Je me suis autoproclamé et personne ne s’y est opposé. C’est ainsi que le cheikh Ahmad el-Assir aurait pu expliquer sa politique. De fait, il ne manquait plus au sombre tableau qu’offre le Liban que ce cheikh sorti, soudain, de nulle part ou, en tout cas, on ne sait d’où, pour se dire défenseur de la veuve et de l’orphelin. Mais contre qui? Est-ce pour débarrasser le pays des armes illégales qui le menacent? La question que l’on se pose est celle de savoir qui lui a confié cette mission impossible et dangereuse. Qui sont ses mentors? Par qui est-il armé, financé? Mais avant même de pouvoir répondre à ces interrogations, de nombreuses victimes dans les rangs de l’Armée libanaise ont payé le prix de ce donquichottisme. Se promenant avec ses quelques partisans aventureux, il sillonne le Liban, du Sud au Nord, avant de prendre la poudre d’escampette, ne laissant derrière lui que des désastres, des familles de jeunes héros de l’institution militaire et des destructions à tous les niveaux.
Alors que le Liban, pays de tourisme par excellence pour les frères arabes, se morfondait et se plongeait dans une catastrophe économique, le cheikh, fort de son impunité, persuadé d’être intouchable, protégé par sa cuirasse communautaire, se permet des déclarations tonitruantes, affirmant que ses armes et celles de ses partisans ne seront jamais, au grand jamais, déposées. Autant d’affirmations qui lui auraient valu, dans le plus petit pays perdu au fin fond du monde, même dans les Républiques bananières, une arrestation et une détention pour désobéissance civile et atteinte à la souveraineté et à la sécurité de l’Etat.
Mais «on» a laissé la situation se dégrader et les choses pourrir avant d’intervenir au prix du sang de l’armée.
Aujourd’hui, mort ou vivant, à l’intérieur des frontières ou en dehors, Ahmad el-Assir, au moment de mettre sous presse, était encore introuvable. Damas, entre-temps, par le biais de son ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem, larmoyant d’hypocrisie, en appelait à la sagesse des Libanais et assurait qu’il n’y aurait pas d’intervention syrienne dans la crise du Liban. Là aussi, le retard est dramatique et la leçon assénée aux Libanais, ne sert plus à grand-chose comme les appels de certains responsables du pays tombent dans des oreilles sourdes ou dans celles des citoyens, désespérés, et qui ne croient plus en rien ni en personne. Il faudra attendre un sursaut miraculeux pour qu’au moins, la génération montante retrouve le goût de vivre et de travailler dans le Pays du Cèdre que tant de chantres ont glorifié. Et qu’une fois encore, le pays offre un visage civilisé et un climat favorable à la résurrection d’un Liban débarrassé de tous ceux pour qui le seul intérêt est le leur. Ceux qui se bouchent les oreilles pour ne pas entendre les chants maléfiques des sirènes.
Mort ou vivant, Ahmad el-Assir constitue-t-il un défi au Hezbollah.
Mouna Béchara