La communauté chiite est aujourd’hui la plus nombreuse au Liban. Mais ce n’est qu’en 1926 qu’elle est officiellement reconnue. Après l’indépendance de 1943, le partage des pouvoirs était déterminé par une entente entre maronites et sunnites. Les dirigeants chiites de l’époque étaient, pour la plupart, des chefs traditionnels féodaux.
Un tournant s’opère dans les années 1960. Un nombre important d’ulémas chiites libanais ayant achevé leur formation théologique à Qom (Iran) ou à Najaf (Irak), rentre au Liban. Parmi eux, l’imam Moussa Sadr, qui s’impose dans sa communauté en obtenant du gouvernement, en 1967, la mise en place du Conseil supérieur chiite, dont l’objectif est d’affirmer l’identité et la présence sociopolitique des chiites. Le 21 novembre 1967, le Parlement vote une loi, promulguée le 19 décembre 1967 par le chef de l’Etat, qui sépare la communauté chiite de celles des sunnites et des druzes et lui accorde les mêmes avantages qu’aux sunnites.
80 000 hommes en armes
L’imam Sadr crée un mouvement populaire: le Mouvement des déshérités, dont le but principal est de lutter contre le sous-développement socioéconomique dans lequel vivent les régions à prédominance chiite. Au début des années 1970, le mouvement Amal voit le jour en secret sous l’égide de l’imam.
La première grande manifestation de ce mouvement a lieu le 17 mars 1974 à Baalbeck. Son objectif est de protester contre les mesures prises par le gouvernement concernant l’administration et de dénoncer le fait que la communauté n’a pas eu sa part dans les nominations des fonctionnaires de première catégorie. L’imam Sadr a qualifié les chiites de «déshérités» et revendiqué les droits de la communauté sur le plan social et dans l’administration. Il a surtout évoqué le droit de la région du Sud, à majorité chiite, d’avoir sa part dans les projets de développements économiques, et vitaux. Il a menacé de créer des camps d’entraînement au Hermel, où des milliers de jeunes suivraient des entraînements militaires afin de se faire justice.
Le Conseil des ministres, réuni sous l’égide du chef de l’Etat à Beiteddine du 2 au 4 mai 1974, prend certaines décisions, dont l’interdiction du port ou de l’exhibition d’armes. Il avait chargé une commission spéciale formée des ministres chiites d’étudier les revendications de leur communauté.
La réponse des leaders de la communauté ne se fait pas attendre. Le 5 mai, une manifestation se tient à Tyr. 80 000 hommes exhibent leurs armes, malgré l’interdit gouvernemental. Encore une fois, l’imam Sadr prend la parole et lance un appel à la formation d’une armée populaire nationale chargée de protéger le Sud. Tout dialogue avec l’Etat semble rompu.
Bientôt, les chiites se voient fortement soutenus dans leurs revendications. Le Conseil islamique sunnite rejoint l’imam Sadr et lui apporte son appui en dénonçant le système politique libanais.
Le bras de fer avec l’Etat ne s’arrête pas là. Une assemblée générale chiite se tient en septembre 1974 et accorde un nouveau mandat à l’imam Sadr, approuvant sa lutte contre l’Etat, et toutes les mesures qui peuvent en découler jusqu’à la désobéissance civile.
L’année 1974 est fertile en incidents, qui annoncent la dégradation de 1975, et le début de la guerre civile en avril de cette année. Mais ce n’est qu’en juillet de la même année que l’imam Sadr révèle l’existence de la milice Amal, bras armé du «Mouvement des déshérités», soulignant toutefois que sa mission est limitée à la lutte contre Israël. Cet aveu survient au lendemain d’un grave incident ayant eu lieu lors de l’entraînement des jeunes chiites, qui fait 26 tués et 43 blessés.
Arlette Kassas
Création du Hezbollah
La création de la République islamique d’Iran, en février 1979, aidera à la fusion entre les groupes chiites et permettra, en 1983, la
fondation officielle du Hezbollah, qui dévoilera son premier programme politique en 1985. Le parti s’est surtout illustré dans la lutte contre Israël. Mais depuis 2005, suite à la crise
provoquée par l’assassinat de Rafic Hariri, il est entré dans l’arène politique locale.