«Quelle est la différence entre les yeux qui ont un regard et les yeux qui n’en ont pas? Cette différence a un nom: c’est la vie». C’est donc dans ce sens que Georges Khabbaz, ambassadeur de la LDSA (Association de parents d’enfants trisomiques) répond aux questions de Magazine.
Pourquoi et comment avez-vous décidé d’intégrer cette association?
C’est, en fait, l’association qui m’a choisi. J’avais, dans le temps, sorti un long métrage intitulé Ghadi, l’histoire d’un enfant trisomique et de sa relation avec son père qui cherche à intégrer son fils dans la société. J’ai principalement travaillé sur ce film, parce que nous avons une fausse vision de ce qu’est réellement la trisomie. Comment voulez-vous que nous acceptions l’autre dans sa différence religieuse lorsque nous sommes incapables de l’accepter dans sa différence physique?
Quelles difficultés se posent pour les parents d’enfants trisomiques?
Je relève deux principales difficultés: la première est que les enfants trisomiques requièrent une plus grande attention et une éducation différente de celle d’un autre enfant. Deuxièmement, les parents d’enfants trisomiques souffrent du jugement de notre société libanaise qui étiquette les gens, les mesurant selon leur paraître, et non leur être. Les Libanais portent soit un regard de pitié soit un regard de supériorité à l’égard de ces enfants. Or, ce qu’ils ignorent, c’est que bien que ces derniers aient effectivement un besoin spécifique qui les distingue des autres, cela ne les empêche pas pour autant de faire partie de la société.
Vous dites vouloir changer le regard de la société sur la trisomie. Qu’y a-t-il à changer, selon vous, à part l’éradication du mot «mongolien»?
Cette appellation est ancienne. Elle n’est d’ailleurs ni scientifiquement ni humainement correcte. Nous avons tous nos faiblesses (physiques et/ou morales) et nos besoins. Le besoin de ces enfants est explicite. Il se manifeste par leur trisomie. Nous devons, en tant qu’êtres humains, chercher à vouloir combler non seulement nos propres besoins, mais aussi ceux des autres.
Le 7 juillet 2011, la France inscrit dans sa législation «l’obligation faite au médecin et à la sage-femme d’informer toute femme enceinte sur le risque que son futur enfant soit atteint de la trisomie 21». La femme a-t-elle le droit dans ce cas-là de pratiquer l’IVG légalement?
Le médecin se doit d’informer les parents du cas de l’enfant et ces derniers ne doivent pas être en mesure de l’empêcher de vivre. Cet enfant est né; il a un rôle précis à jouer dans la vie (ce que nous montre clairement le film Ghadi). Je vais vous donner un exemple très simple. Imaginez un grand moteur. Ce dernier est formé de petites pièces, et chaque pièce est indispensable à son bon fonctionnement. L’enfant trisomique est par là-même essentiel au cycle de la vie. Il n’est ni légitime, ni moral, ni religieux de décider de l’éliminer.
Comprenez-vous la peur des parents à l’idée d’avoir un enfant trisomique?
Oui, je les comprends parce qu’ils vont devoir axer tout leur intérêt, toutes leurs préoccupations sur cet enfant. Mais cela en vaut la peine; il suffit tout simplement de transformer cette peur en énergie positive. L’enfant trisomique est loin d’avoir de mauvaises intentions, de blesser les autres. Il est supposé bénéficier du plus grand amour.
Propos recueillis par Natasha Metni
Pour une intégration juste
Afin d’insister sur la nécessité de changer le regard porté par la société sur les enfants trisomiques et dans le but d’éradiquer l’usage du mot «mongolien», la LDSA (Association de parents d’enfants trisomiques) a dernièrement organisé une conférence à l’hôtel Le Gabriel, à l’occasion de la Journée internationale de la trisomie 21. Les deux ambassadeurs de l’association, le comédien Georges Khabbaz et Rahaf Abdallah, Miss Liban 2010, ont revendiqué l’intégration de l’enfant trisomique de manière juste et humaine au sein de la société.