Elle est spécialiste des questions relatives au dialogue des civilisations, dialogue qui lui tient à cœur. Fille de Wafic el-Tibi, fondateur du quotidien al-Yaoum, journal nationaliste arabe, le journalisme coule dans ses veines. Dans son ouvrage L’islam et la femme, Zeina el-Tibi fait «un rappel pour en finir avec les exagérations et les clichés» et préciser ce que dit exactement l’islam au sujet de la femme.
L’islam et la femme, objet de toutes les controverses. Pourquoi avoir décidé d’écrire un ouvrage sur ce sujet intarissable?
Depuis le 11 septembre 2001, j’ai senti un changement dans la vision de l’Occident du monde arabe. Quand on dit «monde arabe», selon les Occidentaux, on parle forcément de monde musulman. A la même époque, le Sommet de la francophonie, qui a eu lieu au Liban, s’est articulé autour du thème du Dialogue des cultures, en réponse au choc des civilisations dont certains idéologues néoconservateurs des Etats-Unis parlaient, ainsi que d’autres extrémistes occidentaux. On en était arrivé là, à cause notamment d’une méconnaissance mutuelle. L’incompréhension est donc le phénomène principal qui caractérise les relations entre l’islam et le monde occidental. Et parmi ces facteurs d’incompréhension dont souffre l’islam, la condition de la femme occupe une place prépondérante. Aux yeux de certains, l’islam serait la religion qui opprime la femme, qui la place dans une situation d’infériorité. Le prisme déformé de la représentation de la femme musulmane joue un grand rôle dans les polémiques visant à réduire l’islam à des images caricaturales nourries à la fois par des extrémismes déviants, l’ignorance de la pensée islamique et la mauvaise foi.
Vous dites vouloir abattre les clichés et les exagérations, que l’islam a libéré et honoré la femme, qu’aucune religion n’a donné à la femme autant d’importance que l’islam. Comment êtes-vous arrivée à cette conclusion?
L’islam a donné des droits à la femme. Il a affirmé sa présence dans la société et a codifié ses droits. Et cela est très clair dans le Coran. La religion musulmane est, dans son essence, la religion du juste milieu. L’islam est la religion de la modération. Le Prophète dit à l’Homme: «Le meilleur d’entre vous est celui qui est bon avec sa femme, Dieu le récompensera». Il dit aussi: «Dieu a fait de vous un couple». Cela veut tout dire. En effet, ce sont les traditions sociales qui ont dévié le message initial de l’islam. L’excision, par exemple, cela n’existe pas dans la religion musulmane.
Quel est le message essentiel que vous avez voulu transmettre?
Je veux dire que cette religion que vous montrez du doigt n’est pas celle que vous pensez. C’est une religion sociale et spirituelle (deen wa dunia) qui possède un principe de mouvement dans sa structure, une force motrice qui est l’effort consistant à tirer des lois nouvelles à partir des sources originelles (l’ijtihad). Ceci est une nécessité qui ne contredit d’ailleurs pas les préceptes de l’islam. L’exemple de ce qui s’est passé au Maroc en 2004 en est une preuve. Il y a eu la nouvelle «moudawana», c’est-à-dire le code de la famille où on a amélioré le statut de la femme grâce à l’intervention du roi, commandeur des croyants; la femme est devenue à égale responsabilité que son mari dans le couple. Propos recueillis par Danièle Gergès
Bio en bref
Zeina el-Tibi est présidente déléguée de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris. Chercheuse et essayiste, spécialiste des questions relatives au dialogue des civilisations et des sociétés méditerranéennes. Membre d’Euro-Med Woman Network du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe et enseignante au sein du Master international d’études islamiques de l’Université ouverte de Catalogne à Barcelone, codirectrice et chef du bureau de Paris du magazine libanais al Ayam. Elle préside l’Association des femmes arabes de la presse et de la communication à Paris. Elle est la fille de Wafic el-Tibi, propriétaire du quotidien libanais al-Yaoum, journal nationaliste arabe fondé par Afif el-Tibi, ancien président de l’Ordre de la presse. Elle est mariée et vit à Paris.