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Mouna Béchara

Liban d’abord, mais-lequel?

Nous assistons atterrés à une fuite en avant des politiques et même de certains médias qui, ignorant quasiment les problèmes et les dangers qu’affronte le pays, se réfugient dans les nouvelles qui secouent le monde, non seulement celles qui nous concerneraient directement, mais aussi celles qui se déroulent un peu partout sur la planète. Après le désastreux destin de l’Egypte et celui plus terrible encore de la Syrie, ce sont les crashs d’avions aux Etats-Unis, en Corée et ailleurs, les explosions dans le monde et la misère qui sévit aux quatre coins du globe qui font les grands titres des entretiens politiques dont le seul intérêt est de faire diversion, pendant que de Saïda, à Tripoli, à Ersal en passant par la banlieue de la capitale, la sécurité fait gravement défaut. Une grave explosion à Bir el-Abed, a fait, certes, l’objet de reportages en direct. Dénoncé par les principaux représentants du peuple, du président de la République au Premier ministre sortant, à son successeur désigné et aux chefs de partis, le drame fait l’objet d’analyses psychologiques et de suppositions infondées. Les accusations fusent de toutes parts avant le moindre indice permettant de pointer du doigt les présumés coupables. Le ministre de l’Intérieur fait les frais de la colère d’une foule, une colère qui contraste avec la douleur silencieuse et profonde qui, sur le moment, avait accompagné l’assassinat du général Wissam el-Hassan, même si certaines têtes brûlées s’en sont prises plus tard au Grand sérail. Les débats qui, en toute occasion, opposent les antagonistes empoisonnent le climat, tandis que le chef de l’Etat en appelle, sans renoncer, au dialogue. Mais un dialogue sur quelles bases? L’entêtement des uns à sauvegarder leurs acquis, ou à en gagner d’autres, ne favorise aucune entente et paralyse l’économie. Le secteur du tourisme, si florissant, il y a encore peu de temps, se meurt doucement et les Libanais du Golfe sont menacés d’expulsion. La trêve des confiseurs du Ramadan ramènera-t-elle un peu de sagesse dans les esprits des Libanais? Il est permis de nourrir l’espoir malgré le sinistre signal donné à Bir el-Abed en ce premier jour du jeûne. Mais de quel dialogue peut-on parler, de quelle démocratie dans un pays où les représentants du peuple, à quelques exceptions près, se permettent de proroger leur mandat sans en référer à leurs mandataires, ceux et celles auxquels ils doivent leur présence sous la coupole de l’hémicycle. Peuvent-ils encore se gargariser du mot magique de démocratie qui, par étymologie signifie: la voix du peuple? Mais de quel peuple parle-t-on? Est-ce vraiment celui qui avait permis de baptiser le cœur de la capitale du nom magique de «Place de la liberté»? Est-ce celui qui s’est vu imposer la dramatique formule d’un gouvernement d’union nationale qui, à peine mis en place, révélait ses lacunes et ne répondait en aucune façon aux critères de l’union et encore moins à ceux du nationalisme réel dont le seul souci est l’intérêt des citoyens? Le deuxième gouvernement ne fut pas à meilleure enseigne, loin de là. Toutes ses promesses tombèrent à l’eau au fur et à mesure du temps qui passe, jetant dans les rues les manifestants privés d’autres moyens de s’exprimer. Pourtant, l’Etat est censé tenir le rôle du «bon père de famille» équitable envers tous. Peut-on, alors que rien n’a changé dans la mentalité des pontes de la République, auxquels il est de plus en plus difficile d’attribuer le titre de responsables et, encore moins, de dirigeants, leur confier à nouveau les rênes d’un pays qui a tant besoin des efforts de tous ses enfants? La réponse est, certes non, sans hésitation. Preuve en est la rediffusion d’un spectacle toujours aussi peu reluisant que celui des consultations, suivies de concertations que mène sans répit un Premier ministre désigné plein de courage et même de rêve, d’enthousiasme et peut-être d’euphorie, qui ont marqué les tout débuts de sa désignation à l’unanimité par un Parlement dont certains de ses membres croyaient, espérons à tort, pouvoir imposer en contrepartie leurs revendications. Car, rien n’a changé en profondeur. Les ambitions, quand elles ne sont pas les mêmes, en apparence, sont encore plus radicales. Le souhait que l’on peut faire est que le successeur potentiel de Najib Mikati ne se laisse pas séduire par les chants des sirènes si pernicieuses du pouvoir. L’espoir est grand dans celui qui semble y résister et dont le passé politique est plus que rassurant. Pourtant, les risques d’un découragement, au vu des intransigeances des uns et des autres, sont bien présents à l’horizon. Mais on ne peut que poursuivre le rêve né de l’unanimité faite autour de sa personne. De toute évidence, l’expérience l’ayant démontré, la vacance du pouvoir reste préférable au délirant spectacle qu’offrent ceux qui le détiennent depuis quelques années.

Mouna Béchara

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