institutions, se retrouvaient à Taëf, sous l’égide de Riyad et de Damas pour élire un chef d’Etat. Ce fut René Moawad, assassiné quelques jours plus tard, le jour même où était célébrée l’Indépendance du pays. Son successeur, Elias Hraoui, ne réussit à rejoindre le siège de la présidence que bien plus tard, une présidence vidée de tout pouvoir. En 2006 puis 2008, le Hezbollah imposa sa politique répressive fracturant la société politique et civile du Liban. C’est alors vers Doha que les «seigneurs de la guerre» se tournèrent. Ce fut l’élection du général Michel Sleiman à la tête de la République. Cinq ans plus tard, un Premier ministre désigné à l’unanimité parlementaire, peine à former une équipe ministérielle homogène. Le point culminant du désaccord réside dans la loi électorale. Des calculs pointus d’apothicaires sont faits par les uns et les autres sur leurs chances d’obtenir la plus large présence dans l’hémicycle. Les dossiers en suspens, l’insécurité régnante et l’économie en berne… passent au second plan des préoccupations de nos représentants de l’heure. Jusqu’où nous mèneront donc ceux qui ont le pouvoir, supposé démocratique, avant d’avoir le sursaut qui peut sauver le Liban du désastre qui se profile à l’horizon et rendre enfin à ce pays, qualifié de «message» par le souverain pontife et glorifié par tant de chantres à travers le monde, la dignité de son peuple?

 

Mouna Béchara

 

 

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