Magazine Le Mensuel

Nº 2902 du vendredi 21 juin 2013

Confidences Liban

Confidences Liban

Frontière ouverte à tous les vents
Après la propagation des confrontations en Syrie, l’escalade militaire dans les régions frontalières avec le Liban et la violation par la Syrie de la souveraineté libanaise à plusieurs reprises, des voix de la coalition du 8 mars se sont élevées pour réclamer le déploiement de l’armée le long de la frontière libano-syrienne pour empêcher l’infiltration des combattants et des armes à partir du Liban pour soutenir l’opposition syrienne. Un ex-ministre, qui avait participé aux réunions ministérielles organisées à Damas pour l’examen des accords conclus entre les deux pays à l’époque du gouvernement de Saad Hariri, rapporte que l’interlocuteur syrien évitait d’aborder la question du tracé des frontières prétextant l’occupation de Chébaa par les Israéliens. Quant aux membres syriens de la commission sécuritaire commune formée pour examiner le tracé des frontières, ils ont toujours brillé par leur absence. Le contrôle de l’axe frontalier nécessite l’assistance de la Finul et l’installation de tours de surveillance, comme l’avance un ministre.

 

Salam fâché de Geagea
Les déclarations du Dr Samir Geagea ont incommodé Tammam Salam. Le chef des Forces libanaises (FL) l’avait invité à rendre son tablier et à céder la place au cas où il est dans l’incapacité de mettre sur pied son cabinet en un court délai. L’écho de la voix du Premier ministre désigné Salam est arrivé à Maarab, qui a dépêché l’ex-ministre Antoine Karam à Mousseitbé pour tirer les choses au clair. Karam a transmis au président du Conseil une invitation à songer à un gouvernement composé de personnalités neutres, dépourvu de politiques ou de partisans du 8 ou du 14 mars. Ce qui n’a pas empêché Geagea de récidiver, lorsqu’en début de semaine, il a accordé à Salam un délai de quinze jours pour sortir de l’impasse gouvernementale.

 

Vitres fumées: énième dernier délai
Les vitres fumées sur les véhicules devraient disparaître à la fin du mois, dernier délai, avec l’expiration des permis accordés par le ministère de l’Intérieur. Les FSI entameront les mesures nécessaires pour poursuivre les contrevenants. Le ministre Marwan Charbel a formé une commission sécuritaire spéciale sous sa présidence, chargée d’examiner les dossiers au cas par cas, pour mettre fin à cette mode, en réservant un quota pour les présidents, ministres, députés, juges et chefs sécuritaires. Les rapports sont clairs: la plupart des incidents sécuritaires sont exécutés par des conducteurs de véhicules aux vitres opaques munis d’une fausse plaque d’immatriculation. Charbel a indiqué que les forces de l’ordre ont reçu des consignes pour faire appliquer la décision prise en Conseil des ministres.

 

Le commerce des armes prospère
Le commerce des armes est plus florissant que jamais dans les régions frontalières est, selon des rapports 
sécuritaires. A tel point que ce phénomène, qui représente une aubaine pour les marchands d’armes, entraîne une flambée des prix. C’est naturel, estime un politique, à la lumière de la conjoncture qui prévaut, parce que l’Etat et surtout l’armée n’ont pas mis au point un plan pour interdire et pénaliser l’usage des armes… Mais aujourd’hui, les 
responsables ont décidé de réviser la question de l’octroi des permis de détention d’armes en réduisant autant que possible le nombre de ces permis pour ne les émettre qu’au compte-goutte et en cas d’urgence.

 

Al-Madina: enquête terminée
Après le départ à la retraite du procureur général Hatem Madi, il y a une dizaine de jours, le premier juge 
d’instruction, Ghassan Oueidate, s’est dépêché de clore l’enquête sur la banque al-Madina gelée devant la justice depuis des années et de transférer le dossier devant le parquet d’appel afin qu’il l’examine et procède à la publication de l’acte 
d’accusation.
La commission de la Banque centrale en charge de l’affaire avait terminé son enquête et transféré les résultats à la justice. Elle a été surprise par la réouverture du dossier à l’heure où il fallait juste 
poursuivre l’enquête 
et déterminer les 
responsabilités.

 

Gouvernement: scénario plausible
L’application de la formule des 8-8-8 pour la mise sur pied du nouveau gouvernement n’attire plus Walid Joumblatt. Il estime qu’il est préférable d’accorder le tiers de blocage au 8 mars et tente de convaincre le Moustaqbal et Tammam Salam de la justesse de son choix. Après la séparation du leader druze et de Michel Sleiman intervenue au sujet de la prorogation de la législature, une autre divergence commence à filtrer concernant le cabinet en gestation, alors que les deux parties s’étaient mises d’accord sur l’équation 3×8. D’après un observateur, le conflit sur le gouvernement s’envenimera au cours des prochaines semaines, Joumblatt étant déterminé à inclure le Hezbollah dans la nouvelle formation. Salam pourrait dans ce cas se rabattre sur un cabinet de fait accompli qui n’obtiendra pas la confiance du Parlement. Selon ce scénario, la désignation d’un nouveau Premier ministre sera obligatoire et il n’est pas impossible de voir Najib Mikati revenir au Sérail.


Entre Aoun et Nasrallah
Les canaux de communication entre Rabié et la banlieue sud sont bloqués à la suite des positions de Michel Aoun au sujet de l’implication du Hezbollah dans les batailles en Syrie. Gebran Bassil n’a pas hésité à dénigrer l’ingérence du Hezb dans la guerre en Syrie qui a poussé le parti à prendre de «mauvaises décisions au plan interne». Un ex-ministre estime que la marge de démarcation entre les deux «alliés» s’est rétrécie après la chute de Qoussair, l’escalade du recours en invalidation présenté par Michel Sleiman et le CPL et les tiraillements au sein du Conseil constitutionnel… Tous ces développements ont porté le général Aoun à baisser son ton critique vis-à-vis du Hezb et à assimiler les prétextes avancés par ce dernier pour justifier ses options, préférant réhabiliter les ponts avec le duo chiite, surtout le Hezbollah, plutôt que d’aller a contrario. Du côté du CPL, on s’attend à une reprise de contact entre Rabié et Dahié qui précèderait une réunion des quatre pôles du 8 mars: Nabih Berry, Hassan Nasrallah, Michel Aoun et Sleiman Frangié.

Berry veut proroger tous les mandats
Le chef de l’Assemblée, Nabih Berry, attend que le Conseil constitutionnel tranche la question de l’invalidation de la prorogation du mandat du Parlement, présentée par le chef de l’Etat, Michel Sleiman, et le Courant patriotique libre, pour s’atteler à l’examen du dossier relatif au renouvellement du mandat des chefs sécuritaires. Berry a confié à ses visiteurs qu’il était déterminé à reconduire les chefs dans leurs postes avec effet rétroactif afin que le procureur général Hatem Madi, qui a déjà pris sa retraite, puisse en bénéficier, tout comme le général Achraf Rifi. Certains protagonistes du 8 mars se sont insurgés contre cette proposition et réclamé que seul le commandant en chef de l’armée, puisse bénéficier de cette procédure. Les députés du Moustaqbal estiment que la prorogation prévue ne dépassera pas les douze mois et s’appliquera exclusivement au général Jean Kahwagi.

 

Les cellules takfiristes s’activent
Des rapports sécuritaires parvenus à un haut responsable politique parlent de groupes takfiristes présents dans plus d’une région libanaise. Ces bandes s’apprêtent à mener des opérations contre un nombre de cibles en vue de provoquer des tensions politiques et d’alimenter les divisions communautaires dans ces régions. Des takfiristes libanais et palestiniens, qui s’abritent sous l’appellation des «Partis islamistes légaux» et se présentent comme des travailleurs sociaux et humanitaires, seraient en fait en train d’entreposer des armes, des munitions et des explosifs. Le même rapport révèle que certains groupuscules se sont installés sur le littoral entre Beyrouth et Saïda, afin d’être en mesure de bloquer l’artère côtière au moment opportun. D’autres cellules ont été repérées dans le sud du pays et dans le Mont-Liban. Pour débusquer ces bandes, une coopération s’est établie entre plusieurs formations, d’autant plus que les roquettes parties de Aïtate sur la banlieue sud ont dévoilé les capacités logistiques et tactiques dont disposent ces groupes. Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont d’ailleurs réussi à mettre la main sur le propriétaire de la voiture qui a transporté les obus. Celle-ci provenait d’un camp palestinien 
de Beyrouth.

 

La réconciliation bat 
de l’aile à Bibnine
Expansion des groupes armés rattachés au député Khaled Daher dans la région du Nord. D’après une source du Akkar, l’un des «tigres de Daher», comme ils se surnomment sur leur page Facebook, qui porte le nom de Tarfa, avait attaqué un barrage de l’armée à Halba. Arrêté, il a été relâché suite aux pressions exercées par ses «frères» qui ont bloqué les routes dans la région. Les mêmes éléments armés auraient agressé à Bibnine des citoyens de la famille Hazouri sympathisants du Parti syrien national social (PSNS) à coups de tirs sur les maisons et de menaces. L’attaque a fait trois blessés et n’était pas sans rappeler la tuerie de Halba (10 mai 2008) qui s’était soldée par la mort de 11 membres du PSNS. Le cheikh Oussama Rifaï, ex-mufti du Akkar, est le principal instigateur du dernier accrochage à Bibnine, sous prétexte que les Hazouri s’étaient insurgés contre le passage du cheikh Ahmad el-Assir dans le village sur son chemin vers un hôpital du Akkar pour rendre visite aux blessés syriens. Les Renseignements de l’armée avaient réussi à sceller la réconciliation entre les familles de Bibnine, en réunissant les adversaires politiques. Etaient présents le chef du Rassemblement populaire du Akkar, l’ex-député Wajih Baarini et son fils Walid, Rabih Daher, représentant le député Khaled Daher, le responsable des Renseignements de l’armée dans la région et quelques notables locaux.

 

Washington veut la stabilité
Selon des sources diplomatiques arabes, de nombreux indices montrent que l’Administration américaine souhaite la stabilité du Liban et elle exprime cette position secrètement et 
publiquement. Ce souci rejoint les positions de la Russie et de la Chine, qui ne souhaitent pas, non plus, la déstabilisation du Pays du Cèdre.  Washington a ainsi informé le commandement de l’Armée libanaise que le programme d’aide et de soutien à la troupe se poursuivra. Par ailleurs, les Américains ont averti les dirigeants de l’opposition syrienne, notamment l’Armée syrienne libre (ASL), qu’il lui est interdit de transporter le conflit syrien aux pays de la région, c’est-à-dire la Jordanie, le Liban, la Turquie et l’Irak. Les responsables américains ont été plus explicites, en prévenant les sponsors régionaux des rebelles syriens que le Liban est une ligne rouge et que, par conséquent, il est interdit que la guerre civile éclate de nouveau dans le pays.

 

Tension persistante à Tariq Jdidé
La tension est toujours vive dans le périmètre de Tariq Jdidé à Beyrouth. Les incidents se multiplient dans différents quartiers, comme le rapporte une source de cette région.
Le dernier incident en date a été déclenché par le rassemblement, devant la Cité sportive, de jeunes gens en provenance du quartier Zaroub Deek. Ceux-là ont coupé la route menant à l’Aéroport international de Beyrouth, brûlant des pneus et lançant des pierres, dans une tentative de contraindre les forces de l’ordre à relâcher Bilal Jizzini, recherché depuis 
l’an 2002.
Ces événements sont liés, toujours selon la source locale, à l’apparition du Front al-Nosra et de l’Armée syrienne libre (ASL) dans les ruelles accolées aux camps de réfugiés de Sabra et Chatila.
La même source affirme que le courant du Moustaqbal est en perte d’influence dans cette région, soulignant que l’accrochage qui a eu lieu, il y a environ une semaine, dans le quartier Zaroub Tamliss, entre les partisans du parti de l’ancien Premier ministre Saad Hariri et des éléments de l’association Attakwa, et qui s’est soldé par deux blessés, montre combien le Courant du futur est coincé entre les nouveaux salafistes. En effet, ces derniers étendent leur influence sur les quartiers sud de la région de Tariq Jdidé, et Attakwa, une ancienne association salafiste qui contrôle la mosquée Abdel-Nasser à Mazraa, possède un institut religieux à Aramoun.
Le courant du Moustaqbal considère l’association Attakwa comme la façade de l’ex-mouvement nassériste des Mourabitoun que dirigeait Ibrahim Koleilat durant la guerre du Liban. Cette association se présente, elle, comme salafiste, pacifiste et indépendante.

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