Magazine Le Mensuel

Nº 2908 du vendredi 2 août 2013

general

Homer Mavrommatis. Un grand nomade

Pour lui, la diplomatie est un moyen de faire quelque chose pour Chypre, «un pays ni trop grand ni trop puissant avec de sérieux problèmes». De Genève à New York, en passant par Strasbourg où il a vécu, les différents postes qu’il a occupés, ainsi que sa connaissance du monde ont fait de lui l’interlocuteur idéal.
Portrait de l’ambassadeur Homer Mavrommatis.

Ce n’est pas par hasard qu’Homer Mavrommatis soit devenu diplomate, son père l’était aussi. «Mon père était juge puis ministre et dans les années 70, il est entré dans la carrière diplomatique. Je l’ai accompagné à Genève puis à New York». C’est à Genève qu’il étudie le français et l’anglais: deux langues qu’il parle couramment ainsi que le grec, l’espagnol, l’allemand et le turc. Il connaît aussi le serbe, son épouse étant de nationalité serbe. Dans les années 80, il est étudiant à New York. Son engagement pour Chypre se fait à travers sa participation à des manifestations devant le siège des Nations unies pour protester contre la déclaration unilatérale d’indépendance de la partie occupée de l’île. «J’ai assisté au sit-in, pendant un mois, en compagnie des journalistes», raconte Homer Mavrommatis. Il fait des études en Sciences politiques et économie à la New York University (80-84) et obtient un diplôme d’études européennes de Strasbourg (87-88). Il suit également un stage à l’Assemblée parlementaire du conseil de l’Europe à Strasbourg et auprès de la Commission européenne. «C’est à ce moment que j’ai décidé de présenter une demande auprès du ministère des Affaires étrangères, où j’ai commencé à travailler en 1989», confie l’ambassadeur de Chypre.

 

Gitan international
De père chypriote et de mère anglaise, Homer Mavrommatis est le fruit d’un mariage mixte. «Je me sens comme un gitan international, un grand nomade qui, tous les quatre ans, change de pays et d’amis». Il reconnaît que la vie de diplomate n’est pas aisée. «Mais, finalement, tout dépend de chaque personne, de sa capacité à s’adapter ou non à ce train de vie. On ne peut pas forcer les enfants à suivre. Alors que nous sommes quatre enfants, j’ai été le seul à choisir d’accompagner mon père dans ses voyages. Les autres sont restés à Chypre». Il n’a eu aucun problème d’adaptation, lui qui voyait dans chaque nouveau pays une nouvelle expérience. «J’ai visité des pays très intéressants. Après Genève, New York, Strasbourg et Bruxelles, je suis revenu à Chypre, où j’ai travaillé au ministère des Affaires étrangères. Ensuite, j’ai été au Mexique, à Prague, Berlin. J’ai été ambassadeur à Belgrade et maintenant je suis ambassadeur au Liban». De chaque pays qu’il a visité, il a gardé une trace et il s’y est fait des amis avec lesquels il reste en relation à travers les nouveaux moyens de communication. «Sur Facebook, nous sommes différents groupes: des amis de l’école à Genève ou ceux que j’ai connus à New York et ailleurs. Il y a trois semaines, j’ai pris un verre avec un ami que je n’avais pas vu depuis 23 ans, l’époque où nous étions étudiants. Mais grâce à Facebook, nous étions toujours en contact». Homer Mavrommatis est père de trois enfants, deux garçons de son premier mariage, Andreas (16 ans) et Christos (12 ans), et la petite Alexandra (2 ans), née au Liban, fruit de son second mariage en 2010 avec Danka, de nationalité serbe.
Après trois années passées au Liban, Homer Mavrommatis relève beaucoup de similitudes entre le peuple chypriote et le peuple libanais. «Notre manière de vivre et de penser est identique, cette façon que nous avons de donner à nos enfants une éducation solide. Malheureusement, les Chypriotes ne sont pas trilingues comme les Libanais. La majorité de la population apprend l’anglais. J’espère que dans l’avenir il y aura plus de francophones, mais pour l’instant il faut avouer que nous sommes une minorité», souligne l’ambassadeur. Selon lui, Chypre pourrait servir d’exemple au Liban. «Nous avons la même superficie presque, quoique la population représente 30% de celle du  Liban. Mais nous pouvons être un modèle pour la protection de l’environnement et l’infrastructure. Nous avons aussi connu la guerre mais elle n’a pas duré aussi longtemps que chez vous. Les attaques contre le Liban l’ont détruit à plusieurs reprises».
«Vivre au Liban c’est plus ou moins être chez moi. Je m’y sens très à l’aise. Je peux me rendre aussi souvent que je le désire à Chypre pour voir ma famille, mes parents et mes enfants. Nous partageons le même climat, la même géographie et la même mer». Il note que le poste le plus proche est Beyrouth, puisqu’il est situé à une vingtaine de minutes de vol. «Il est recherché par tous les ambassadeurs», dit-il. D’ailleurs, Homer Mavrommatis est le premier ambassadeur résident de Chypre. «Auparavant, il y avait un chargé d’affaires et l’ambassadeur restait à Chypre». Depuis 2004, Chypre fait partie de l’Union européenne. «Dans les années 80, j’ai travaillé à la direction des affaires européennes sur ce projet. J’ai toujours été favorable à l’entrée de Chypre dans l’UE et, aujourd’hui, dix ans après, je reste toujours en faveur du choix européen de Chypre malgré les problèmes financiers que nous avons et qui affectent tous les membres de la zone euro», reconnaît le diplomate.
Il existe une importante communauté maronite comptant quelque 6 000 habitants établie à Chypre. «Ce ne sont pas des émigrés, ils sont là depuis bien longtemps», explique Mavrommatis. Leurs villages étaient situés dans la partie occupée de l’île. «Actuellement, ils habitent Nicosie et sont des réfugiés sur leur propre sol. Quelques villages sont encore accessibles et peuvent être visités, mais la plupart sont dans des zones militaires turques et les habitants n’y ont pas accès». L’évêque maronite de Chypre, Monseigneur Youssef Soueif, est de nationalité libanaise et vit sur l’île. «Originaire de Chekka, c’est un jeune évêque très actif avec lequel j’ai de très bonnes relations. Il y a aussi des Arméniens. Deux des trois patriarches des communautés religieuses de Chypre sont au Liban, ce qui crée encore plus de liens avec le Pays du Cèdre», explique l’ambassadeur.
Pour Homer Mavrommatis, son poste actuel est le plus important de sa carrière. «Finalement, on s’aperçoit que le poste le plus important est celui qui est le plus proche de votre pays et avec lequel il y a le plus de relations bilatérales. C’est un défi aujourd’hui de promouvoir encore plus ces relations vu les intérêts communs des deux pays concernant les récentes découvertes de gaz et de pétrole dans nos mers. Chypre a un réel désir d’avoir des relations très proches avec le Liban».

Joëlle Seif
Photos Milad Ayoub-DR

Ce qu’il en pense
Social media: «On ne peut pas éviter 
l’invasion  de nos vies privées par le social media. Mon Facebook est personnel, mais nous pensons créer une page concernant l’ambassade. Il y a un tas de choses que l’on peut faire grâce au social media. J’utilise également Twitter. Il faut être actif dans le social media. C’est une façon d’être présent et c’est facile à utiliser. Notre ministère des Affaires étrangères n’est pas contre cette 
utilisation et nous encourage à avoir des pages pour la promotion des activités de l’ambassade. De plus, cela aide à garder le contact avec les gens qu’on a connus et qu’on ne voit plus très souvent».
Ses loisirs: «Le tennis principalement, surtout le dimanche, avec les collègues diplomates: les ambassadeurs du Chili, de Hollande et de Roumanie. Malheureusement, notre groupe se réduit avec le départ 
prochain de Daniel Tanase, l’ambassadeur de Roumanie. Actuellement, nous sommes à la recherche d’un autre candidat pour perpétrer la tradition. On jouait aussi avec les anciens ambassadeurs d’Espagne et du Mexique.
J’ai également participé au marathon de Beyrouth et j’ai couru 5 km avec les autres ambassadeurs. Mais maintenant je pense qu’il vaut mieux marcher que courir, alors je promène le chien tous les jours. J’habite une zone très tranquille à Rabié où il est agréable de marcher».  
Sa devise: «Keep smiling (Continuer à sourire). La vie ressemble aux montagnes russes, avec des hauts et des bas. Il ne faut pas arrêter de sourire».

Se dire oui à Chypre
Le mariage civil est devenu l’une des 
principales attractions de Chypre pour les Libanais. «C’est l’île de l’amour et c’est un endroit très romantique pour y célébrer son mariage. De plus, les formalités y sont très simples», explique l’ambassadeur qui précise s’être lui-même marié civilement à Chypre et religieusement devant l’Eglise orthodoxe en Serbie, puisque sa femme est serbe. «C’est tellement aisé et peu coûteux d’organiser un mariage à Chypre. Il suffit 
tout simplement d’avoir les documents 
nécessaires. C’est également la solution 
la plus facile pour les couples mixtes».  

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