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Mouna Béchara

Libanais, indignez-vous

Eté pourri, saison touristique mort-née, marasme économique, politique et social, c’est ainsi qu’on pourrait décrire la situation du Liban. C’est sans compter avec la fureur de vivre d’une population qui a, maintes fois, prouvé sa volonté de vivre, sa force de résistance et son ressort. Son Histoire est riche en rebondissements plus ou moins heureux. Une guerre de quinze ans, des morts, des destructions, des faillites en tous genres n’avaient pas réussi à tuer le dynamisme des Libanais. Cette année encore, malgré les dangers environnants et menaçants et les prévisions pessimistes; en dépit du nombre galopant et fort inquiétant de «touristes» pour le moins indésirables, le pays ne s’endort pas. Toutes les bonnes volontés se sont rassemblées pour maintenir, sinon la joie de vivre, du moins la détermination à le faire. Ce n’est pas sans étonnement et même admiration que les festivals internationaux ont été maintenus et ont connu un succès inattendu. De Byblos, ville mythique s’il en est, à Jounié, Zouk et Beiteddine, les festivals ont fait le plein. Dans d’autres régions, et dans de nombreux villages, les activités locales ont empêché la morosité de s’installer. Il est vrai pourtant qu’à tous les niveaux, les difficultés quotidiennes se font, de plus en plus, lourdes. Les jeunes diplômés sortant des meilleures universités libanaises enviées par toute la région et à qualité égale avec celles des grandes capitales, sont forcés à leur corps défendant, de quitter leurs familles et leurs amis pour partir à l’aventure en quête, sinon d’une vie meilleure, du moins d’un avenir moins incertain. Tout cela échappe à des dirigeants confortablement installés, inconscients de leurs responsabilités, soucieux de leur propre sort et, à la limite, uniquement de celui de leurs proches et de leurs partisans. Ces derniers devenant de moins en moins enthousiastes à les soutenir. Mais ces messieurs en place en ont-ils conscience? Viendra-t-il le jour où les citoyens se réveilleront pour tenter par tous les moyens, pacifiques mais radicaux, de remplacer une caste en décrépitude par une jeunesse dynamique, actuellement brimée par le poids des familles politiques pour qui la fonction est nécessairement héréditaire? Que peut-on attendre de ceux qui, faisant fi de toutes les considérations, s’entêtent à refuser toute forme de dialogue et toute possibilité de solution? D’un gouvernement démissionnaire qui se complaît dans une forme de léthargie qui, d’ailleurs, gagne toutes les institutions du pays. D’un gouvernement dont la formation est bloquée par la mauvaise foi des uns et des autres. D’une administration paralysée qui souffre de vacances à tous les postes. D’une armée, qui pour son anniversaire, cette année encore, rend hommage à ses martyrs tombés sous les balles des ennemis de l’intérieur. Que le gouverneur de la Banque centrale tienne des propos rassurants sur l’état des finances et de l’économie du pays, on ne peut que le croire. Mais est-ce que cela suffit à assurer aux Libanais à revenus modestes les dépenses indispensables dont la scolarité de leurs enfants est majorée chaque année, pour ne citer que ce chapitre vital? Il n’en reste pas moins que le Liban, tel le phénix, sort sans cesse de ses cendres. Cela grâce aux Libanais et, certainement pas à leurs dirigeants qui, d’ailleurs, ne dirigent rien du tout. Il leur reste pourtant à s’indigner et à réagir, comme Stéphane Hessel appelait les citoyens du monde à le faire.

Mouna Béchara

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