Ce 15 août 2013, marqué d’une pierre noire, a semblé pourtant devoir provoquer un choc positif sur la scène nationale. Mais le miracle n’a pas eu lieu et l’émotion qui a gagné les différents antagonistes n’aura duré que quelques heures. L’odieux, l’indescriptible crime perpétré à Roueiss, quartier populaire et surtout populeux de la banlieue sud de la capitale, l’intolérable spectacle des membres déchiquetés, des corps d’enfants méconnaissables, des survivants en quête de leurs proches et, enfin, le désastre de ceux qui ont tout perdu, leurs maisons comme leurs biens, avaient secoué les Libanais toutes tendances confondues. Nous avons tous écouté les leaders des différents bords et confessions dénoncer avec virulence l’attentat perpétré contre des innocents. Certains même sont venus de loin partager sur les lieux les souffrances des innocentes victimes de ce désastre difficile à vivre. Nous avons pu croire, l’espace d’un moment, à de possibles retrouvailles libanaises. Nous avons même eu l’illusion tellement éphémère d’un possible dialogue. Mais, avant même que les morts ne soient reconnus et recensés, que les blessés ne soient transportés vers les hôpitaux, que les rues ne soient déblayées, les traditionnels échanges d’accusations et des mots d’oiseaux refaisaient surface. Au milieu des ruines et des désastres, les meurtriers et leurs commanditaires étaient déjà pointés du doigt avec une conviction désolante en l’absence encore de tout indice et avant tout début d’enquête sérieuse. Mais alors que l’on entendait, sans beaucoup y croire, mais avec une lueur d’espoir, sayyed Hassan Nasrallah, appeler d’une voix calme les forces du pays à dépasser leurs sensibilités communautaires pour resserrer les rangs, la désillusion ne tarda pas. Elle fut brutale. En quelques phrases, et sur le ton provocateur et agressif qu’il manipule à volonté, le secrétaire général du Hezbollah annonçait sans ambages, et en termes virulents, à ceux qui rejetaient la faute de l’horrible drame à son implication en Syrie, sa détermination à poursuivre sa croisade auprès du régime syrien. La douche froide fut difficile à supporter. Son discours n’avait plus rien d’apaisant, bien au contraire. Ainsi, en quelques mots, il a balayé toutes les illusions de ceux qui, naïvement, avaient espéré, faute de pouvoir y croire, que l’explosion l’aurait amené à plus de sagesse nationale et lui ferait renoncer à une guerre qui ne concerne pas son pays et qui attirait autant les peurs de ses compatriotes que les menaces à peine voilées des pays arabes avant même celles des Occidentaux. Accusé de défendre l’intérêt du régime Assad et celui de l’Iran avant celui de son propre pays, il rétorque avec force être prêt à renforcer son intervention quelles qu’en soient les répercussions sur le double plan sécuritaire et économique de son propre pays. Partant de là, de quel dialogue peut-on encore parler? A quelle combinaison gouvernementale parviendra-t-on? La brèche ouverte par le général Michel Aoun sur le chef du Courant du futur suffira-t-elle à redonner aux institutions de l’Etat leur prestige? Les découvertes de voitures piégées avant leur explosion sont-elles de nature à rassurer les Libanais? Ces derniers voient, par ailleurs, percer à l’horizon l’auto-sécurité, confiée aux miliciens, auxquels le Hezbollah a ouvert la voie dans la banlieue sud? En verra-t-on surgir un peu partout? Certes, les Libanais n’ont pas oublié ce que cela leur a coûté pendant les quinze années de la guerre. Sont-ils prêts à revenir à la guérilla civile?
Mouna Béchara