Le Festival international de Tango a célébré sa 5e année consécutive à Beyrouth du 23 au 30 avril 2013. Un florilège de spectacles et d’ateliers regroupant professeurs, danseurs et maestros du monde entier a défloré la scène beyrouthine tel un «animal à quatre pattes [avec] deux cœurs qui battent».
«Le tango, c’est l’expression verticale d’un désir horizontal». Né à la fin du XIXe siècle, à une époque où la communauté noire d’Amérique latine issue de l’esclavage au Río de la Plata, le tango argentin connaît une genèse assez tourmentée et mouvementée. Alors qu’avant 1927, l’orchestre et la qualité musicale étaient primaires, voire vierges, l’année 1935 fut marquée par une évolution considérable que ce soit au niveau de la danse ou au niveau musical et instrumental avec Darienzo. Le tango, ce «port amical où s’ancre l’illusion» constitue le point de départ d’un voyage qui se fait à deux, comme l’exprime avec beaucoup de passion Mazen Kiwan, danseur et chorégraphe de tango argentin. En 1990, cet artiste, ayant commencé à danser avec la troupe Caracalla, a déménagé par la suite en France où il s’est retrouvé dans la danse contemporaine. Ce n’est qu’en 1997 qu’il découvre le tango qu’il appréciera surtout grâce à la musique et aux films. En 2003, voulant introduire cette «pensée triste qui se danse» au Liban, il y effectue un premier voyage pour un stage de tango argentin avec ses élèves de Paris. Cette odyssée avait pour but d’inviter les Libanais à partager l’expérience de la danse avec des étrangers. En 2009, il introduit le Festival international de tango au Liban avec des participants venus de douze pays, et c’est alors qu’il constate que le nombre de danseurs de tango au Liban a considérablement augmenté. Ainsi, après cinq années consécutives au cours desquelles le festival a embrasé la capitale beyrouthine en embrasant les corps des danseurs et des participants, le BITF (Beyrouth International Tango Festival) a veillé en 2013 à révéler le secret de cette danse basée sur l’improvisation avec la collaboration de vingt-cinq danseurs, maestros et chorégraphes étrangers reconnus internationalement. Cette année, le festival a été constitué de deux soirées au Music Hall (les 23 et 24 avril), de workshops (du 25 au 28 avril) à l’AUB et de visites touristiques à travers le Liban (les 29 et 30 avril). Un cèdre a également été planté dans le Chouf portant le nom de BITF.
Pour revenir à ce qu’est réellement le tango, Mazen Kiwan le définit comme une histoire d’élégance basée sur l’écoute entre les partenaires, sur l’harmonie, sur l’entente mutuelle, mais aussi sur la quête de l’autre. «Pour tous ceux qui croient qu’il s’agit de machisme, vous vous êtes mal renseignés», affirme-t-il. A la question de savoir si cette danse requiert ou non une certaine maturité, Kiwan confirme que «la maturité s’acquiert. C’est comme la culture. On ne peut pas arriver à un certain âge et se dire «ça y est, je suis cultivé». De même pour le tango; cet art aide à gagner en maturité; c’est une éducation à la fois corporelle et mentale où les partenaires apprennent à s’écouter, à être responsables, actifs sans pour autant éprouver le besoin d’être assisté par l’autre. Ce n’est pas non plus une danse où la femme «suit» l’homme, mais plutôt une ronde où tous deux s’affirment sous le regard de Séléné, affirmant leur identité dans une aura de parfaite harmonie.
Mazen Kiwan insiste aussi sur la différence entre le tango standard et le tango argentin: «Ce sont deux danses complètement différentes. La seule chose qui leur est commune, c’est le mot tango». Dans la mesure où le tango standard est, comme son nom l’indique, «carré» avec des pas bien définis et répétitifs, le tango argentin, lui, est basé sur l’improvisation, sur l’expansion dans un espace mystique et mythique avec des pas qui progressent en cercle sur piste dans un tourbillon de passion, de tristesse égayée, de violence sensuelle et de mal délicieux.
Natasha Metni