Dans le flot des dépêches qui relatent la montée des tensions au Liban, la presse étrangère, qui s’inquiète de la situation, propose en parallèle des articles de fond, des reportages au long cours qui posent un autre regard sur l’actualité libanaise.
The New York Times
Anne Barnard, correspondante pour The New York Times, était dans le village de Hermel. Extraits de son reportage publié cette semaine.
Le cortège était modeste, comme le sont habituellement les funérailles organisées par le Hezbollah. Quelques centaines de personnes marchant sur les routes sinueuses bordées d’oliviers ballottés par le vent qui souffle dans ce village de la vallée de la Békaa à distance. Le combattant tué en Syrie a été dignement honoré; le cercueil recouvert par le drapeau jaune, les jeunes scouts du parti en uniforme brandissant son portrait, les femmes avec leurs bébés au bras et les couronnes de roses. Mais aux prières et aux chants traditionnels − louant les dirigeants d’Iran et du Hezbollah, dénonçant Israël et l’Amérique − s’est ajouté un autre couplet: «Mort à l’Armée libre».
Ici, l’intervention militaire du Hezbollah en Syrie n’est pas vraiment perçue comme une mission galvanisante, mais plutôt comme une regrettable nécessité. Cette bataille a révélé les liens qui unissent le village de Hermel au reste de la région. Nombreux sont les chiites du village à se rendre de l’autre côté de la frontière ou les villages sunnites avoisinants. Les premiers sont coupés de leurs lieux de travail, de leurs amis et de leurs affaires. Aujourd’hui, des soldats fouillent les voitures qui entrent au village. Ils craignent les bombes et se méfient des travailleurs syriens. Tous ceux que j’ai interviewés à Hermel m’ont expliqué que le Hezbollah n’avait pas d’autre choix que de combattre aux côtés de leur allié syrien, le président Bachar el-Assad. Des groupes rebelles sunnites ont qualifié les chiites d’apostats. La ville a perdu quatre de ses résidants et sept combattants du Hezbollah. Ici, le Hezbollah se trouve pris entre deux feux. Certains clans chiites, qui soutiennent politiquement le parti qui a supplanté leur pouvoir traditionnel, expriment leur inconfort face à la situation et d’autre part, certains partisans s’irritent lorsque le Hezbollah appelle à la retenue et à la réconciliation et leur interdit d’attaquer les rebelles et leurs partisans.
Libération
Pour Libération, Aude Markovitch s’est rendu à Elyakim, «un village libanais créé sur mesure par Tsahal». Reportage.
Dans un fracassant bruit de ferraille, le char s’avance dans la rue principale du petit village. Des fantassins sont déjà sur place, échine courbée, ils progressent lentement, se glissant hors des venelles pour atteindre l’artère centrale. Sur les toits environnants, d’autres soldats protègent leur progression en mettant en joue les ennemis. De la poussière, des combattants qui courent, des tirs. Fin de l’exercice. Sur la base militaire israélienne d’Elyakim, dans le nord du pays, une localité libanaise a été reconstituée. Elle sert de terrain d’entraînement aux forces de Tsahal qui cherchent à améliorer leurs techniques de combat en cas de nouvelle confrontation avec le Hezbollah, tout en évitant de répéter les erreurs de la guerre de trente-quatre jours en 2006. «Durant le conflit, les chars entraient en premier pour protéger l’infanterie. Mais certains ont sauté sur des explosifs placés par le Hezbollah sur leur chemin. On perdait alors à la fois le char et les soldats qu’il était censé protéger. Du coup, on a changé notre tactique», commente Archi Leonard, instructeur de troupes à Elyakim. Des buissons avoisinants, vient d’émerger une poignée de soldats, quelques-uns entrent dans une des maisons où ils découvrent un tunnel menant à l’extérieur du village, façonné à l’image de ceux que les militaires pourraient trouver côté libanais. A 36 ans, Dan, sergent d’une unité comptant une trentaine de soldats, suit des sessions de dix jours à trois semaines par an. «Les entraînements sont devenus de plus en plus compliqués, ils augmentent en intensité et les technologies qu’on emploie changent tout le temps».
La Presse
Le quotidien canadien La Presse titre: Les détenus libanais revivent grâce au théâtre.
Une frénésie règne à la prison centrale de Roumié, à l’est de Beyrouth. Plusieurs dizaines de détenus, dont certains sont condamnés à perpétuité, s’apprêtent à recevoir des invités de marque: les frères Chéhadé, musiciens et chanteurs, Rabih Abou Serhal, violoniste, et Michel Eléftériadès. Cette visite constitue un événement en soi pour les détenus de Roumié, une institution carcérale surpeuplée, initialement conçue pour recevoir 1 500 personnes, mais qui en abrite plus de 3 500.
Les artistes ont, en fait, répondu présents à l’invitation que leur avait adressée l’ONG Catharsis, une association à but non lucratif spécialisée dans la dramathérapie au Liban et au Moyen-Orient, pour inaugurer la nouvelle salle d’activités. Il y a cinq ans, ce quotidien sinistre a changé pour de nombreux prisonniers grâce à la dramathérapie (thérapie par le biais du théâtre) introduite à la prison, en 2008, par Zeina Daccache, actrice, dramathérapeute et directrice générale de Catharsis. Un projet qui a permis à ses bénéficiaires de se réconcilier avec eux-mêmes.
La première année de dramathérapie à Roumié a été couronnée par la présentation, dans l’enceinte même de la prison de la pièce 12 Libanais en colère (une adaptation libre de Twelve angry men de Reginald Rose), qui a mis l’accent principalement sur les problèmes et les revendications des prisonniers. Celle-ci a été largement applaudie et le documentaire du spectacle récompensé dans de nombreux festivals internationaux du film.
Cette expérience «positive» a poussé la dramathérapeute à la transposer à la prison des femmes à Baabda, à l’est de Beyrouth, à la demande des prisonnières. Quarante femmes ont ainsi pu profiter dès 2011 de ces ateliers qui ont été clôturés par la présentation, l’an dernier, de Schéhérazade, un spectacle inspiré des 1 001 nuits passées dans le «royaume» des détenues à Baabda, et qui reflète «l’ambiance des 1 001 détentions».
Le Monde
Cette semaine, Le Monde s’est intéressé aux eaux de baignade «infestées de bactéries».
Sur dix-huit points de baignade testés sur le littoral, presque la moitié sont infréquentables, en raison du fort taux de colibacilles d’origine fécale identifié. Avant la guerre (1975-1990), les eaux usées étaient déjà déversées en mer, mais à 2 km des côtes, par des canalisations. Sans maintenance, ces dernières sont devenues pour la plupart inutilisables. 85% des eaux usées sont aujourd’hui rejetées sans aucun traitement.
Parmi les lieux les plus souillés figure la plage publique de Beyrouth, à Ramlet el-Baïda, où le taux de colibacilles d’origine fécale est supérieur à 1 000 unités par 100 ml. Au-delà de 50, la baignade est jugée critique. Passé le seuil de 100, elle devient dangereuse. Dans l’eau souillée par les excréments, le baigneur risque une infection cutanée ou une diarrhée. Les luxueux établissements privés de la capitale ne sont pas épargnés, pas plus que les nombreuses plages de la région de Jounié, où le taux de colibacilles est supérieur à 300. Un centre de traitement primaire à Ouzaï, près de la plage, ne parvient à nettoyer qu’à peine 20% des eaux usées. L’explication de cette pollution de la Méditerranée, également contaminée par les déchets solides ou les rejets industriels, est simple: le Liban ne dispose pas de stations d’épuration. Financé par des fonds étrangers, un site a bien été inauguré à Saïda, au sud de Beyrouth. Mais il n’effectue que le premier cycle du traitement. Quant aux cinq autres centres construits, «ils ne sont pas fonctionnels, détaille Najib Saab, rédacteur en chef du magazine Environnement et développement. Et quand une station d’épuration existe, elle n’est jamais raccordée au réseau d’égout des maisons. C’est une situation d’autant plus inouïe que la maintenance de tous ces centres inactifs est coûteuse pour l’Etat!». Six autres stations d’épuration doivent, selon les autorités, être mises en place d’ici à 2020, mais elles n’existent pour le moment que sur le papier. Tous ces dysfonctionnements s’expliquent par un manque de moyens financiers, mais aussi par une volonté politique défaillante.
Gulfnews
Le quotidien anglophone publié à Dubaï (EAU), Gulfnews, reprend un reportage de l’AFP qui raconte l’histoire de Maher, «le trompettiste devenu jihadiste en Syrie».
Il était boy-scout et joueur de trompette à Beyrouth. Mais il y a un mois, le nom et la photo du Palestinien Maher Soukkar sont apparus sur les réseaux sociaux, le saluant comme «héros» et «martyr» d’al-Nosra, le front jihadiste qui combat en Syrie. Mohammad, son ami de dix ans, n’en revient toujours pas.
Le jeune homme, qui était âgé de 30 ans, avait grandi dans un orphelinat à Beyrouth après la mort de son père et le remariage de sa mère. A 18 ans, il quitte l’orphelinat mais ne trouve pas de foyer. «Souvent, il passait ses nuits dans la rue», dit Mohammad. Il trouve dans le scoutisme la famille qu’il recherchait. «On sentait qu’il avait besoin de tendresse et qu’il aimait être le centre d’intérêt. C’était normal, vu son passé», explique l’ami. C’est à cette époque qu’il a appris à jouer de la trompette et rejoint une troupe de 120 musiciens. «Il avait l’oreille musicale, malgré sa formation basique».
De guerre lasse, Maher décide en 2003 de s’installer dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, dans le sud de Beyrouth. «Peu après, je l’ai rencontré dans la rue, il portait une djellaba blanche, à la manière afghane, qui arrive aux genoux. Il a commencé à me parler de religion, de ce qui est halal et haram», se souvient un de ses «supérieurs» dans le mouvement scout. «Le milieu du camp l’a changé», ajoute-t-il.
Fin mars, Maher rend visite à Mohammad après des années d’absence. Il lui raconte qu’il vient de sortir de cinq ans de prison, «accusé injustement» d’appartenance à un groupe extrémiste. «C’était une soirée sympa, nous avons beaucoup rigolé. Il parlait en arabe littéraire (à la manière des fondamentalistes), c’était étrange». Son adhésion au Front al-Nosra reste un mystère. Car, au cours des dernières années, il avait occupé des postes administratifs au sein du Fateh al-Intifada, un groupe palestinien proche du régime syrien, et même chez le Hezbollah.
«Comment a-t-il pu rejoindre al-Nosra en un mois et demi?», demande Mohammad. «Toute sa vie, il cherchait sa place… l’oppression et la pauvreté l’ont rendu extrémiste», soutient-il.
Julien Abi Ramia
Le Liban opère sa mutation en ligne
Le mensuel culturel américain Wired, référence dans le domaine des tendances technologiques, a consacré un article sur les start-up en ligne libanaise qui «ont le vent en poupe». Le Liban, qui a longtemps souffert d’un débit Internet parmi les plus lents au monde, connaît un boom de start-up en ligne avec l’apparition d’une
nouvelle génération d’entreprenautes. Que ce soit grâce à des «accélérateurs» de start-up des sociétés de prêt ou d’incubation d’entreprises, les entreprenautes potentiels au Liban
bénéficient d’un climat de plus en plus
favorable, auquel s’ajoute une amélioration du débit Internet […] Grâce à ce programme,
Marwan Hamouch a pu lancer BaytBaytak, un site immobilier en ligne qui met en liaison,
gratuitement, propriétaires, acheteurs ou
locataires potentiels […] Autres exemples, Etobb.com, un service en ligne permettant de consulter divers médecins, Kactus, une
application mobile gratuite permettant aux usagers d’organiser leurs activités quotidiennes ou encore Rikbit.com aidant ceux qui cherchent à organiser des sorties en groupe.