Magazine Le Mensuel

Nº 2906 du vendredi 19 juillet 2013

Talent

Samira Hamadé. La tradition au cœur de la vie

Le travail artisanal est souvent une histoire de passion qui remonte à bien loin, aux traditions du pays. Des traditions que Samira Hamadé a posées au cœur de sa vie et de son travail.
Samira Hamadé se fait un devoir de préserver les traditions, voire un plaisir, un vrai plaisir. Une passion presque. Et cela se perçoit dès que le visiteur pénètre le perron de sa maison située à Rass Beyrouth. Un accueil chaleureux, jovial, convivial, maternel. La discussion s’enclenche avant même qu’elle ne soit une entrevue. Et elle restera presque toujours sur cette même lancée. Une discussion à bâtons rompus, de tout et de rien, de tradition, de travail, de famille, de passion du travail, du travail bien fait, du devoir citoyen et social, du rapprochement de l’autre, de l’amour du pays.

 

Depuis sa jeunesse, depuis son enfance, Hamadé aimait le travail artisanal, le travail fait main: crochet, dentelles, tissus… nappes, sous-plats, sous-verres… Elle avait, de tout temps, le souci de la tâche bien faite, de manière naturelle, spontanée, innée. Une particularité. Un talent. Un don. Issue d’une famille beyrouthine, Hamadé ne connaissait pas le travail, le commerce. Mais, dit-elle, «je voulais vivre encore mieux». Alors elle a commencé à travailler, soit donc à exercer sa passion contre rémunération, à la maison même, tout en s’occupant de ses enfants. Elle n’a jamais envisagé, tout au long de sa carrière, d’ouvrir une boutique parce qu’elle était convaincue de la nécessité de prodiguer la meilleure éducation à sa progéniture. «Je me suis mariée jeune, ajoute-t-elle, et les conditions ont fait que ce que je connais le mieux», soit donc les traditions dans le sens le plus large du terme et dans tous les domaines, «je l’ai mis en application dans ma vie conjugale, familiale, sociale».
Si pour Samira Hamadé, le travail artisanal est étroitement lié à sa vie personnelle, il l’est également à sa vie sociale, de manière plus directe encore. Depuis des années et jusqu’aujourd’hui même, elle ne cesse de donner du travail à une trentaine de femmes au foyer qui s’y connaissent dans le domaine. Elle, elle s’occupe du design, du dessin, de la conception, des points de crochet, de la couture… de chaque pièce qu’elle délègue ensuite à ces femmes-là, chacune en fonction de ses capacités, quitte à y mettre sa touche finale. Et elle donne comme exemple cette vieille femme âgée de 70 ans environ à qui elle trouve toujours du travail à donner pour qu’elle puisse s’acheter ses médicaments et surtout se sentir toujours productive. Et voilà qu’on sonne à la porte. C’est le mari d’une de ses dames qui vient prendre les pièces sur lesquelles sa femme doit plancher. «Aider les gens, c’est mon but dans la vie. J’en suis convaincue, c’est ce que j’aime et j’espère pouvoir continuer à le faire».
Sur sa table de travail, les pièces s’entassent, certaines sur le point d’être terminées, les autres toujours en pleine phase de conception, les autres attendant d’être confiées, et d’autres encore attendant leurs commanditaires. Samira Hamadé estime que l’activité est primordiale dans la vie, le temps perdu, le temps vide, le temps d’inactivité tue. Alors elle ne cesse de travailler, à toute heure de la journée ou de la nuit, souvent 24h/24. Activité récompensée, Hamadé a un nom sur le marché, même sans jamais avoir fait de publicité, n’appréciant pas la célébrité. Elle effectue, certes, des voyages autour du monde pour prendre des commandes, elle participe à quelques expositions triées sur le tas, ses produits étant généralement destinés à un public qui s’y connaît et relativement assez chers. Mais, parfois, elle ne soucie pas du prix et propose tellement de facilités de paiement surtout quand elle se retrouve face à des jeunes filles en train de se constituer un trousseau.
Samira Hamadé a dû tout faire, toute seule, d’autant plus que, regrette-t-elle, il n’y a pas de politique de commercialisation ou d’exploitation de ce marché, pourtant très sollicité, non seulement au Liban, mais de par le monde. «Nous avons une merveilleuse production, qu’on est, hélas, en train d’étouffer, de tuer». Mais elle ne cesse de poursuivre ses efforts, de vouloir faire le bien autour d’elle. Très patriotique, elle affirme être attachée à son pays, à sa terre, à nos traditions. Des traditions qu’elle porte bien haut, comme une partie d’elle-même, comme un tout.

Leila Rihani

Restauration et infime détail
Une partie du travail, de la passion de Samira Hamadé consiste dans la restauration de pièces anciennes, de pièces artisanales, qui ont subi un certain dommage. Une nappe en dentelle trouée est généralement une pièce perdue. Mais c’est sans compter le savoir-faire et la minutie de Samira Hamadé. D’ailleurs, à la demande du musée du Louvre, elle a récemment restauré une pièce très ancienne appartenant au sultan Salim.

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