Fondé en 1959 par le père Michel Khalifé, l’Institut moderne du Liban a reçu et continue de recevoir des élèves qui croient en sa philosophie, celle du Gai-Savoir. La devise de l’établissement est que tout le monde peut réussir s’il est suivi de près et que ses capacités sont respectées. Devise réussie si l’on pense que l’un des élèves les plus rebelles, Bachir Gemayel, a été élu président de la République.
De nombreuses personnalités libanaises ont passé par l’Institut moderne du Liban: Bachir Gemayel, Khalil Hraoui, Wadih el-Khazen, Salim Jreissati, Salah Honein, Nabil de Freige, Henri Hélou, Nassib Joumblatt, Youssef Charafeddine, Ghazi Zeaïter… Connu et reconnu pour avoir appliqué une philosophie innovatrice, cet établissement précurseur a obtenu un tel succès, dès son ouverture à Hazmié en 59, et avant de s’établir à Fanar, que certaines critiques lui étaient faites de recevoir les élèves ayant échoué ailleurs. A cela, le père Khalifé répondait inlassablement: «De ces élèves recalés, nous avons fait des hommes».
Il disait aussi: «Œuvrons ensemble à donner à nos enfants un supplément d’âme, nous aurons certainement contribué à leur donner un supplément de bonheur». Pour lui, il s’agissait de développer la personnalité de l’enfant dans «l’ordre et l’harmonie». «Pour l’enfant, jouer est une cérémonie et c’est également cela que d’apprendre, assurait ce précurseur qui, malgré les critiques, a su rester fidèle à sa conviction profonde qui est celle d’individualiser l’enseignement, de l’humaniser et d’aborder chaque enfant comme un foyer de promesses originales, comme un projet unique, avec sa manière inimitable d’être lui-même».
«Quand Bachir Gemayel est arrivé en classe de 5e à l’Institut, raconte Maroun Khalifé, administrateur de l’école et neveu du père Khalifé, c’était un élève rebelle, révolté, difficile. Si le père Khalifé ne l’avait pas pris en charge, il n’aurait pas poursuivi sa scolarité et pourtant… Bachir Gemayel est devenu président de la République libanaise. Les exemples de ce genre sont nombreux». «Nous maintenons le même système éducatif appliqué par le père Khalifé, poursuit-il. Nous accueillons des élèves, tous les élèves qui présentent une demande d’admission. Nous les accompagnons de près, les formons, les responsabilisons, leur apprenons à respecter les valeurs et nous respectons leurs personnalités. Dans ce contexte, nous veillons à ce que, dans chaque classe, il y ait seulement une quinzaine d’élèves et que le principal des études se fasse à l’Institut pour alléger le travail à la maison. De nos enfants, nous avons fait non seulement de brillants universitaires qui réussissent au Liban et à l’étranger, mais surtout des hommes, dans tout le sens du terme».
Témoignage d’un ancien élève, devenu ministre
«Mes parents vivaient à Zahlé, confie cet ancien ministre qui préfère garder l’anonymat, et ont donc choisi de me placer dans l’une des écoles de la région. Dès le départ, il s’est avéré que j’étais un mauvais élève et je ne restais pas longtemps dans le même établissement. Un jour, mes parents m’annoncent solennellement que je vais être placé en pensionnat dans une école à Beyrouth pour m’obliger à plus de rectitude et de sérieux. J’étais, de fait, un enfant rebelle, insouciant, paresseux et cette déclaration m’a soulagé car j’espérais ainsi m’éloigner d’un père trop sévère. C’est ainsi qu’un jour, je débarque à l’Institut moderne qui changera ma vie. Moi, l’enfant rebelle je trouvais dans l’Institut de nombreux garçons qui me ressemblaient. Notre personnalité était respectée. Moi qui venais de ce qu’on appelle une famille politique, je me retrouvais dans la cour des jeunes venant du même milieu. Ensemble, nous refaisions le monde. Bachir Gemayel nous subjuguait par sa forte personnalité. Je me souviens des allées et venues incessantes de son père. Il venait s’assurer que son fils était enfin dans le droit chemin. Je me rappelle aussi d’un copain qui a été pris dans les filets de la drogue, mais que nous apprécions beaucoup pour sa sensibilité et ses prises de position contre l’injustice sociale, lui, qui venait d’une famille très aisée. Il est, d’ailleurs, devenu l’un des fondateurs d’un projet social qui facilite la vie de nombreuses familles. Je me souviens du père Khalifé qui nous disait à nous, la bande qui refaisait le monde à sa manière: «Soyez des Libanais authentiques. Luttez contre toute supercherie et apport superficiel. Assumez votre passé et votre histoire. Soyez un centre de rayonnement, un élément d’harmonie entre voisins. Gardez cette disponibilité et cette ouverture à l’universel. Il m’arrive souvent d’entendre encore ces mots résonner dans ma tête et de me demander si nous, Libanais, avons été fidèles à ce message».
Danièle Gergès
Un institut pas comme les autres
Fondé en 1959 par le père Michel Khalifé à Hazmié, l’Institut moderne du Liban a connu un tel succès qu’il a dû déménager en 1962 dans ses propres locaux à Fanar
développant sa conception du système éducatif autour de l’emblème du Gai-savoir et du respect de la profonde personnalité de chacun. «Pour se permettre d’exiger de l’enfant le maximum, répétait le père Khalifé, nous sommes profondément convaincus que nous devons d’abord lui offrir toutes les chances et par-dessus tout, la
compréhension et la confiance. Car les enfants, plus que les hommes, se hâtent de ressembler au portrait que nous leur
prêtons». Et cette formule ne sera jamais des paroles dans le vide. Le père Khalifé, et ceux qui lui ont succédé, mettent tout en œuvre pour que la personnalité de leurs élèves s’épanouisse, faisant en sorte, comme l’exprimait si bien le fondateur de l’école «de ne jamais céder quand il faut redresser un pli du caractère, tout en
fermant délibérément les yeux sur tout ce qui est fantaisie suave de l’enfant ou son
originalité rayonnante». Deux formules existent à l’Institut en externe ou en interne. Les études surveillées sont obligatoires pour les élèves afin d’alléger le poids des études le soir à la maison avec, en parallèle, des activités sportives et artistiques
susceptibles d’épanouir leur personnalité.